PARIS: Élisabeth Borne, cheffe du gouvernement français depuis mai dernier, s’est rendue en Algérie les 9 et 10 octobre derniers. Sa première destination de voyage à l’étranger avait pour objectif de travailler à la mise en œuvre des accords signés par le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, et son homologue français, Emmanuel Macron, afin de renouveler le partenariat entre les deux pays.
Cette mission ne semble pas aisée en raison de nombreux différends. Mais la détermination de Paris et d’Alger pour améliorer leurs relations a été facilitée par le dynamisme insufflé par M. Macron lors de sa visite à Alger en août dernier. Le déplacement présidentiel relance les liens communs après des mois de brouille et de tension.
Bilan de la visite
Élisabeth Borne, accompagnée d’une imposante délégation composée de seize ministres et de plusieurs chefs d’entreprises, entendait faire progresser les relations bilatérales.
Le volet économique et commercial prend une place primordiale avec la présentation des opportunités d'investissement en Algérie grâce à la nouvelle loi sur les investissements dont les textes sont entrés en vigueur.
Les perspectives d’une embellie se dessinent dans la coopération économique bilatérale, car la France est le deuxième fournisseur du pays après la Chine, et le deuxième importateur après l'Italie. La France est aussi «le principal investisseur en Algérie hors hydrocarbures» et les entreprises françaises sont «prêtes à participer à la diversification de l'économie algérienne». La situation des échanges confirme la tendance positive avec l’Algérie en tant que deuxième partenaire commercial de la France en Afrique.
La visite a débouché sur la signature de douze accords de coopération industrielle, technologique, éducative et culturelle, dont la plupart s'avèrent toutefois être des ébauches d’accords.
Dans le même cadre, la tenue du forum d'affaires franco-algérien a été l’occasion d’impulser le renforcement des échanges.
Sur le plan de la coopération énergétique, Mme Borne précisait avant son départ pour Alger que la question d'approvisionnement de la France avec des livraisons supplémentaires de gaz ne serait pas à l’ordre du jour. En revanche, l’augmentation des capacités de production de l’Algérie a été discutée sachant que le groupe TotalEnergies travaille en ce sens. Rappelons sur un plan plus global que l’Algérie a rompu son isolement diplomatique, du fait qu’elle soit courtisée par les pays européens pour ses ressources gazières.
Concernant le problème de l’attribution de visas aux ressortissants algériens, la France demeure «réservée» contrairement aux attentes de la partie algérienne. Néanmoins, la Première ministre française se montre enthousiaste pour une synergie entre les jeunes des deux rives de la Méditerranée qui «ont envie de travailler et qui ont beaucoup d'idées et sauront aussi construire la relation entre la France et l'Algérie». C’est une tendance de Paris pour adopter une immigration sélective attirant la jeunesse qualifiée à l’heure de la révolution numérique.
L’épineuse question mémorielle
«Ce partenariat renouvelé, inscrit dans la durée» selon les termes d’Élisabeth Borne, devrait éviter le mauvais sort d’une relation bilatérale marquée de hauts et de bas. Dans cette perspective, loin de tout optimisme béat, le travail initié pour l’épuration de la mémoire historique est impératif.
La mise en place d'une commission d'historiens visant à atténuer les tensions mémorielles va dans ce sens. Lors de sa visite en Algérie, Emmanuel Macron avait promis la création d'une instance composée de chercheurs des deux pays afin d'étudier la période de la colonisation et de la guerre d'Algérie.
Cette fois, en présence du membre de la délégation française, Benjamin Stora, l’historien chargé par l’Élysée de la question mémorielle, les deux parties ont décidé l’annonce prochaine de la formation d’une commission commune.
Ainsi, la visite de Mme Borne s’est conclue dans une ambiance positive et une promesse «de visites et échanges réguliers aux niveaux économique, politique et technique».
Les embûches de l’Histoire
Cependant, cet apaisement franco-algérien a aussi été malmené par d’embarrassantes révélations pour Paris et Alger. Dans le courant du mois d’octobre, les médias américains puis français ont repris et confirmé une information publiée un mois auparavant par un organe algérien selon laquelle «les crânes de résistants algériens restitués par la France en 2020 ne seraient pas tous authentifiés comme tels». Cela a créé un choc et provoqué un tollé. Pour certains, les considérations diplomatiques justifiaient une visite effectuée sans précautions après une longue période écoulée depuis les faits. Mais, pour beaucoup à Alger, ce «scandale» nécessite une enquête pour déterminer les responsabilités des deux côtés.
Au-delà de l’Histoire tumultueuse et de ses suites, tout plaide pour un réchauffement franco-algérien.