La France toujours malade de ses prisons

Cette photo d'archive prise le 9 septembre 2009 montre une vue extérieure d'une prison à Auxerre. Les prisons françaises, selon les derniers chiffres officiels, comptent 72 350 détenus, avec 2035 matelas au sol et un taux d'occupation s'élevant à 119,2% en moyenne. (AFP).
Cette photo d'archive prise le 9 septembre 2009 montre une vue extérieure d'une prison à Auxerre. Les prisons françaises, selon les derniers chiffres officiels, comptent 72 350 détenus, avec 2035 matelas au sol et un taux d'occupation s'élevant à 119,2% en moyenne. (AFP).
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Publié le Samedi 12 novembre 2022

La France toujours malade de ses prisons

  • Au rythme de progression actuel, le record absolu de 72 575 personnes incarcérées atteint en mars 2020 à la veille de la mise sous cloche du pays, devrait être prochainement dépassé
  • Une évolution à rebours de celle des voisins européens de la France, qui ont vu en dix ans reculer leur taux d'incarcération, notamment en Allemagne (-12,9%) et aux Pays-Bas (-17,4%)

PARIS : Des maisons d'arrêt surpeuplées à plus de 140% et une inflation qui ne faiblit pas: près de trois ans après sa condamnation par la justice européenne pour sa surpopulation carcérale, la France n'a toujours pas endigué ce mal endémique.

Selon les dernières données officielles, les prisons françaises comptaient 72 350 détenus pour quelque 60 000 places au 1er octobre, soit 3 177 de plus en un an et 13 655 de plus qu'en juin 2020, quand la crise sanitaire avait entraîné une chute drastique du nombre de prisonniers.

Au rythme de progression actuel, le record absolu de 72 575 personnes incarcérées atteint en mars 2020 à la veille de la mise sous cloche du pays, devrait être prochainement dépassé.

Une évolution à rebours de celle des voisins européens de la France, qui ont vu en dix ans reculer leur taux d'incarcération, notamment en Allemagne (-12,9%) et aux Pays-Bas (-17,4%).

"Il y a une exception répressive française", juge Matthieu Quinquis, président de l'Observatoire international des prisons (OIP), et cette "augmentation folle de la répression ne correspond pas à une hausse de la délinquance".

En France, "la prison reste la reine des peines", note aussi Dominique Simonnot, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), qui s'insurge contre une "passion française d'enfermer".

Dans un discours à Agen en 2018, Emmanuel Macron avait lui-même regretté que l'emprisonnement reste "la solution qui contente symboliquement le plus de monde, ce qui évite de s'interroger sur le sens que cela recouvre".

Organisations syndicales et associations déplorent toutefois depuis l'absence de "volonté politique" pour endiguer ce surpeuplement chronique, que la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) avait qualifié de "structurel" en condamnant la France en janvier 2020.

Incantation permanente

Dans son "plan d'action" contre la surpopulation carcérale adressé à l'Europe, le gouvernement français met en avant la construction de 15.000 nouvelles places de prison d'ici 2027 et assure que le recours accru aux mesures alternatives à la détention "produira tous ses effets dans les prochains mois".

"Soixante pages pour dire que tout va bien. C'est une incantation permanente", raille Matthieu Quinquis.

Le gouvernement détaille que 2.081 places ont été livrées depuis 2017, que 360 doivent l'être d'ici la fin de l'année, puis 1.958 en 2023, 390 en 2024 et 740 en 2025. Soit un total de 5.500 places.

La nouvelle échelle des peines entrée en vigueur en mars 2020, qui vise à limiter les courtes peines, grandes pourvoyeuses d'emprisonnement, est un "rendez-vous manqué", constate poliment une ancienne directrice de prison.

En trois ans, le quantum des peines prononcées a "augmenté de 11%" et le recours à la détention provisoire - avant jugement - reste "extrêmement important", note le président de l'OIP.

Une récente étude de l'Administration pénitentiaire mettait en évidence qu'entre 2015 et 2019, l'augmentation du nombre de détenus était surtout liée à la hausse des mises en détention provisoire (+17,4% en cinq ans) et la croissance de la durée moyenne d'incarcération des prévenus.

Le ministère de la Justice invite à "tempérer" l'impact de la détention provisoire. "C'est en réalité la durée de l'emprisonnement des condamnés qui influence le plus la tendance à la hausse", affirme-t-il.

Si des peines d'emprisonnement ferme d'un mois, pourtant proscrites, restent prononcées (159 déjà en 2022) et celles de moins de six mois ont diminué de 6%, celles de plus de six mois ont connu une hausse importante.

Temps d'appropriation

Il en "résulte un accroissement sensible du nombre des années d'emprisonnement prononcées", de l'ordre de "2% en 2022 par rapport à 2021", constate-t-on au ministère.

Les dernières réformes "nécessitent encore un temps d'appropriation", plaide la Chancellerie.

"On a perdu sur les deux tableaux", regrette Alice Maintigneux, présidente de l'Association nationale des juges de l'application des peines (Anjap).

"Les effets attendus en termes de développement des peines de travail d'intérêt général (TIG) n'ont pas abouti et les aménagements de peine +ab initio+ (dès l'audience) censés mordre sur la prison ont mordu sur les autres alternatives".

Les juges sont par ailleurs tiraillés entre l'injonction de "vider les prisons" et la création de nouvelles infractions ou l'aggravation de leur répression, souligne la magistrate.

"Si l'objectif politique est de limiter la surpopulation carcérale, il faut nous donner les outils juridiques pour le faire", abonde Samra Lambert, du Syndicat de la magistrature (SM, gauche).

Avec d'autres, le syndicat milite de longue date pour un mécanisme national et contraignant de régulation qui limiterait les taux d'occupation de chaque prison à 100%.

Plusieurs dispositifs ont été expérimentés, notamment à Grenoble (sud-est) où le seuil d'alerte avait été fixé à 130%. Mais sans valeur contraignante, ils ont "été voués à l'échec", affirme-t-on au Syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP-CFDT).


Un influenceur franco-iranien jugé en juillet pour apologie du terrorisme

La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels. (AFP)
La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels. (AFP)
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  • La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels
  • Se présentant comme journaliste indépendant sur TikTok, où il est suivi par 330.000 abonnés, le mis en cause, qui s'est fait connaître avec une association d'aide aux plus démunis, y partage de nombreux contenus sur l'actualité du Moyen-Orient

BOBIGNY: Un influenceur franco-iranien sera jugé début juillet devant le tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour apologie du terrorisme, ont indiqué jeudi à l'AFP le parquet et ses avocats.

Shahin Hazamy, 29 ans, s'est vu "délivrer une convocation à une audience du 3 juillet pour apologie du terrorisme par un moyen de communication en ligne en public", a déclaré le parquet, confirmant son arrestation mardi révélée par le magazine Le Point.

La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels.

Se présentant comme journaliste indépendant sur TikTok, où il est suivi par 330.000 abonnés, le mis en cause, qui s'est fait connaître avec une association d'aide aux plus démunis, y partage de nombreux contenus sur l'actualité du Moyen-Orient.

"En s'en prenant à un journaliste la justice envoie un très mauvais signal à la liberté de la presse. Notre client Shahin Hazamy a subi un traitement inadmissible, avec une perquisition devant ses enfants en bas âge alors que les faits reprochés ont bientôt deux ans", ont déclaré à l'AFP ses avocats Nabil Boudi et Antoine Pastor.

Ces poursuites font suite à l'arrestation fin février d'une autre Iranienne en France, Mahdieh Esfandiari, actuellement écrouée pour apologie du terrorisme dans le cadre d'une information judiciaire confiée au Pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH).

Annonçant cette nouvelle arrestation en France d'un de ses ressortissants, la télévision d'Etat iranienne a fustigé mercredi une "violation flagrante de la liberté d'expression dans un pays qui prétend être une démocratie".


Macron appelle à intégrer Mayotte dans la Commission de l'océan Indien

Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores. (AFP)
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  • "Nous ne pouvons pas laisser un territoire et ceux qui y vivent à l'écart d'un certain nombre de nos programmes", a dit M. Macron, en citant expressément Mayotte, au cinquième sommet de la COI dans la capitale malgache Antananarivo
  • Mais à la différence de La Réunion, autre département français dans cette partie du monde, Mayotte reste à la porte de l'organisation intergouvernementale

ANTANANARIVO: Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores.

"Nous ne pouvons pas laisser un territoire et ceux qui y vivent à l'écart d'un certain nombre de nos programmes", a dit M. Macron, en citant expressément Mayotte, au cinquième sommet de la COI dans la capitale malgache Antananarivo.

La COI réunit les États insulaires (Madagascar, Comores, Maurice, Seychelles et La Réunion pour la France) dans le sud-ouest de l'océan Indien.

Mais à la différence de La Réunion, autre département français dans cette partie du monde, Mayotte reste à la porte de l'organisation intergouvernementale.

"L'implication de nos populations, l'intégration de toutes nos îles dans les efforts de la COI pour la prospérité et la sécurité, dans la pluralité de ses dimensions maritime, alimentaire et pour la santé sont dans l'intérêt de nos peuples et de la région", a insisté M. Macron.

Il a suggéré toutefois d'"avancer de manière pragmatique vers cet objectif", sans réclamer l'intégration pleine et entière immédiate de l'archipel.

"La France est le premier bailleur de la COI", a-t-il aussi souligné, en précisant que l'Agence française du développement (AFD) gérait un "portefeuille de 125 millions d'euros de projets" de l'organisation.

"La COI est un modèle de coopération (...) Aucune de nos îles ne peut relever seule le défi", a-t-il ajouté, évoquant un "océan Indien profondément bousculé" par les défis planétaires actuels.

"Ensemble, en conjuguant nos atouts (..) nous pouvons tracer une voie nouvelle singulière", a-t-il assuré.

L'Union des Comores s'oppose à l'intégration de Mayotte dans la COI car elle conteste la souveraineté de la France sur Mayotte, restée française lorsque l'archipel des Comores est devenu indépendant en 1975.

Mayotte, tout comme les îles Éparses, autre territoire français hérité de la colonisation et revendiqué par Madagascar, sont au cœur du canal du Mozambique, voie majeure de transport maritime qui renferme d'importantes réserves en hydrocarbures.


Narcobanditisme à Marseille: le ministre de l'Intérieur annonce 21 arrestations dans «le haut du spectre»

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) s'entretient avec la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal et le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur Renaud Muselier lors d'une visite d'inspection des mesures de sécurité publique à Marseille. (AFP)
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) s'entretient avec la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal et le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur Renaud Muselier lors d'une visite d'inspection des mesures de sécurité publique à Marseille. (AFP)
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  • Les personnes arrêtées sont de "hauts responsables qui tiennent un réseau à la Castellane", "pas du menu fretin", a-t-il insisté: ce "ne sont pas des petites mains, des charbonneurs, mais des responsables de haut niveau du narcobantitisme"
  • Toutes ces interpellations jeudi matin n'ont cependant pas eu lieu à Marseille, pour ce réseau qui présente des "ramifications nationales mais avec des racines marseillaises", a ajouté le ministre sans plus de détail

MARSEILLE: Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a annoncé jeudi un coup de filet avec 21 interpellations de trafiquants appartenant au "haut du spectre" du narcobanditisme marseillais, lors d'un déplacement à Marseille.

Une opération "a eu lieu très tôt ce matin avec 21 interpellations liées au narcobanditisme, dans le haut de spectre, qui doit nous permettre de démanteler un réseau important sur Marseille", qui tenait la cité de la Castellane, dans les quartiers populaires du nord de la ville, a déclaré Bruno Retailleau lors d'une conférence de presse.

Les personnes arrêtées sont de "hauts responsables qui tiennent un réseau à la Castellane", "pas du menu fretin", a-t-il insisté: ce "ne sont pas des petites mains, des charbonneurs, mais des responsables de haut niveau du narcobantitisme", a insisté M. Retailleau.

Selon une source policière, cette enquête portait notamment sur du blanchiment.

Toutes ces interpellations jeudi matin n'ont cependant pas eu lieu à Marseille, pour ce réseau qui présente des "ramifications nationales mais avec des racines marseillaises", a ajouté le ministre sans plus de détail.

Au total, 170 enquêteurs ont été mobilisés pour ce coup de filet qui est, selon le ministre, "un coup dur", "sinon mortel", porté à ce réseau.

La cité de la Castellane, vaste ensemble d'immeubles blancs en bordure d'autoroute, est connue pour être un haut lieu marseillais de ces trafics de stupéfiants qui empoisonnent le quotidien des habitants. En mars 2024, Emmanuel Macron s'y était rendu pour lancer des opérations "place nette XXL" contre les trafiquants et depuis la présence policière y était quasi constante, mais si le trafic était moins visible il se poursuivait notamment via les livraisons.

Ce coup de filet n'a a priori "pas de lien" avec les récents faits visant des prisons en France, a également précisé le ministre.

Le ministre était à Marseille pour dresser un premier bilan des plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien, lancés en février, avec par exemple mercredi 1.000 fonctionnaires mobilisés dans les Bouches-du-Rhône qui ont procédé à 10.000 contrôles d'identité.

Au total, 106 personnes ont été interpellées, dont une trentaine d'étrangers en situation irrégulière, dans le cadre d'une opération "massive" et "visible".