PARIS : La foule a souvent mauvaise réputation mais elle peut être aussi être joyeuse, voire salvatrice: la Cité des Sciences à Paris explore les coulisses de notre monde densément peuplé, à travers une exposition originale qui questionne notre relation au collectif.
Comment compter des manifestants? S'échapper d'une foule trop compacte? Pourquoi est-il si gênant de prendre un ascenseur avec des inconnus? La «distanciation» imposée par le Covid-19 a-t-elle changé notre rapport aux autres?
Toutes ces situations ont un point commun: l'individu n'y existe qu'en interaction avec autrui. Avec l'exposition «Foules», à l'affiche jusqu'en août 2023, la Cité des Sciences et de l'Industrie explore les coulisses de ce phénomène singulier qui s'impose dans notre quotidien.
«C'est un sujet sérieux mais qu'on aborde de façon joyeuse et surtout rassurante», explique Dorothée Vatinel, co-commissaire de l'exposition.
Comme tout objet scientifique, la foule a son unité de mesure: la densité, égale au nombre de personnes par mètre carré, fil rouge de l'exposition. Le visiteur passe de la plus haute à la plus faible densité, à travers un parcours interactif - et aéré - qui nous glisse dans la peau d'un «foulologue» pour apprivoiser le phénomène.
On observe à quel moment un mouvement collectif n'est plus contrôlé et fait émerger un phénomène d'ondes, comme une machine à vagues. Ces comportements, qui interviennent «sans chef d'orchestre», sont aussi à l’œuvre dans le monde animal: vols d'étourneaux, flamboyances de flamants roses, bancs de poissons...
On explore ses dimensions culturelles, variables d'un pays à l'autre. «En France par exemple, les piétons ont tendance à s'éviter par la droite, d'autres pays par la gauche. C'est un code social», analyse Mehdi Moussaïd, chercheur en sciences cognitives à l'Institut Max Planck à Berlin, commissaire scientifique de l'exposition.
Sans oublier la foule virtuelle, l'espace où se propagent les rumeurs, avec une édifiante projection murale qui nous permet de visualiser la dynamique à l’œuvre sur les réseaux sociaux.
«La foule est souvent associée à la bêtise et l'irrationalité: c'est une idée reçue qui n'est pas toujours fausse, mais nous montrons aussi son autre visage, ses dimensions d'intelligence collective et d'auto-organisation», poursuit Mehdi Moussaïd.
Vertueux, le collectif représente parfois même «la solution», comme lors de grands rassemblements solidaires. Un karaoké invite à le tester en musique: en écoutant l'enregistrement, il en sortira sûrement un chœur plus harmonieux que les chants individuels.