PARIS: Asobo, Quantic Dream... Derrière la locomotive Ubisoft, d'autres studios français du jeu vidéo ont acquis une renommée internationale, suscitant l'appétit des investisseurs étrangers, autant pour leur savoir-faire technique que leur créativité narrative.
Un jeu vidéo développé par un studio français, publié par un éditeur français et dont l'intrigue se déroule en France: le pari d'Asobo et Focus Entertainement avec "A Plague Tale: Requiem" pour faire du "made in France" un succès international est déjà en passe d'être réussi.
Sorti fin octobre, ce titre, qui suit les aventures de deux enfants essayant de survivre dans une France du XIVe siècle ravagée par la peste noire, a déjà attiré "plus d'un million de joueurs" dans le monde, selon son éditeur.
"C'est important pour nous, en tant que studio français, de parler de notre patrimoine et de notre pays. C'était une manière de paraître authentique et réel dans notre démarche", explique à l'AFP Kevin Choteau, réalisateur à Asobo, en marge du salon Paris Games Week.
En attendant la première édition d'un festival international à Cannes dédié aux jeux vidéo en octobre 2023, le studio bordelais a déjà connu la reconnaissance de ses pairs avec deux "Pégases" (l'équivalent des "Césars" pour le jeu vidéo) consécutifs du meilleur jeu vidéo français de l'année.
D'abord en 2020 pour le premier opus d'"A Plague Tale" sous-titré "Innocence", puis en 2021 avec "Flight Simulator", nouvel épisode du célèbre simulateur de vol de Microsoft. Deux titres salués par la critique, bien au-delà des frontières hexagonales, qui ont démontré que le jeu vidéo français ne se limitait pas à la réussite d'Ubisoft.
"On est heureux d'avoir des studios de renommée internationale comme Ubisoft, qui sont les porte-étendards de la France, ou comme Arkane à Lyon. C'est énorme aussi que pleins d'autres studios émergent, que l'on commence à avoir vraiment une réputation internationale", savoure Kevin Choteau.
«Locomotive en Europe»
Don't Nod, Shiro, Plug In Digital... Les levées de fonds ne cessent de se multiplier ces dernières années, signe de l'attractivité des studios tricolores auprès des investisseurs.
D'autres comme Quantic Dream, développeur du futur "Star Wars Eclipse", ont même été rachetés par des mastodontes comme NetEase Games, l'un des géants chinois du secteur.
"Aujourd'hui, le jeu vidéo français est devenu vraiment une des locomotives en Europe", explique à l'AFP Cédric Lagarrigue, expert du marché et conseiller pour la banque d'affaires Alantra.
"C'est devenu un territoire très intéressant pour les investisseurs et très bien reconnu au niveau international", ajoute-t-il.
Comment expliquer ce succès? "Ce qui caractérise le savoir-faire français, ce sont des studios qui sont très bons sur la technique graphique. On a une école des arts visuels extrêmement dynamique et on retrouve ces talents-là dans les studios français", estime Nicolas Vignolles, délégué général du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs.
Des développeurs en passant par les scénaristes ou les animateurs 3D, ces compétences sont enseignées dans plusieurs écoles françaises spécialisées et renommées, comme Les Gobelins (Paris), Rubika (Valenciennes) ou l'Enjmin (Angoulême), une école partenaire de Polytechnique.
Déjà présente à Paris et Montréal, l'école Isart Digital vient, elle, d'annoncer l'ouverture d'un campus à Nice en 2023.
De quoi irriguer une filière de 1 300 acteurs économiques, dont près de 700 studios présents sur tout le territoire, notamment à Montpellier, Lyon et Bordeaux, qui emploie 15 000 personnes et pèse 5,6 milliards d'euros de chiffres d'affaires.
"Ce qui fait aussi la particularité du jeu vidéo français, c'est qu'il est très engagé du point de vue de la narration, par exemple sur les questions de genre", à l'image du jeu "Life is Strange" de Don't Nod, souligne encore Nicolas Vignolles.
Dernière audace marquante de la "French Touch" en date: le jeu "Stray" du studio BlueTwelve, dont le protagoniste est ... un chat de gouttière.