ISTANBUL: Une médecin turque qui avait réclamé une "enquête indépendante" sur l'emploi éventuel d'armes chimiques contre les rebelles kurdes du PKK dans le nord de l'Irak a été arrêtée mercredi, au lendemain d'un coup de filet visant onze journalistes de médias prokurdes.
"La présidente de l'Union des médecins de Turquie (...) a été arrêtée le 26/10/2022, accusée de faire la propagande d'une organisation terroriste", a indiqué le bureau du procureur général d'Ankara, réclamant son remplacement immédiat.
Des accusations de recours à des armes chimiques, relayées par des médias prokurdes et des membres de l'opposition turque, étaient apparues la semaine dernière, et les combattants kurdes avaient diffusé une liste de 17 noms, accompagnés de photos, présentés comme étant ceux de "martyrs" tués par des gaz toxiques dans le nord de l'Irak.
Ankara a aussitôt dénoncé une campagne de "désinformation", et le ministre turc de la Défense Hulusi Akar a assuré lundi qu'"il n'y a pas d'armes chimiques dans l'inventaire des forces armées turques".
La présidente de l'Union des médecins de Turquie (TTB), Sebnem Korur Fincanci, avait pour sa part dit avoir "regardé et examiné les images sur les réseaux sociaux" des victimes supposées de "gaz toxiques", appelant à une "enquête indépendante".
Le bureau du procureur général d'Ankara avait annoncé dans la foulée l'ouverture d'une enquête à son encontre.
Contactée par l'AFP, Mme Fincanci avait souligné avoir simplement appelé à une "enquête véritable". "A la place, ils ont ouvert une enquête à mon encontre. Ce n'est pas étonnant. A travers moi, ils intimident la société".
Plusieurs dizaines de manifestants ont convergé mercredi soir dans le quartier de Kadikoy, à Istanbul, pour dénoncer l'arrestation de Mme Fincanci.
Certains ont également protesté contre les interpellations mardi de onze journalistes de médias prokurdes dans plusieurs provinces turques.
Au moins une vingtaine de manifestants et une journaliste ont été interpellés, selon une équipe de l'AFP sur place.
Une manifestation avait réuni plus tôt mercredi à Diyarbakir, la principale ville kurde du pays (sud-est), plusieurs dizaines de personnes, membres des associations et syndicats de la presse, pour dénoncer les arrestations des journalistes de médias prokurdes, a constaté l'AFP.
Pour le reporter Bilal Guldem, ce coup de filet, dans un "dossier vide", "vise à intimider les journalistes et l'opposition kurdes".
Le parti HDP prokurde, deuxième force d'opposition, a également condamné l'arrestation "sous la menace des armes" des onze journalistes "emmenés menottes dans le dos".
"C'est un message à tous les journalistes et employés des médias critiques envers le gouvernement".
"Malheureusement, nous pouvons nous attendre à une hausse de la pression contre les institutions démocratiques représentant l'opposition à l'approche des élections de 2023", ajoute le HDP.
Ces interpellations interviennent une semaine après l'entrée en vigueur d'une loi punissant de prison la divulgation de fausses nouvelles, à huit mois des prochaines élections présidentielle et législatives.