Après Kenzo et Miyake, la mode japonaise amorce une nouvelle ère

Cette photo prise le 16 septembre 2022 montre une étudiante en train de réaliser un dessin pendant un cours au Bunka Fashion College de Tokyo (Photo, AFP).
Cette photo prise le 16 septembre 2022 montre une étudiante en train de réaliser un dessin pendant un cours au Bunka Fashion College de Tokyo (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Mardi 18 octobre 2022

Après Kenzo et Miyake, la mode japonaise amorce une nouvelle ère

  • La mort de Kenzo Takada en octobre 2020 puis celle d'Issey Miyake en août marquent la fin d'une époque
  • Cela renforce les attentes envers une nouvelle génération de stylistes comme Takuya Morikawa, un ancien de Bunka âgé de 40 ans

TOKYO: A l'école de mode Bunka de Tokyo, dans un silence entrecoupé de bruits de ciseaux et de machines à coudre, des étudiants rêvent de Paris et de la renommée mondiale qu'ont connue leurs glorieux aînés aujourd'hui vieillissants ou disparus.

La mort de Kenzo Takada en octobre 2020 puis celle d'Issey Miyake en août marquent la fin d'une époque, après la révolution engendrée dans les années 1970-80 par les créateurs de mode japonais en France et dans le monde.

Cela renforce les attentes envers une nouvelle génération de stylistes comme Takuya Morikawa, un ancien de Bunka âgé de 40 ans et dont les vêtements chics inspirés du streetwear ont fait leurs débuts lors des défilés parisiens il y a deux ans.

Avant de lancer sa marque TAAKK en 2013, il a passé huit ans dans le studio d'Issey Miyake, travaillant notamment sur la célèbre ligne "Pleats Please" et explorant des méthodes artisanales traditionnelles.

M. Morikawa a été affecté par le décès de son mentor. "Nous devons faire de notre mieux pour que la mort de ces créateurs n'ait pas d'impact sur le monde de la mode. Si cela se produit, cela signifie que nous faisons mal notre travail".

Un autre à avoir repris le flambeau est Nigo (Tomoaki Nagao de son vrai nom), qui s'est fait connaître dans les années 1990 avec sa marque de streetwear A Bathing Ape. Lui aussi diplômé de Bunka, il a été nommé directeur artistique de Kenzo l'année dernière.

Sacai, autre marque de mode japonaise au succès international, a été fondée en 1999 par la styliste Chitose Abe qui a notamment collaboré avec le couturier français Jean Paul Gaultier.

Compétition commerciale 

Kenzo et Issey Miyake sont partis à la conquête du monde depuis Paris, tout comme la pionnière de la haute couture japonaise Hanae Mori, décédée en août à 96 ans. Yohji Yamamoto, aujourd'hui âgé de 79 ans, et Rei Kawakubo, 80 ans, fondatrice de Comme des Garçons, symbolisent encore cette génération dorée.

La mode japonaise d'avant-garde a autrefois "secoué le monde", selon la présidente de Bunka, Sachiko Aihara, qui se rappelle comment ses étudiants s'étaient habillés de noir après le lancement par Yohji Yamamoto de sa première ligne de vêtements monochromes.

Toutefois, "l'époque où un créateur présente une collection que tout le monde porte est révolue". En cause, la multiplication de l'offre "et non un déclin du talent", estime Mme Aihara, pour qui il est désormais également essentiel d'avoir des connaissances commerciales avant de lancer une marque compétitive.

La créatrice Mariko Nakayama, qui a longtemps travaillé comme styliste dans le milieu de la mode à Tokyo et projette de lancer sa marque en France, se souvient d'avoir eu "la chair de poule" en portant Comme des Garçons pour la première fois.

Elle estime aussi que l'industrie est différente aujourd'hui. "En regardant Virgil Abloh pour Louis Vuitton par exemple, j'ai l'impression que nous sommes entrés dans une ère d'édition", où les créateurs apportent des retouches modernes à des formes et motifs classiques, dit-elle dans sa boutique du quartier chic d'Omotesando à Tokyo.

«Nouvelles valeurs»

Car travailler à Paris, Londres, New York ou Milan est toujours considéré comme la clé du succès pour les créateurs japonais, explique Aya Takeshima, 35 ans, qui a étudié à la Central Saint Martins de Londres.

Le récent défilé de Mme Takeshima à la Fashion Week de Tokyo pour sa marque Ayame présentait des chemisiers transparents et des robes gaufrées, tandis que des mannequins masculins portaient des robes élégantes.

Etudier à l'étranger lui a permis d'avoir des perspectives différentes. "Au Japon, on dirait qu'on inculque d'abord la technique. Les idées et les concepts (...) sont secondaires", alors que c'est l'inverse à Londres, selon elle.

Consciente aussi de la nécessité pour ses étudiants d'une ouverture sur le monde, Bunka compte offrir une bourse d'études à l'étranger dans le cadre des célébrations de son 100e anniversaire l'année prochaine.

Pour Natalia Sato, 21 ans, l'une de ses étudiantes, Issey Miyake et la vieille garde "ont apporté au monde beaucoup de valeurs japonaises et orientales", notamment des techniques inspirées d'un artisanat traditionnel riche et subtil.

"Je suis inquiète que les fondations qu'ils ont construites puissent être détruites avec leur disparition", mais "en même temps, c'est un tournant" qui pourrait offrir de nouvelles opportunités créatives, juge-t-elle. "C'est une chance pour moi de réfléchir à la façon dont nous pouvons créer de nouvelles valeurs".


Paul Kupelian, artiste informel et chroniqueur du côté coloré de la vie

L’art de Paul Kupelian échappe aux catégories et n’obéit qu’à la nécessité de peindre. (fournie)
L’art de Paul Kupelian échappe aux catégories et n’obéit qu’à la nécessité de peindre. (fournie)
Short Url
  • A force de peindre son quotidien, ses lieux familiers et le chaos de Beyrouth, il devient le chroniqueur visuel d'événements importants, tout comme de sa propre évolution
  • Sa signature artistique se caractérise par un style vibrant et coloré, joyeux et dynamique, ce qui ne l’empêche pas de trouver, dans les infinies nuances de sa palette lumineuse, une harmonie chromatique qui se révèle au premier coup d’œil

BEYROUTH : Figuratif ? Naïf ? L’art de Paul Kupelian échappe aux catégories et n’obéit qu’à la nécessité de peindre. Né en 1975, cet artiste autodidacte de nationalité libanaise et française dont les racines remontent à l'Arménie, a grandi dans une famille d'artistes. Il n’a que 7 ans quand sa grand-tante l’initie à la technique reine, et donc complexe, de la peinture à l’huile. Dès lors, le reste de son enfance est ébloui par d’innombrables heures passées à dessiner et à peindre tout ce qui l’entoure. Il met toute sa passion à se perfectionner, aborde de nouveaux médiums tels que l'encre de Chine, l'acrylique, le pastel gras, le fusain ou la sanguine. Savait-elle, cette bienveillante aïeule, qu’elle lui offrait à travers l'art l'exutoire thérapeutique suprême, un moyen d'exprimer ses émotions et d'affronter les complexités de la vie ?  A force de peindre son quotidien, ses lieux familiers et le chaos de Beyrouth, il devient le chroniqueur visuel d'événements importants tout comme de sa propre évolution, projetant ses troubles sur la toile et y gagnant en retour paix intérieure et stabilité.

Paul Kupelian, chroniqueur des événements et de sa propre vie (fournie)
Paul Kupelian, chroniqueur des événements et de sa propre vie (fournie)

Sa signature artistique se caractérise par un style vibrant et coloré, joyeux et dynamique, ce qui ne l’empêche pas de trouver, dans les infinies nuances de sa palette lumineuse, une harmonie chromatique qui se révèle au premier coup d’oeil. Il y a dans ses oeuvres une joie contagieuse que confirme le sourire spontané de tout spectateur qui y est confronté. Ce pouvoir n’échappe pas au regard avisé de la galeriste Nadine Begdache, commissaire de l’espace Janine Rubeiz, à Beyrouth. En 2016, elle lui offre son exposition inaugurale : "Looking at the Bright Side" (Regard sur le côté lumineux de la vie). Une présentation saluée par les critiques d'art et les collectionneurs.

Paul Kupelian, chroniqueur des événements et de sa propre vie (fournie)
Paul Kupelian, chroniqueur des événements et de sa propre vie (fournie)

Qu’on ne se trompe pas sur la « naïveté » de cet artiste autodidacte. Sa profonde compréhension des proportions, de la perspective et des détails complexes n’échappe pas à un regard averti.  Ses peintures, bien que légères, servent de canal à ses émotions. Dans ses œuvres récentes, Paul Kupelian utilise principalement la peinture acrylique à grande échelle, un médium dont il apprécie la polyvalence et le potentiel expressif.

Chroniqueur des événements et de sa propre vie (fournie)
Chroniqueur des événements et de sa propre vie (fournie)

Bien qu’il n’ait pas donné d’exposition depuis un certain temps, il confie à Arab News en français qu’il vit à présent à Dubai où il occupe un poste de direction dans le retail.  « Je peins dès que j’en ai le temps, le soir et surtout les weekends » poursuit-il. « La peinture est mon exutoire, je peux y passer des heures sans voir le temps passer. Cela me permet de tout oublier et m’apporte énormément de joie » ajoute Paul Kupelian qui affirme que, comme pour beaucoup d’artistes, son art est sa thérapie. Ajoutez à cette passion celle de l’histoire, la géopolitique, la philosophie, la musique, les voyages, le sport, vous obtenez, dans chaque toile, une nouvelle fenêtre ou un nouveau miroir où chacun peut trouver une réponse à ses propres questionnements.

 


Deuxième jour de la RSFW: défilé historique de maillots de bain et dentelle élégante

La collection d’EAU comprenait des maillots de bain simples – une pièce en V profond, motifs à épaules dénudées, tops bandeau et divers paréos. (Photo fournie)
La collection d’EAU comprenait des maillots de bain simples – une pièce en V profond, motifs à épaules dénudées, tops bandeau et divers paréos. (Photo fournie)
Short Url
  • Certains looks élégants étaient associés à des couvre-chefs soyeux et à des sacs à main sophistiqués
  • La collection de Sara Altwaim, comprenait un certain nombre de robes blanches fluides en dentelle et en mousseline

MER ROUGE: La marque marocaine EAU a marqué l’histoire en lançant, vendredi, la deuxième série de défilés de la Red Sea Fashion Week. En effet, c’est la première fois que des maillots de bain font leur entrée sur un podium saoudien.

Avec la piscine scintillante de St. Regis et les palmiers ondulants en arrière-plan, la deuxième RSFW a mis en valeur l’une des pièces incontournables de l’été.

F
EAU. (Photo fournie)

La collection comprenait des maillots de bain simples – une pièce en V profond, motifs à épaules dénudées, tops bandeau et divers paréos. Bleu roi, jaune moutarde, vert chasseur et rouge marron dominaient la collection, créant une palette d’automne plutôt singulière, mais bienvenue, pour la saison estivale à venir.

Certains looks élégants étaient associés à des couvre-chefs soyeux et à des sacs à main sophistiqués, notamment des paniers tressés parsemés de strass, des sacs de plage en paille et des pochettes à franges.

F
Sarah Altwaim. (Photo fournie)

La mode affluait à mesure que la mer Rouge brillait. La collection de Sara Altwaim comprenait un certain nombre de robes blanches fluides en dentelle et en mousseline. Chacune des pièces est attrayante, grâce à une touche individuelle, de subtiles perles, des coupes superposées ou un mélange de tissus.

Altwaim a présenté un tissu en mousseline d’inspiration sous-marine présentant des croquis de créatures des fonds marins, comme les poissons, les crevettes et les crabes, qui ont fait leur apparition dans une variété d’ensembles.

Les cols de perles très superposés, les jupes en forme de paréo, les résilles ornées de bijoux, les tissus métalliques et les vêtements fluides étaient également inspirés de la vie marine.

La créatrice saoudienne Yasmina Q a introduit les vêtements d’intérieur, clôturant les défilés avec une collection de robes en tricot effet côtelé dans des tons vert menthe, bleu écume de mer, jaune vif, corail et bien plus encore.

Il y avait aussi des manches évasées et une taille ajustée qui se transformait en une forme trapèze. Certaines pièces étaient également sans manches pour un look estival plus décontracté. La collection, composée de lunettes de soleil et de chapeauxestivaux, présentait également une gamme de vêtements d’intérieur, allant des bas côtelés aux hauts ajustés simples, en passant par les chemises côtelées, les hauts kimonos et les pulls amples.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Les 80 ans de Dave: «pour un beatnik, faire carrière est un gros mot!»

Le chanteur néerlandais francophone Wouter Otto Levenbach alias Dave, pose lors d'une séance photo à Paris le 29 avril 2024 (Photo, AFP).
Le chanteur néerlandais francophone Wouter Otto Levenbach alias Dave, pose lors d'une séance photo à Paris le 29 avril 2024 (Photo, AFP).
Short Url
  • Mardi, Dave fête ses 80 ans et ses 60 ans de scène au Grand Rex, à Paris
  • Débarqué des Pays-Bas, le jeune Wouter Otto Levenbach débute à Paris en 1965

PARIS: "A 20 ans, je rêvais de vivre en chantant, surtout pas faire carrière! Pour le beatnik que j'étais, c'était un gros mot!": à 80 ans, Dave, l'interprète des indémodables "Vanina" et "Du côté de chez Swann", n'en revient pas d'être devenu un chanteur populaire mais refuse de songer à des adieux.

"J'aimerais bien chanter jusqu’à la fin. La scène, c'est le nirvana et on nous paie pour ça, en plus!", confie à l'AFP le plus Français des Néerlandais, connu aussi pour son franc-parler.

Mardi, Dave fête ses 80 ans et ses 60 ans de scène au Grand Rex, à Paris, avant une nouvelle tournée qui passera par Amsterdam et Bruxelles.

"Quand je suis devenu chanteur populaire, je n'ai rien compris. En plus, je n'étais pas du tout branché +variétoche+...", ajoute celui qui est toujours fan de jazz.

Débarqué des Pays-Bas, le jeune Wouter Otto Levenbach débute à Paris en 1965: "je faisais la manche dans le Quartier latin. En m'accompagnant à la guitare, je reprenais les succès du moment", raconte Dave, qui vient de publier une autobiographie, "Comment ne pas être amoureux de vous" (Talent Editions).

"On m'a conseillé d'aller plutôt à Saint-Tropez. (...) Maintenant, j'y retourne, mais comme client!", ajoute le chanteur vite remarqué par le producteur Eddie Barclay.

En 1972, il est enrôlé dans l'opéra-rock "Godspell". Deux ans après, il perce enfin avec la reprise de "Sugar Baby Love" des Rubbets, adapté en français par son compagnon Patrick Loiseau, qui deviendra son parolier attitré. La même année, "Vanina" dépasse le million d'exemplaires.

Après "Dansez maintenant" et "Mon cœur est malade", deux autres tubes, Dave se maintient au sommet du hit-parade avec "Du côté de chez Swann", une ballade romantique signée encore Patrick Loiseau et devenue l'une des chansons emblématiques des seventies.

«Comme Henri Salvador»

"Quand Patrick m'a proposé ce texte, je lui ai demandé s’il n'était pas fou. Cela me semblait trop littéraire et je pensais que ça ne marcherait jamais... Finalement, le succès a été énorme. Ma seule chanson diffusée sur France Inter!", ironise-t-il.

"Sans prétention, les textes étaient plutôt intéressants à l'époque. Aujourd'hui, ils ont perdu un peu en qualité", juge-t-il. Dans la jeune génération, Zaho de Sagazan et Vianney sont toutefois ses préférés.

"Depuis toujours, j'aime amuser la galerie avec des blagues caustiques mais je suis un gentil avec un bon fond", assure le chanteur, victime d'une lourde chute en 2022 qui a entraîné quatre jours de coma, avec, pour seules séquelles, la perte de l'odorat et du goût.

A 80 ans, le chanteur rêve d'un album "à un million d’exemplaires, comme Henri Salvador à la fin de sa vie".

"Pour le plus tard possible", Dave a laissé des instructions pour qu'on grave sur son urne funéraire le mot "ouf": "parce que je serai probablement content que cela se termine et parce que +ouf+ en verlan, veut dire fou. Un bon résumé de ma vie".