KABOUL: Grièvement blessée dans un attentat contre son école à Kaboul, Fatima Amiri a obtenu un mois plus tard l'une des meilleures notes d'entrée à l'université. Elle ne sourit plus, mais ne veut pas "abandonner" pour que les morts de ses amies "ne soient pas vaines".
La jeune Afghane de 17 ans appartenant à la communauté minoritaire chiite hazara, régulièrement visée par les attentats, accepte courageusement de parler à visage découvert à l'AFP pour encourager les jeunes filles à poursuivre leurs études malgré les "restrictions qui se dresseront sur leur chemin" et les inciter "à faire entendre leur voix".
Le 30 septembre, un kamikaze s'est fait exploser dans le centre de formation où elle s'entraînait aux examens universitaires. Au moins 54 personnes sont tuées, dont 51 filles rassemblées sur le devant de la salle de classe pour les séparer des garçons, selon le dernier bilan des Nations Unies. L'attentat n'a pas été revendiqué.
L'éducation est une question extrêmement sensible dans le pays à majorité sunnite où l'enseignement secondaire (collège et lycée) est interdit aux filles depuis le retour des talibans en août 2021. Les nouveaux dirigeants du pays ont aussi imposé des règles très strictes sur la conduite des femmes, leur ordonnant notamment de porter un voile intégral en public, de préférence la burqa.
La branche régionale du groupe djihadiste Etat islamique, l'EI-K, dont six membres accusés d'être impliqués dans l'attentat ont été récemment tués par les talibans, considère également les hazaras comme hérétiques.
Un mois après l'explosion, Fatima figure parmi les meilleurs des 106 0000 élèves inscrits au concours cette année.
Elle espérait se classer dans le top 10 comme le laissaient présager ses examens blanc, mais l'attentat a lourdement pesé sur sa préparation.
Blessée notamment à la tête par le souffle de l'explosion, Fatima a perdu un oeil et n'entend plus d'une oreille, qu'elle dissimule sous un voile bleu. Plusieurs de ses amies proches sont mortes dans l'attentat.
"Je suis heureuse d'avoir réussi dans le domaine de mon choix, l'informatique, mais je ne suis pas satisfaite de mon score, je visais plus", explique la jeune femme.
Etudier à l'étranger
Le jour de l'examen, "cela faisait un mois que j'étais éloignée des livres" et "mentalement il y avait la perte de mes amies" ainsi que "la douleur physique après les opérations", poursuit-elle avant de fondre en larmes.
A ses côtés, son père Sayyed Hussain Agha s'est dit "très heureux" des résultats obtenus par sa fille.
"Nous l'avons encouragée à se présenter à l'examen et tenté de la rassurer, malgré ses pleurs jusqu'à la veille au soir", relate le père.
Désormais, Fatima espère étudier à l'étranger.
"En Afghanistan, les conditions sont difficiles pour tout le monde, mais pour les filles c'est encore plus dur. Comme les écoles (secondaires) sont fermées, leur motivation est anéantie chaque jour, elles ne peuvent pas réussir dans les domaines de leur choix, leurs cours sont restreints, elles sont obligées d'aller à l'université en portant un masque", dit-elle.
Néanmoins elle veut continuer à "se battre". A l'annonce des résultats, elle raconte s'être précipitée sur les lieux de l'explosion pour rendre hommage à ses amies décédées, "J'ai perdu beaucoup: mes proches, mon œil. Si j'abandonne ces pertes seront vaines.