RIYAD: Le ministre pakistanais des Affaires étrangères a salué les «initiatives vertes» de l’Arabie saoudite, espérant que son pays pourra faire progresser la vision environnementale du prince héritier Mohammed ben Salmane.
Bilawal Bhutto Zardari a tenu ces propos, lors d’un entretien accordé exclusivement à Arab News au cours d’une visite de deux jours dans la capitale saoudienne – son premier voyage au sein du Royaume depuis qu’il a repris le dossier des affaires étrangères du Pakistan en avril.
Il se trouvait dans la ville balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh la semaine dernière et faisait partie de la délégation pakistanaise à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, dirigée par le Premier ministre Shahbaz Sharif.
«Nous étions à la COP27 en Égypte, où le Forum de l’initiative pour un Moyen-Orient vert était co-organisé par le prince héritier Mohammed ben Salmane et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi», déclare-t-il à Arab News. «Le programme était remarquable et nous espérons pouvoir faire progresser sa vision.»
Il poursuit: «Cela témoigne d’un niveau de dynamisme et de leadership visionnaire qui convient aux temps modernes, en particulier sur le plan des initiatives vertes. Nous espérons voir les résultats des investissements que le Royaume souhaite faire dans l’énergie solaire, non seulement ici en Arabie saoudite mais aussi à travers le monde en exportant cette énergie.»
M. Bhutto Zardari faisait référence à un forum organisé par l’Arabie saoudite la semaine dernière en marge de la COP27 pour mettre en lumière les réalisations de l’Initiative pour un Moyen-Orient vert, un programme lancé en 2021 pour aider le Royaume et l’ensemble de la région à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à protéger la biodiversité et à planter des milliards d’arbres.
S’exprimant lors du Forum de l’initiative pour un Moyen-Orient vert le 7 novembre, le Premier ministre pakistanais a proposé de partager l’expérience et l’expertise de son pays avec les pays membres, au moment où la région vulnérable agit pour se prémunir contre les pires effets du changement climatique.
«Nous espérons être en mesure de déployer tous les efforts possibles en termes d’assistance et d’expertise technique dans cette initiative», dit M. Bhutto Zardari, en s’appuyant sur l’offre de M. Sharif. «Par ailleurs, nous partageons la même vision: nous, au Pakistan, aimerions également faire la transition vers des énergies plus vertes.»
À plus grande échelle, il salue le succès du programme de réformes sociales et économiques de l’initiative Vision 2030 du Royaume : « Nous rendons hommage au prince héritier, à son leadership, à sa vision et à la transformation à laquelle nous assistons ici en Arabie saoudite, que ce soit au niveau des droits des femmes ou du changement climatique.»
Le Pakistan connaît très bien les conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes, en particulier après que les inondations de cet été ont tué plus de 1 700 personnes, endommagé ou détruit des centaines de milliers de maisons et emporté des écoles, des cliniques et des systèmes d’approvisionnement en eau, principalement dans le Sind, le Balouchistan, le Pendjab et Khyber Pakhtunkhwa.
«Nous n’avons jamais connu d’inondations aussi catastrophiques», précise M. Bhutto Zardari. «Cela est sans aucun doute aggravé par le changement climatique. Après la mousson meurtrière de cet été, le tiers du pays – cette énorme masse terrestre – était sous l’eau. Une personne sur sept dans ma population a été touchée. Cela fait 33 millions de personnes.»
«Nous comprenons donc la nécessité de prendre au sérieux le climat et espérons nous concentrer sur les énergies vertes au Pakistan – solaire et éolienne – en travaillant sur un partenariat public-privé et en faisant participer le secteur privé, non seulement au Pakistan mais aussi en Arabie saoudite et dans d’autres pays.»
Le Centre d’aide humanitaire et de secours du roi Salmane a mis sur pied l’aide saoudienne au Pakistan à la suite des inondations, y compris le lancement d’un «pont de secours» aérien et terrestre.
«Nous sommes infiniment reconnaissants», soutient M. Bhutto Zardari en faisant allusion au travail humanitaire. «Le royaume d’Arabie saoudite et son peuple ont toujours été de grands amis et partisans du Pakistan. Chaque fois que nous avons traversé une période difficile, ils se sont tenus aux côtés du peuple pakistanais.»
«Cette fois n’est pas différente, que ce soit au moyen du pont aérien ou grâce à l’aide fournie par le fonds de secours. Le Royaume a déployé des efforts considérables pour aider tous ceux qui ont été touchés par les inondations au Pakistan. Le problème est que l’ampleur de la catastrophe est si grande qu’il semble toujours y avoir plus à faire.»
De nombreux scientifiques pensent que le changement climatique provoqué par l’homme a joué un rôle dans la mousson meurtrière au Pakistan. Pourtant, les experts affirment que le pays n’est responsable que de 0,4% des émissions historiques mondiales jugées responsables du réchauffement climatique. En revanche, les États-Unis sont responsables de 21,5% et la Chine de 16,5% de l’ensemble des émissions.
M. Bhutto Zardari se trouvait dans la ville balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh la semaine dernière et faisait partie de la délégation pakistanaise à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, dirigée par le Premier ministre Shahbaz Sharif. (Twitter/@pmln_org)
Sans surprise, la délégation pakistanaise à la COP27 a été un élément déterminant des efforts déployés par les pays en développement pour établir un «mécanisme de financement des pertes et dommages» en vue d’encourager les pays riches à aider les États les plus menacés par les conditions météorologiques extrêmes.
« Nous sommes très fiers que le Pakistan, en tant que président du G77, et en particulier compte tenu de nos expériences avec les inondations catastrophiques, ait réussi à jouer un rôle-clé dans ces négociations », déclare M. Bhutto Zardari à Arab News.
« À la COP27, nous sommes parvenus à un consensus où, finalement, ce ne sont pas uniquement l’atténuation et l’adaptation qui ont été ajoutées à l’agenda des pays en développement comme le Pakistan mais aussi les pertes et les dommages ».
« C’est une grande réussite en effet. Il s’agit d’un pas dans la bonne direction. Mais, comme pour tout le reste, qu’il s’agisse d’adaptation et d’atténuation, ou encore de pertes et de dommages, c’est formidable que nous les ayons à l’ordre du jour, mais nous allons devoir mener à bien la mise en œuvre.»
Le ministre pakistanais a également salué le «leadership» du prince héritier Mohammed ben Salmane, mettant en lumière la «vision et la transformation à laquelle nous assistons». (Photo AN /Huda Bashatah)
La présence très médiatisée du gouvernement pakistanais à Charm el-Cheikh s’est également produite dans un contexte de hausse de l’inflation, de diminution des réserves de devises et de graves problèmes d’endettement, sans parler d'une crise constitutionnelle autour de la destitution d’Imran Khan du poste de Premier ministre.
M. Khan, évincé par le Parlement lors d’un vote de défiance en avril, affirme qu’il a été renversé dans un complot orchestré par les États-Unis et son successeur – des allégations que Washington et M. Sharif nient.
Les tensions politiques se sont intensifiées le 3 novembre lorsque M. Khan a été blessé à la jambe par un homme armé qui a attaqué son convoi de protestation. Le tireur a été arrêté et, selon la police, aurait reconnu la tentative de meurtre.
Dans un entretien récent avec Christine Amanpour de CNN, M. Bhutto Zardari, fils de l’ancienne Première ministre pakistanaise Benazir Bhutto, a condamné l’attaque sans réserve, appelant à une « enquête libre, juste et impartiale ».
«Le Premier ministre a déjà écrit au juge en chef du Pakistan, lui demandant de tenir une enquête judiciaire sur l’attaque contre M. Khan. Et nous appelons à une enquête libre, juste et impartiale», dit-il à Arab News. «Une enquête libre, juste et impartiale signifie que nous ne devons pas politiser cette tragédie ou l’utiliser pour prendre des individus pour cible sans preuve.»
Depuis l’attaque, M. Khan affirme que des personnalités du gouvernement et de l’armée nationale étaient à l’origine de la fusillade et ont mis en doute l’impartialité de toute enquête.
« Bien sûr, si M. Khan a des doutes sur l’impartialité du pouvoir judiciaire, nous engagerons avec lui ce qu’il pense être une enquête impartiale», affirme M. Bhutto Zardari, également président du Parti du peuple pakistanais. Ce parti de centre gauche est l’un des trois plus grands partis politiques du Pakistan et un rival du Pakistan Tehreek-e-Insaf de M. Khan.
Écartant les accusations de M. Khan, il soutient: «Tout le monde a le droit d’avoir ses propres opinions, mais tout le monde n’a pas droit à son propre ensemble de faits.»
Indépendamment de l’évolution du drame politique dans les prochains jours, la préoccupation principale de nombreuses familles pakistanaises est de pouvoir se nourrir. Alors que des millions de personnes déplacées vivent sous des tentes et que l’hiver approche à grands pas, le pays a urgemment besoin d’aide.
Une évaluation officielle pakistanaise estime le coût de la reprise à plus de 16 milliards de dollars (1 dollar = 0,96 euro), sans compter les difficultés économiques existantes du pays.
«Les dommages causés à notre économie s’élèvent à plus de 30 milliards de dollars, soit 10% de notre PIB. Ainsi, le chemin à parcourir, en ce qui concerne la reconstruction et la réhabilitation, est long et ardu», précise M. Bhutto Zardari. «Mais nous nous engageons à transformer cette crise, cette catastrophe, en une possibilité et non seulement à investir dans la reconstruction mais aussi à mieux reconstruire, de manière qui soit plus adaptée au climat et à l’environnement.»
Des informations circulent récemment dans les médias pakistanais, évaluant les investissements saoudiens à plus de dix milliards de dollars, en plus du renouvellement du prêt de 3 milliards de dollars que le Pakistan doit actuellement à l’Arabie saoudite. M. Bhutto Zardari a refusé de s’attarder sur les détails.
«Je ne divulguerai rien à l'avance», déclare-t-il à Arab News.
Il ajoute: «Comme vous le savez, le Pakistan et l’Arabie saoudite entretiennent des relations historiques et fraternelles qui remontent dans le temps et se sont approfondies au fil des ans.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com