PARIS: Lancé moteur hurlant dans les années 2000 en plein retour du rock, le groupe Arctic Monkeys a évité la surchauffe en levant le pied, à l'image de son nouvel album "The Car" au réservoir rempli de soul.
Les Anglais de Sheffield avaient déjà emprunté un beau chemin de traverse avec leur précédent opus, "Tranquility Base Hotel & Casino" (2018), tout en mélancolie.
Les fans de la première heure, attachés à la déflagration du single "I Bet You Look Good On The Dancefloor" (dans le premier album de 2006), n'avaient alors pas pardonné au leader Alex Turner d'avoir fait entrer un piano en studio. Et ce n'était pas un accident.
Les amateurs de riffs lourds, qui ont participé à la gloire du quartet avec des morceaux des années 2010 "Brianstorm" ou "R U Mine ?", passeront encore leur tour pour "The Car".
Le septième album s'ouvre par deux titres qui donnent le ton. "There'd Better Be a Mirrorball" déroule ainsi un tapis d'arrangements délicats inspirés par des experts en la matière dans les années 1970, Scott Walker et Burt Bacharach. Et "Ain't Quite Where I Think I Am" désigne clairement comme boussole la "northern soul", cette soul américaine réinterprétée par les musiciens du nord de l'Angleterre il y a un demi-siècle. Ici, Marvin Gaye ou Curtis Mayfield passent dans le tamis.
Mais il ne faut pas compter sur Alex Turner pour en révéler trop sur l'assemblage des pièces de "The Car" dans les rares interviews qu'il a livrées.
L'ambition initiale était "d'écrire des chansons plus massives" que précédemment, selon des propos accordés au NME, revue musicale britannique de référence.
Turner architecte
Que s'est-il passé alors ? "Ce que j'ai voulu jouer avec le groupe une fois à mes côtés m'a surpris en vérité", concède-t-il.
Et d'ajouter de façon sibylline "qu'au début de son histoire, le groupe marchait à l'instinct" et qu'aujourd'hui "on connaît plus de ficelles mais on continue à avancer avec ce même instinct".
Si Turner met tant le mot "groupe" en avant, c'est que "Tranquility Base Hotel & Casino" avait été analysé comme l'œuvre du seul leader, détournant le bolide Arctic Monkeys loin des circuits électriques vers des itinéraires bis plus apaisés.
Dans ses dernières déclarations, le chanteur et guitariste peint le tableau d'une formation soudée autour d'un projet collectif. Certes, Jamie Cook, autre guitariste du groupe, est crédité pour les nappes d'un synthétiseur inquiet sur "Sculptures Of Anything Goes". Mais il est difficile de ne pas voir à nouveau Turner comme l'architecte derrière la structure de "The Car".
Turner crooner
Dans les concerts du groupe, les gros plans pour les écrans géants sont d'ailleurs réservés à Turner et, dans une moindre mesure, au batteur Matt Helders, son lieutenant (le duo monopolise le clip de "R U Mine ?"), qui signe ici la photographie de la pochette.
En 2008, Turner, associé au sein de The Last Shadow Puppets au chanteur et guitariste des Rascals, Miles Kane, avait en outre déjà dévoilé son goût pour la pop orchestrale aux ourlets apparents façon années 1970 dans l'album "The Age Of Understatement".
Et dans "The Car", Turner enfile sans jamais se censurer le costume de crooner qu'il trouve si seyant, comme sur "Jet Skis On The Moat" ou "Big Ideas" et son ciel de cordes.
De quoi effrayer le public ? Aucun risque. "C'est un des groupes dont le public nous réclame la venue de la façon la plus insistante depuis des années", disait à l'AFP Matthieu Ducos, directeur de Rock en Seine.
Fin août, le festival près de Paris avait fait le plein avec 40.000 spectateurs pour les Arctic Monkeys, en majorité un jeune public.
Leur tournée mondiale post-album vient d'être dévoilée et s'étire du Brésil en novembre 2022 à la Californie en octobre 2023, avec les mois de février et mars pour seule relâche.