PARIS : Une situation jugée «inédite»: le Sénat dominé par l'opposition de droite entamera lundi l'examen en première lecture du projet de budget de la Sécu pour 2023, frappé d'un 49.3 à l'Assemblée nationale après une série de revers pour le gouvernement.
C'est la première séquence du marathon budgétaire annuel au Palais du Luxembourg, qui sera close par un vote solennel sur l'ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale le 15 novembre.
Ce PLFSS anticipe une forte baisse du déficit à 7,2 milliards en 2023 (17,8 milliards cette année), reposant sur une fonte spectaculaire de la facture Covid.
Le texte est arrivé amputé par les députés de ses deux premières parties - relatives aux exercices 2021 et 2022. Les sénateurs les ont rétablies en commission, non sans avoir revu à la baisse le redressement des comptes pour 2021.
Cent amendements ont été adoptés en commission, qui, selon la règle applicable aux textes budgétaires, devront être votés de nouveau dans l'hémicycle.
Plusieurs centaines d'autres ont été déposés pour la séance publique. Ainsi qu'une motion de rejet d'emblée du texte du groupe CRCE à majorité communiste, qui a toutes les chances d'être repoussée.
La rapporteure générale de la commission des Affaires sociales, Elisabeth Doineau (centriste), déplore un projet de budget «timide sur tout» et manquant de «propositions fortes».
Les sénateurs ont validé l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2023 (Ondam) proposé dans le texte du gouvernement à 244,1 milliards d'euros.
Mais pour la rapporteure, ce chiffre est encore «instable». Comme en témoigne la rallonge de 400 millions d'euros annoncée mercredi par le ministre de la Santé François Braun pour venir en aide aux services pédiatriques. Elle comprend l'enveloppe de 150 millions d'euros promise en octobre par le gouvernement pour soutenir «les services en tension».
Les sénateurs ont en revanche rejeté la trajectoire financière proposée par le gouvernement jusqu'en 2026, l'estimant pas crédible.
- Retraite à 64 ans -
Comme annoncé, le rapporteur de la branche vieillesse René-Paul Savary (LR) a introduit dans le texte un mécanisme de réforme des retraites. Un «marqueur fort» du Sénat, et un coup de pression sur le gouvernement qui a ouvert début octobre une concertation avec les syndicats et le patronat, en vue d'une réforme début 2023.
«Plus élaboré que l'an passé» selon la présidente de la commission Catherine Deroche (LR), l'amendement propose dans un premier temps la mise en place d'une «convention
nationale» chargée de formuler des mesures pour un retour à l'équilibre, tout en prenant en compte la pénibilité, les carrières longues et l'emploi des seniors.
En cas d'échec, il prévoit une accélération de la réforme Touraine, et le report à 64 ans de l'âge légal à compter de la génération 1967. Un cocktail auquel le président Emmanuel Macron s'était dit «ouvert».
Sans surprise, les sénateurs ont approuvé, en le complétant, le principe d'une quatrième année d'internat pour les étudiants en médecine générale, pour des stages «en priorité» dans une zone sous-dotée en médecins.
Dans le même esprit, la rapporteure a proposé d'étendre «à l'ensemble des professionnels de santé» l'exonération de cotisations vieillesse pendant un an promise par Emmanuel Macron pour les médecins en cumul emploi-retraite.
Les sénateurs ont en revanche supprimé certaines «mesures hétéroclites d'organisation des soins», estimant qu'elles devaient plutôt figurer dans une future loi «santé». Telle la possibilité pour les infirmiers disposant d'une formation avancée de prendre en charge directement des patients.
Ils ont instauré une «contribution de solidarité» des mutuelles à hauteur de 300 millions d'euros et ont renforcé l'encadrement des téléconsultations ainsi que la limitation de l’intérim médical.
La commission n'a pas touché au projet controversé de transfert en 2024 des cotisations Agirc-Arrco à la Sécu, mais «il n'est pas exclu que ce soit supprimé en séance», selon Mme Deroche.
Avec ce transfert, le gouvernement choisit de «se servir dans les caisses» du principal régime de retraite complémentaire, ont affirmé dans une tribune récente une quinzaine de parlementaires, dont le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau et la vice-présidente centriste du Sénat Valérie Létard.