PARIS: Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a reconnu jeudi que les relations actuelles entre la France et l'Allemagne n'étaient pas faciles, appelant à une "redéfinition stratégique" pour remettre les compteurs à zéro sur certains points.
Comme le président Emmanuel Macron, qui a déclaré à son arrivée à Bruxelles pour un sommet des 27 centré sur la flambée des prix de l'énergie être déterminé à "préserver l'amitié et l'alliance" franco-allemande, Bruno Le Maire a parlé d'une "coopération essentielle".
"Est-ce que les choses sont faciles en ce moment? Non. Est-ce que c'est compréhensible? Oui", a-t-il ajouté lors d'un débat sur la protection des entreprises contre la crise.
"Cela doit nous amener à une redéfinition stratégique des relations entre la France et l'Allemagne. Et à créer une alliance nouvelle, peut-être encore plus forte, mais en faisant un +reset+ (redémarrer, ndlr) sur un certain nombre de points", a affirmé le ministre.
Ce fervent germanophile a toutefois rappelé qu'il n'y avait "pas d'alternative à cette relation étroite entre la France et l'Allemagne".
Dans un entretien au quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung qui lui demandait si Vladimir Poutine avait réussi à diviser l'Europe, il a affirmé que "personne ne pourra dissoudre le couple franco-allemand", mais qu'"une des erreurs de l'amitié franco-allemande était de vouloir mettre de côté les différences".
Ces propos sont tenus au lendemain d'une réunion avec ses homologues allemands des Finances Christian Lindner et de l'Economie Robert Habeck, avec à l'issue des sons de cloche déjà sensiblement éloignés malgré un ton cordial.
Auparavant, le gouvernement allemand avait annoncé le report à janvier du conseil des ministres des deux pays, prévu le 26 octobre, invoquant le besoin de "davantage de temps" pour s'entendre sur plusieurs dossiers tandis que Bruno Le Maire a prétexté "uniquement" des difficultés d'agenda.
Lors du débat, le ministre français a expliqué que les dissensions proviennent de raisons "qui bouleversent le modèle allemand". Tout d'abord la guerre en Ukraine qui rend "obsolète l'idée d'une Europe bâtie pour la paix" et qui "doit désormais être là pour garantir la sécurité contre des agresseurs étrangers".
Les visions s'opposent également, selon lui, sur le modèle énergétique, la France ayant annoncé sa préférence pour le nucléaire tandis que l'Allemagne le refuse et peine à se défaire du gaz russe tout comme de son partenaire chinois sur le plan commercial.
Côté allemand, les différends semblent résider dans la réponse apportée à l'inflation. Berlin défend une coordination des politiques monétaires des banques centrales et des politiques budgétaires des Etats, qui doivent veiller "à ne pas alimenter l'inflation en soutenant la demande".
Bruno Le Maire a répondu jeudi en affirmant que le plan d'aide énergétique à 200 milliards annoncé par l'Allemagne n'était pas bien différent des 100 milliards sur trois ans prévus par la France pour contrer l'inflation.
Au Frankfurter Allgemeine Zeitung, le ministre a enfin dit qu'il n'était "pas démontré" qu'il faille des interconnexions gazières en Europe, alors que Berlin plaide pour le projet de gazoduc terrestre Midcat pour acheminer via la France du gaz venu d'Espagne.
La France, l'Espagne et le Portugal ont annoncé jeudi avoir trouvé un accord pour remplacer le projet MidCat par un pipeline sous-marin entre Barcelone et Marseille, destiné à acheminer du gaz puis de l'hydrogène vert.