LONDRES: En sursis après six semaines à Downing Street, la Première ministre britannique Liz Truss est entrée mercredi dans une nouvelle zone de turbulences avec la démission surprise de sa ministre de l'Intérieur pour une utilisation indue d'une adresse mail personnelle.
Rejetée par l'opinion, contestée au sein de sa propre majorité, la dirigeante conservatrice, qui assure vouloir rester en poste malgré l'abandon de son programme économique, voit une nouvelle fois sa crédibilité et son autorité affaiblies.
Moins d'une semaine après avoir dû limoger son ministre des Finances, et ami proche Kwasi Kwarteng, elle perd la très droitière cheffe du "Home Office", chargée du dossier sensible des traversées illégales de la Manche, qui atteignent des niveaux records.
Suella Braverman, 42 ans, a expliqué avoir démissionné pour avoir utilisé son email personnel pour l'envoi de documents officiels, enfreignant le code ministériel. Tout en faisant son mea culpa, elle a lancé une lourde charge contre la cheffe du gouvernement, dans un contexte de frénésie à Westminster.
Dans sa lettre de démission, Suella Braverman a exprimé ses "graves inquiétudes" sur la politique du gouvernement qui selon elle renonce à ses promesses, notamment sur le dossier migratoire.
Elle a été remplacée dans la foulée par Grant Shapps, ministre des Transports sous Boris Johnson. En nommant un soutien de son ancien adversaire dans la course au pouvoir - et potentiel candidat pour la remplacer - Rishi Sunak, Liz Truss profite de ce nouvel épisode chaotique de son mandat pour afficher une ouverture dont elle a été accusée de manquer depuis son arrivée au pouvoir.
"Battante"
Ce départ amorce-t-il une hémorragie au sein du gouvernement comme celle qui avait été fatale à Boris Johnson en juillet? En tout cas, il tombe mal pour Liz Truss, qui cherche à reprendre la main après la mise en pièces lundi, par son nouveau ministre des Finances Jeremy Hunt, des baisses d'impôts massives qu'elle avait promises.
Elle s'est montrée très combative à la mi-journée lors du rendez-vous hebdomadaire des questions au Parlement, test majeur pour sa capacité à rebondir, défendant sa politique face aux huées et aux appels à la démission de l'opposition travailliste.
"Je suis une battante, pas quelqu'un qui abandonne", a-t-elle martelé.
"A quoi sert une Première ministre dont les promesses ne tiennent même pas une semaine?", a asséné le chef de l'opposition travailliste Keir Starmer, énumérant toutes les mesures que Liz Truss a dû abandonner.
Après cette séance au Parlement, Liz Truss devait répondre aux questions de journalistes lors d'une visite d'une usine au nord de Londres, annulée in extremis vraisemblablement pour s'entretenir avec Mme Braverman, candidate malheureuse à Downing Street qui s'était ralliée à Liz Truss.
La crise politique actuelle remonte à la présentation le 23 septembre du "mini-budget" du ministre des Finances d'alors, Kwasi Kwarteng, qui avait fait craindre un dérapage des comptes publics.
La livre avait chuté à un plus bas historique et les taux d'emprunt à long terme de l'Etat avaient flambé. La Banque d'Angleterre avait dû intervenir pour empêcher la situation de dégénérer en crise financière.
Inflation record
Chargé de rassuré les marchés, Jeremy Hunt est désormais considéré comme ayant pris l'ascendant sur Liz Truss. En plus d'annuler presque toutes les baisses d'impôts promises par la Première ministre, il a prévenu d'économies à venir dans les dépenses publiques, faisant redouter le retour à l'austérité de l'après crise financière de 2008.
Le contexte social est déjà explosif et l'inflation a atteint un sommet en 40 ans à 10,1% en septembre.
Selon un sondage YouGov, seul un Britannique sur dix a une opinion favorable de Liz Truss, un sur cinq chez les électeurs du parti conservateur. Et 55% des membres du parti majoritaire estiment que Liz Truss devrait démissionner, à deux ans d'élections législatives où l'opposition travailliste terrasserait les conservateurs selon les sondages.
Désormais, six députés de son parti ont déjà publiquement exhorté Liz Truss à partir. Faute de successeur évident, les conservateurs sont toutefois réticents à s'engager dans un nouveau et long processus de désignation d'un nouveau leader, et sont à la recherche d'un consensus pour s'accorder sur un nom, mais semblent loin d'y parvenir.