PARIS: Le constructeur automobile français Renault s'est lancé à la chasse aux partenaires pour sortir la tête haute d'une période à risque pour l'automobile: il va lancer ses voitures électriques en Bourse, coopérer avec le Chinois Geely pour ses moteurs traditionnels, mais aussi accélérer avec sa marque premium Alpine.
Le groupe va lancer une nouvelle filiale baptisée "Ampere" --sans accent-- qui rassemblera 10 000 salariés en France, pour produire un million de véhicules électriques sous marque Renault à horizon 2031, a annoncé le groupe lors d'une grande conférence dédiée aux investisseurs à Paris.
Produisant notamment la nouvelle Renault 5, cette filiale se veut aussi étincelante que Tesla ou le Chinois BYD, dont les valorisations en Bourse font envie. Ampere vise plus de 30% de croissance annuelle dans les huit prochaines années.
L'Américain Ford a aussi annoncé la création d'une filiale électrique, "Model E", tandis que l'Allemand Volkswagen a lancé en Bourse sa marque Porsche pour financer son électrification.
Renault veut ainsi réaccélerer dans l'électrique, où il était un pionnier avant de se faire rattraper.
Mais il mise aussi sur la persistance des moteurs thermiques hors de l'Union européenne, zone la plus ambitieuse sur le climat et où les seules voitures neuves autorisées à la vente en 2035 devront ne produire aucune émission de gaz à effet de serre.
Ce nouveau volet de son plan stratégique, appelé "Révolution", doit amener le groupe à une marge opérationnelle supérieure à 8% en 2025, alors qu'elle était de 4,7% au premier semestre 2022. Le groupe prévoit de générer plus de 5 milliards d'euros de flux financiers libres dès cette année.
Si Renault cherchait sous Carlos Ghosn à "pousser de la tôle", il doit devenir une "entreprise anticyclique" et ainsi surfer sur les incertitudes du marché automobile, a lancé le directeur général de Renault, Luca de Meo.
Le Losange "jouera le jeu en investissant le moins possible", a souligné M. De Meo. Le groupe préfère les partenariats: dans les batteries déjà avec Envision et Verkor et bientôt dans l'électrique en Bourse, mais aussi dans le secteur des utilitaires, dans le premium avec sa marque Alpine, et surtout dans les moteurs thermiques avec Geely.
Financer l'électrique
Renault va donc s'associer à 50/50 au géant chinois Geely, déjà propriétaire de Volvo Cars et Lotus, dans une nouvelle filiale appelée "Horse", et qui produira des moteurs, des boîtes de vitesse et des systèmes d'hybridation destinés aux voitures thermiques (essence et diesel) et hybrides.
Cet attelage franco-chinois comptera 19.000 employés en Europe (Espagne, Roumanie et Suède), en Chine et en Amérique du Sud, avec 17 usines et cinq centres de R&D partagés.
Une nouvelle entité, appelée "Power" (puissance), rassemblera toutes les activités thermiques et hybrides du Losange ("Horse", l'essence et le diesel de la marque Renault, les utilitaires et Dacia).
Ce nouvel élan dans les moteurs conventionnels doit aussi protéger Renault "de tout aléa sur les matières premières qui pourraient impacter le développement de l'électrique", a expliqué le président de Renault Jean-Dominique Senard.
La groupe compte introduire Ampere à la Bourse de Paris "au plus tôt au second semestre 2023" et financer son coûteux virage électrique grâce à des investisseurs attirés par de hauts taux de rentabilité. Tout en conservant "une forte majorité" dans la filiale parce qu'Ampere est "le futur de la marque Renault", a souligné le directeur financier du groupe, Thierry Piéton.
Le fabricant américain de puces électroniques Qualcomm, fournisseur de Renault, s'est déjà positionné pour prendre une petite part d'Ampere. Reste à savoir si l'entité sera valorisée à la hauteur des espérances de Renault.
Et Nissan?
L’action du groupe a baissé à l’ouverture de la Bourse de Paris avant de se stabiliser vers 11H, à 31 euros.
Car le partenariat majeur du Losange reste en suspens: Renault, dont l'Etat français et Nissan possèdent chacun 15%, doit encore préciser la part que prendra son partenaire japonais dans sa nouvelle filiale électrique.
Cette "révolution" précède en effet une refonte profonde de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, avec une réduction de la part de Renault au capital de Nissan, qui doit être précisée "dans les prochaines semaines", a souligné M. De Meo.
Renault va aussi se relancer dans les voitures de luxe en donnant de l'ampleur à sa marque Alpine, désormais connue mondialement via son écurie de Formule 1. La marque va s'ouvrir aux investisseurs et pourrait s'étendre notamment en Amérique du Nord ou en Chine.