KIEV: Plusieurs villes ukrainiennes, dont la capitale Kiev, ont été jeudi les cibles de frappes russes qui coïncident avec les premières chutes de neige dans un pays où dix millions d'habitants sont privés d'électricité au moment où les températures pourraient chuter jusqu'à -10°C.
La répétition de ces bombardements visant depuis octobre les infrastructures énergétiques de l'Ukraine prive régulièrement de courant mais aussi d'eau des millions d'Ukrainiens.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dont le pays va entrer le 24 novembre dans son dixième mois de guerre, a dénoncé "une autre attaque terroriste russe".
"Des dizaines de missiles ce matin. Des sites civils sont la cible principale. La Russie fait la guerre contre l'électricité et le chauffage destinés aux gens en faisant exploser des centrales électriques et d'autres installations énergétiques", a-t-il dit.
"A l'heure actuelle, plus de dix millions d'Ukrainiens sont sans électricité", notamment dans la région de Kiev, a précisé le président ukrainien lors de son adresse télévisée quotidienne.
Le Kremlin a affirmé jeudi que les souffrances des civils en Ukraine étaient imputables au refus de Kiev de négocier.
"C'est la conséquence du manque de volonté de la partie ukrainienne de régler le problème, d'entamer des négociations, de son refus de chercher un terrain d'entente", a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
L'Ukraine avait déjà été touchée mardi par des frappes massives, qui interviennent après une nouvelle retraite humiliante des forces russes qui ont abandonné, sous pression d'une contre-offensive ukrainienne le 11 novembre, le nord de la région de Kherson (sud) dont elle revendique pourtant l'annexion.
Les nouveaux bombardements de jeudi ont eu lieu avec les premières chutes de neige dans le pays. Le gouverneur régional, Oleksiï Kouleba, avait averti la veille que la semaine à venir serait "difficile", avec des températures qui pourront descendre "jusqu'à -10°C".
Dans la région de Kiev, deux missiles de croisière et des drones kamikaze de fabrication iranienne "Shahed" ont été abattus par la défense ukrainienne.
Un journaliste de l'AFP a vu un de ces missiles survoler un quartier résidentiel dans l'est de la capitale.
A Dnipro (centre-est), 14 personnes dont une adolescente de 15 ans ont été blessées dans un bombardement, a indiqué le gouverneur régional, Valentin Reznitchenko.
En mode survie
L'opérateur électrique national Ukrenergo a annoncé la prolongation des coupures d'électricité pour la journée en raison de l'"aggravation de la situation".
"En raison d'un refroidissement brutal, la consommation d'électricité a augmenté dans les régions d'Ukraine" ce qui a "compliqué davantage la situation déjà difficile dans le système électrique", entraînant de "plus vastes restrictions" de la consommation de l'énergie à travers le pays, a déploré Ukrenergo.
De son côté, l'opérateur ukrainien privé DTEK a évoqué "une destruction sans précédent" subie par le système énergétique.
"Nous vivons maintenant en mode survie, c'est le front de l'énergie", a déclaré pour sa part le chef du Centre de recherche sur l'énergie Oleksandr Kharchenko.
A Kherson, scènes de chaos et d'espoir après le retrait russe Reportage
Après huit mois d'occupation, les habitants de Kherson s'adaptent petit à petit à leur nouvelle vie sans l'armée russe, beaucoup se préparant déjà à affronter un hiver difficile et incertain.
L'approvisionnement en électricité et en eau de la ville ayant été coupé après la destruction des principaux services publics par les Russes avant leur retrait, les habitants s'empressent de stocker des produits de première nécessité dans cette ville située dans le sud de l'Ukraine.
Sur la place Svoboda, la principale de la ville, où quelques jours plus tôt des habitants s'étaient rassemblés pour célébrer la défaite russe face à l'armée ukrainienne, des habitants font désormais la queue pour pouvoir récupérer des cartes SIM, obtenir le versement de pensions et des bribes d'aide humanitaire parvenant à Kherson.
Après le retrait des forces russes de Kherson, de sinistres découvertes montrent l'ampleur sans précédent des cas de torture dans la ville pendant l'occupation russe, a dénoncé un haut responsable ukrainien chargé des droits de l'Homme.
"Je n'ai pas encore vu" de tortures "à une telle échelle", "après avoir visité toutes les salles de torture dans diverses régions de l'Ukraine", a déclaré jeudi Dmytro Loubynets, chargé au Parlement des droits de l'Homme. "L'ampleur du phénomène est horrible".
Des "dizaines de personnes" étaient "électrocutées, battues avec des tuyaux métalliques. Leurs os étaient brisés" et "les Russes ont filmé tout cela", a-t-il accusé.
Dans les rues de Kherson, l'euphorie cédait parfois jeudi la place à de la frustration, avec des cohues autour de la distribution de produits de première nécessité.
"C'est la première fois que nous recevons de l'aide", déclare Tatiana Bozhko, 62 ans. "C'est premier arrivé, premier servi", critique quant à lui Maksym, un cheminot de 27 ans.
Pluie de missiles russes
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a assuré jeudi que la Russie portait la "responsabilité ultime" pour la chute meurtrière d'un missile en Pologne, qui a tué mardi deux personnes, alors qu'une enquête doit déterminer d'où celui-ci a été tiré.
"Ce que nous voyons chaque jour aujourd'hui, c'est que la Russie fait pleuvoir des missiles sur l'Ukraine, cherchant à détruire ses infrastructures critiques, ciblant la capacité qu'a l'Ukraine pour garder les lumières allumées, maintenir le chauffage et permettre au pays de vivre et d'aller de l'avant", a déclaré le chef de la diplomatie américaine.
La Russie a nié avoir tiré ce missile, Varsovie elle-même jugeant "hautement probable" qu'il s'agisse d'un projectile anti-aérien ukrainien, évoquant "un accident malheureux".
Des experts ukrainiens sont arrivés jeudi en Pologne pour participer à l'enquête, a indiqué le chef de la diplomatie ukrainienne.
"Nos experts sont déjà en Pologne", a indiqué Dmytro Kouleba sur Twitter. "Nous espérons qu'ils accèderont rapidement au site" de l'incident, "en coopération avec les forces de l'ordre polonaises".
Reconduction de l'accord sur les céréales
Sur le plan diplomatique et économique, l'accord permettant les exportations de céréales ukrainiennes depuis les ports d'Ukraine a été reconduit pour les quatre mois d'hiver, levant les inquiétudes sur une possible crise alimentaire mondiale.
L'"Initiative sur les céréales" en mer Noire a permis de sortir plus de onze millions de tonnes de céréales des ports ukrainiens en quatre mois, après un long blocage des ports d'Ukraine par l'armée russe au printemps.