EVRY: Neuf ans après l'accident ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne) qui a tué sept personnes et en a blessé des centaines d'autres en 2013, le tribunal d'Evry tranche mercredi sur la responsabilité pénale de SNCF, SNCF Réseau et d'un ancien cheminot.
Le 12 juillet 2013, en gare de Brétigny-sur-Orge, au sud de Paris, le déraillement d'un train Intercités Paris-Limoges faisait 7 morts et plus de 400 blessés psychologiques et/ou physiques. Une catastrophe après laquelle rien "ne sera jamais plus comme avant", selon les mots de la présidente du tribunal Cécile Louis-Loyant.
Ce vendredi-là, à 17h10, une éclisse en acier, sorte de grosse agrafe joignant deux rails, s'est retournée et a fait sortir le train de sa voie. A qui la faute ?
Du 25 avril au 17 juin dernier, la SNCF (héritière pénalement de SNCF Infra, chargée de la maintenance), SNCF Réseau (ex-Réseau Ferré de France, gestionnaire des voies) et Laurent Waton, jeune directeur de proximité au moment des faits, ont été jugés pour blessures involontaires et homicides involontaires.
Pendant huit semaines de procès, le tribunal a tenté d'éclaircir leurs responsabilités.
La SNCF et SNCF Réseau auraient-elles dû renouveler l'appareil de voie plus tôt que prévu ? La vitesse de circulation des trains aurait-elle dû être réduite ? Les effectifs augmentés ? L'ancien cheminot, qui encourt jusqu'à trois ans d'emprisonnement, a-t-il manqué de vigilance lors de sa dernière tournée de surveillance ?
A l'issue des débats, le procureur Rodolphe Juy-Birmann a demandé de condamner la SNCF, chargée de la maintenance, à la peine d'amende maximale.
Cette "entreprise dans le déni" a "créé le contexte à l'origine de l'accident" par un "échec dans la chaîne de maintenance", a-t-il estimé. Lui reprochant une "faute originelle de désorganisation", il a retenu une dizaine de fautes à son encontre et requis une amende de 450.000 euros.
L'angoisse à nouveau
En revanche, il a demandé la relaxe pour l'ancien cadre cheminot, Laurent Waton, et pour le gestionnaire SNCF Réseau (ex-RFF), estimant que les fautes qui leur sont reprochées n'étaient pas caractérisées.
Les trois prévenus ont demandé leur relaxe, en adressant plusieurs fois leurs pensées aux victimes.
Contactées, SNCF et SNCF réseau n'ont pas souhaité faire de commentaire avant mercredi. "Je ne souhaite pas commenter mon espoir sincère de relaxe de Laurent Waton", a de son côté déclaré son conseil, Me Philippe Valent.
Me Gérard Chemla, avocat d'une dizaine de parties civiles et de la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (Fenvac), a lui estimé "essentiel que la justice acte les fautes" des deux entreprises "en matière d'entretien de la voie ferrée", qui ont conduit à "la déliquescence du réseau de banlieue".
"La justice doit dire que cette tragédie annoncée et prévisible aurait été évitée si chacun avait rempli ses obligations", a insisté l'avocat.
Au contraire, pendant le procès, la SNCF s'est efforcée de convaincre, experts à l'appui, qu'elle n'aurait pu éviter ce drame, imputable selon elle à un défaut indécelable de l'acier.
Son ex-patron Guillaume Pepy, entendu comme témoin, a reconnu, ému aux larmes, une "responsabilité morale infinie" de la SNCF qui "ne faisait pas bien son travail" de maintenance. Il a toutefois écarté que ces "éléments regrettables de contexte" aient causé l'accident.
Pendant plusieurs jours, le tribunal a aussi recueilli les récits frémissant de colère de nombreuses parties civiles, sur plus de 200 enregistrées. Familles endeuillées, personnes blessées, proches ayant subi un "préjudice d'inquiétude"...
A l'approche du jugement, "l'angoisse s'installe à nouveau", a confié à l'AFP Thierry Gomes, président de l'association Entraide et défense des victimes de la catastrophe de Brétigny (EDVCB). "L'espoir de justice reste très présent", a dit celui qui a perdu ses parents.
Ce procès a été "une épreuve pour les victimes", a abondé Me Alexandre Varaut, qui en défend une quinzaine. Mercredi, a-t-il souligné, ces victimes espèrent "une délivrance".