LYON: "Je ne m'attendais pas à être à la rue, ici. Je veux juste vivre normalement", soupire Michel, un jeune Camerounais. Comme des dizaines de migrants isolés de Lyon dans le centre de la France, il espère être reconnu comme mineur pour être pris en charge.
Si la ville fait figure d'exception en offrant un toit à des dizaines de jeunes en errance, associations et élus réclament la "présomption de minorité" qui ouvrirait des droits à ces migrants plongés dans un flou juridique dans l'attente de l'établissement de leur statut de mineur.
"Avant de venir ici il y a une semaine, je dormais dehors", raconte à l'AFP Michel, silhouette longiligne, le visage marqué par l'acné. Ce fils d'instituteur, natif de Yaoundé, dit avoir "16 ans et demi" et être arrivé il y a "quatre-cinq mois" à Lyon, la troisième ville la plus peuplée de France.
"Je viens de lire des messages de mon père sur mon téléphone. Il me dit de rester fort", raconte le jeune homme, qui profite depuis peu d'un lit de camp comme 65 autres garçons - tous originaires d'Afrique subsaharienne - dans un gymnase municipal.
Par petits groupes, les jeunes vont et viennent dans le bâtiment, transformé en un vaste dortoir délimité par de larges paravents.
La distribution des repas, la lessive, l'inscription en cours de français et les rendez-vous avec des avocats rythment désormais leur quotidien, avec l'aide de plusieurs collectifs citoyens et associations dont LAHSo, spécialisée dans l'inclusion sociale.
"On est tranquille. On nous donne à manger, on peut prendre notre douche", raconte Lamine, bientôt 17 ans selon lui, qui est arrivé en mai dernier de sa Guinée natale. Comme Michel, il est peu disert sur son parcours migratoire.
«Gymnase tampon»
Avant l'ouverture du gymnase fin septembre par la municipalité écologiste, le jeune homme vivait avec des dizaines de compagnons d'infortune dans des squats et sous des tentes dans un parc proche du centre-ville, avec le soutien de riverains et associations.
Au terme d'une évaluation sociale de cinq jours menée avec l'aide de l'association Forum Réfugiés, Lamine n'a pas été reconnu Mineur non accompagné (MNA). Il n'a donc pas droit à un hébergement ou à une prise en charge.
Lamine n'est pas non plus considéré comme majeur en vertu de son recours auprès du juge des enfants, qui sera examiné au mieux "dans quatre mois", selon les associations. Il se trouve donc dans un brouillard juridique total.
"Nous n'avons normalement aucune compétence pour la mise à l'abri de ces jeunes mais nous ne pouvons pas les laisser dormir dehors", souligne Sandrine Runel, adjointe au maire, qui a lancé l'hiver dernier le plan "Zéro enfant à la rue" à Lyon.
"Il faut faire en sorte qu'il y ait une loi imposant à l'État de prendre en charge ces jeunes pendant la période de leur recours", souligne-t-elle.
"Aujourd'hui, ce gymnase fait tampon, le temps de pouvoir orienter ces jeunes vers des structures spécialisées", salue Damien Delahaye, directeur général de LAHSo.
Dans son projet de budget présenté fin septembre, le gouvernement prévoit de financer 186 000 places d'hébergement d'urgence fin 2023, contre 193 000 fin 2022. La semaine dernière, dix maires de grandes villes de France se sont alarmés de cette baisse dans une lettre à la Première ministre Elisabeth Borne.