PRZEWODOW : L’armée polonaise était mercredi en état d'alerte renforcée après la chute d’un missile, probablement de fabrication russe mais dont l’origine restait inconnue, dans un village du sud-est du pays, près de la frontière avec l’Ukraine.
Le président polonais Andrzej Duda a souligné la veille qu'il n'y avait à ce stade pas de "preuve équivoque" sur l'origine du tir du missile meurtrier, "très probablement de fabrication russe" selon lui. "Une enquête est en cours", a-t-il relevé, affirmant qu'il s'agissait d'un incident "isolé".
Dans le village où est tombé le missile, les forces de l'ordre ont bloqué l'accès au point de chute et forme un barrage autour de la zone, a constaté l'AFP. Les sirènes des voitures de police retentissent sous un ciel gris et pluvieux.
Les Occidentaux ont apporté un soutien prudent à la Pologne, le président américain Joe Biden estimant "improbable (...) qu'il ait été tiré depuis la Russie".
"Je vais m'assurer que nous puissions déterminer ce qu'il s'est passé exactement" avant de décider d'une réaction, a-t-il ajouté, à l'issue d'une réunion d'urgence mercredi des dirigeants des grandes puissances du G7 (Etats-Unis, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Canada, Japon), en Indonésie, en marge du sommet du G20.
La France appelle aussi à "la plus grande prudence", "beaucoup de pays" de la région disposant du même type de missile, a déclaré mercredi l'Elysée, mettant en garde contre "les risques d’escalade importants".
Le missile est tombé en début d'après-midi dans le village de Przewodow et a tué deux Polonais, selon les autorités. Kiev avait affirmé dans un premier temps qu'il s'agissait d'un "projectile de fabrication russe".
Le chef de l'Otan Jens Stoltenberg doit tenir mercredi une "réunion d'urgence" avec les ambassadeurs de l'Alliance, selon une porte-parole.
La Pologne, qui partage une frontière avec l'Ukraine, envahie le 24 février par la Russie, est membre de l'Otan et quelque 10.000 militaires américains se trouvent dans le pays.
Il est "absolument essentiel d'éviter l'escalade de la guerre en Ukraine", a exhorté le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres qui a réclamé une "enquête approfondie" sur le tir.
Macron «a pris contact» avec la Pologne et envisage une «discussion» mercredi au G20
"Il explore la possibilité d'une discussion dès demain matin au niveau des leaders" pour "analyser les risques" et "prévenir une escalade du conflit", "compte tenu de la présence de tous nos grands partenaires européens et nos grands partenaires alliés au G20", réuni en sommet en Indonésie, où se trouve également Emmanuel Macron, a affirmé la présidence française.
La seconde journée du G20 mercredi "sera un moment important pour sensibiliser nos grands partenaires comme le président de la République le fait depuis le début de la guerre", a relevé l'Élysée.
Le chef de l'Etat a demandé "de mener les vérifications nécessaires afin d’établir les faits en consultation étroite avec la Pologne et ses alliés au sein de l'Otan", a-t-on indiqué au ministère des Armées.
A l'Assemblée nationale, la secrétaire d'Etat Sonia Backès a transmis aux députés un message de la Première ministre Elisabeth Borne: "le gouvernement suit de très près la situation sur le terrain en lien avec nos alliés polonais".
"En toute hypothèse, la Pologne peut compter sur la solidarité de la France et nous vous tiendrons au courant au fur et à mesure des informations que nous recevrons", a-t-elle lu.
«Provocation intentionnelle» selon Moscou
La Maison Blanche a fait savoir que M. Biden avait discuté avec son homologue polonais et avec M. Stoltenberg. Et son secrétaire d'Etat Antony Blinken a parlé avec ses homologues polonais Zbigniew Rau et ukrainien Dmytro Kouleba.
"Nous nous sommes engagés à rester étroitement coordonnés dans les jours à venir alors que l'enquête avance et que nous déterminons les prochaines étapes opportunes", a tweeté M. Blinken depuis Bali.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exprimé ses "condoléances pour la mort de citoyens polonais victimes de la terreur des missiles russes".
"L'Ukraine, la Pologne, toute l'Europe et le monde doivent être entièrement protégés de la Russie terroriste", a poursuivi M. Zelensky.
Son ministre des Affaires étrangères a qualifié de "théories du complot" les allégations, publiées sur internet, selon lesquelles il pourrait s'agir d'un missile ukrainien tombé en territoire polonais.
De son côté, Moscou a qualifié les accusations de tirs russes sur le sol polonais de "provocations".
"Les déclarations de médias polonais et de responsables officiels sur une prétendue chute de missiles russes près de la localité de Przewodow relèvent de la provocation intentionnelle dans le but de créer une escalade de la situation", avait alors réagi le ministère russe de la Défense sur Telegram.
"Aucune frappe n'a été menée sur des objectifs proches de la frontière ukraino-polonaise" par l'armée russe, affirmait le ministère. Les images de "débris publiés par les médias polonais depuis les lieux des faits dans la localité de Przewodow n'ont aucun rapport" avec des projectiles russes.
«Garder le calme»
Dans la nuit de mardi à mercredi, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a appelé "tous les Polonais à garder le calme face à cette tragédie".
En Hongrie, le porte-parole du Premier ministre Viktor Orban a indiqué qu'un Conseil de défense avait été convoqué dans la soirée.
L'article 5 du traité de l'Alliance atlantique affirme que si un Etat membre est victime d'une attaque armée, les autres considèreront cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l'ensemble des membres et prendront les mesures jugées nécessaires pour venir en aide au pays attaqué.
Si une attaque d'origine russe était confirmée cela constituerait une aggravation sérieuse du conflit en Ukraine.
Ce tir est intervenu au soir d'une journée marquée par une intense campagne de bombardement russe sur les infrastructures ukrainiennes, qualifiée par le président Zelensky de "gifle au visage du G20". Ce sommet se déroule sans le président russe Vladimir Poutine, qui n'a pas même souhaité s'y exprimer par visioconférence.
Ces frappes, qui ont fait au moins un mort à Kiev, ont entraîné des coupures de courant généralisées en Ukraine et jusque dans la Moldavie voisine, aux portes de l'UE.
Selon M. Zelensky, ces frappes ont provoqué l'arrêt automatique de réacteurs dans deux centrales nucléaires en Ukraine. Dix millions d'Ukrainiens ont été privés d'électricité mais quelque huit millions avaient bénéficié de réparations d'urgence mardi soir, a-t-il précisé.
Nouveau retrait russe
Des frappes ukrainiennes sur la région russe de Belgorod, frontalière au nord-est, ont fait deux morts et trois blessés, a indiqué sur Telegram le gouverneur de la région Viatcheslav Gladkov.
Les frappes massives sur l'Ukraine ont eu lieu quatre jours après l'humiliant retrait des forces russes d'une partie de la région de Kherson, dont la ville du même nom, dans le sud, après plus de huit mois d'occupation.
Signe des difficultés des Russes sur le terrain, les autorités d'occupation dans la région de Kherson, dont Moscou revendique l'annexion, ont dû abandonner une nouvelle ville, Nova Kakhovka.