SYDNEY: L'Australie a annoncé mardi qu'elle renonçait à reconnaître Jérusalem-Ouest comme la capitale de l'Etat d'Israël, revenant ainsi sur une décision prise par le gouvernement conservateur précédent et s'attirant des critiques israéliennes mais les louanges des Palestiniens.
La ministre australienne des Affaires étrangères Penny Wong a affirmé que la question du statut de Jérusalem devait être résolue par des négociations entre Israël et le peuple palestinien et non dans le cadre de décisions unilatérales.
"Nous ne soutiendrons pas une approche qui compromet cette perspective", a-t-elle déclaré, ajoutant que "l'ambassade d'Australie a toujours été, et reste, à Tel Aviv".
L'Etat hébreu s'est emparé de la portion orientale de Jérusalem en 1967, l'a annexée et considère depuis l'ensemble de la ville comme sa capitale "éternelle" et "indivisible", tandis que les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de l'Etat auquel ils aspirent.
Pour l'ONU, le statut de Jérusalem doit faire l'objet d'un accord entre Israéliens et Palestiniens et, en attendant, les pays ne doivent pas y établir leur représentation diplomatique auprès d'Israël.
Seuls quatre Etats ont établi leur ambassade à Jérusalem: les Etats-Unis, le Guatemala, le Honduras et le Kosovo.
Dans un communiqué, le Premier ministre israélien Yaïr Lapid a qualifié la décision australienne de "réponse précipitée à une information de presse erronée", sans préciser à quelle information "erronée" il faisait référence.
"Nous ne pouvons que souhaiter au gouvernement australien qu'il gère ses autres dossiers de manière plus sérieuse et professionnelle", a-t-il ajouté.
Le ministère israélien des Affaires étrangères a convoqué l'ambassadeur australien Paul Griffiths, et la directrice politique du ministère, Aliza Bin Noun, lui a fait part de la "profonde déception" de l'Etat hébreu.
"C'est une décision misérable qui ignore la profonde et éternelle relation entre Israël et sa capitale historique et va à l'encontre des bonnes relations entre Israël et l'Australie", a-t-elle déclaré, d'après un communiqué.
« Soutien inébranlable »
Mme Wong a tenu à souligner que cette décision n'était pas un signe d'hostilité à l'égard d'Israël.
"Nous ne faiblirons pas dans notre soutien à Israël et à la communauté juive d'Australie. Nous sommes également inébranlables dans notre soutien au peuple palestinien, y compris dans notre soutien humanitaire", a affirmé la ministre.
L'Autorité palestinienne s'est félicitée, elle, de ce revirement, saluant l'engagement de Canberra pour que "la souveraineté future de Jérusalem dépende d'une solution permanente basée sur la légitimité internationale", a écrit sur Twitter le ministre palestinien des Affaires civiles, Hussein al-Cheikh.
Le Hamas, mouvement islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza, a parlé d'une "mesure (...) allant dans la bonne direction en faveur de la sécurité et de la stabilité internationales".
Le précédent gouvernement conservateur australien de Scott Morrison avait été l'objet de vives critiques quand, en 2018, il avait annoncé qu'il reconnaissait Jérusalem-Ouest comme capitale d'Israël. Il avait fait cette annonce dans la foulée d'une décision semblable de l'ex-président américain Donald Trump.
Cela avait également provoqué la consternation en Indonésie voisine -- pays qui compte le plus de musulmans au monde --, faisant temporairement dérailler un accord de libre-échange.
Penny Wong a accusé le gouvernement précédent d'avoir, à l'époque, pris cette décision pour tenter de remporter une élection partielle cruciale dans une banlieue de Sydney où vit une importante communauté juive.
La parti travailliste de centre-gauche est au pouvoir depuis mai.
Equilibre
Washington, où Joe Biden a succédé à Donald Trump, n'a pas directement commenté la décision australienne.
"La position des Etats-Unis est que notre ambassade restera à Jérusalem, que nous reconnaissons comme la capitale d'Israël", a déclaré Vedant Patel, un porte-parole du département d'Etat.
La décision de Canberra ne devrait cependant pas être une totale surprise pour le gouvernement israélien.
Elle avait été précédée il y a quelques jours du retrait d'un communiqué figurant sur le site internet du ministère des Affaires étrangères sur Jérusalem-Ouest, capitale d'Israël.
Mais pour Ran Porat, historien et chercheur à l'université Monash de Melbourne, cela pourrait susciter un malaise même si l'Australie n'est pas un acteur majeur des pourparlers de paix.
D'après lui, le Likoud, le parti de l'opposition israélienne dirigé par l'ex-Premier ministre Benjamin Netanyahu, pourrait s'emparer de cette décision comme preuve d'un des échecs de l'actuel gouvernement à l'approche des législatives du 1er novembre.