Police judiciaire: des centaines de policiers et magistrats de nouveau rassemblés contre la réforme

Le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin salue un policier (Photo, AFP).
Le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin salue un policier (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 17 octobre 2022

Police judiciaire: des centaines de policiers et magistrats de nouveau rassemblés contre la réforme

  • La réforme, voulue par le ministre de l'Intérieur, prévoit de placer tous les services de police du département - renseignement, sécurité publique, police aux frontières et PJ - sous l'autorité d'un seul Directeur départemental de la police nationale
  • Les agents de la PJ, chargée des crimes et enquêtes les plus graves, seraient intégrés à une filière investigation avec leurs collègues chargés de la délinquance au quotidien

PARIS : "Touche pas à ma PJ": des centaines d'enquêteurs de police judiciaire hostiles à la réforme de leur filière se sont rassemblés lundi partout en France pour tenter, avec le soutien de magistrats et d'avocats, de convaincre Gérald Darmanin de renoncer à son projet.

L'inscription "liquidation judiciaire" ou des portraits de Georges Clemenceau, le fondateur des "brigades du Tigre", ancêtre de la PJ, une larme de sang rouge à l’œil, scotchés sur leurs gilets: les opposants se sont réunis à la mi-journée "dans 36 villes", selon l'Association nationale de la police judiciaire (ANPJ).

La réforme, voulue par le ministre de l'Intérieur, prévoit de placer tous les services de police du département - renseignement, sécurité publique, police aux frontières et PJ - sous l'autorité d'un seul Directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet.

Les agents de la PJ, chargée des crimes et enquêtes les plus graves, seraient intégrés à une filière investigation avec leurs collègues chargés de la délinquance au quotidien. Les détracteurs du projet pointent un risque de "nivellement vers le bas" et de renforcement du poids du préfet, sous tutelle de l'exécutif, dans les enquêtes.

A Nanterre, 200 à 300 fonctionnaires des offices centraux de la PJ, se sont rassemblés derrière une banderole: "les offices contre la DDPN". Des magistrats des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), en robe, les ont rejoints.

A Lyon, environ 150 officiers de police, magistrats ou avocats se sont retrouvés devant le Palais de justice.

Les grandes mobilisations de policiers depuis 20 ans

Avant les rassemblements prévus lundi dans plusieurs villes de France contre la réforme de la police judiciaire, voici un rappel des grandes mobilisations de policiers depuis 20 ans:

2021: meurtre d'un policier 

Le 19 mai, des milliers de policiers se rassemblent devant l'Assemblée nationale pour dénoncer la violence croissante à laquelle ils se disent confrontés et l'inadéquation de la réponse judiciaire, deux semaines après le meurtre d'Éric Masson, un brigadier tué sur un point de deal à Avignon. Des personnalités politiques de tous bords se joignent au rassemblement, dont le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.

2020: «dénigrés»

En juin, multiples rassemblements de policiers à la suite du projet d'abandon de la clé d'"étranglement" annoncé par le gouvernement après des manifestations contre les violences policières. Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, avait également demandé la suspension de policiers en cas de "soupçons avérés" de racisme, avant de reconnaître une "maladresse". La technique d'interpellation controversée sera finalement supprimée bien plus tard.

En décembre, plusieurs centaines de policiers se rassemblent à Paris, Nantes ou Bordeaux, se disant "dénigrés" après des propos d'Emmanuel Macron reconnaissant notamment qu'il existait "des violences par des policiers".

2019: «marche de la colère»

Le 2 octobre, quelque 27 000 policiers, selon les organisateurs, défilent à Paris pour une "marche de la colère".

Au coeur de la protestation, une usure opérationnelle liée au mouvement social des "gilets jaunes", où la police a été accusée de violences, un bond des suicides au sein de la police nationale et des craintes liées au projet de réforme des retraites.

2016: prime et «haine anti-flics»

En avril, plusieurs milliers de policiers manifestent à Paris pour réclamer l'augmentation d'une "prime de risque" à la suite des attentats et de l'instauration de l'état d'urgence.

En mai, des centaines de policiers manifestent pour dénoncer la "haine anti-flics" lors des manifestations contre la réforme du droit du travail. En marge d'une marche contre les violences à l'encontre des forces de l'ordre à Paris, deux policiers sont attaqués et leur voiture incendiée.

2015: policier blessé 

Des milliers de policiers manifestent le 14 octobre, après qu'un de leurs collègues a été grièvement blessé en Seine-Saint-Denis par un braqueur en cavale.

 2014: «paupérisation»

Plusieurs milliers de policiers défilent à Paris le 13 novembre pour dénoncer "une paupérisation constante des services" et "le mal-être" dans la police.

2012: mise en examen

Des manifestations de centaines de policiers se succèdent durant plusieurs semaines pour protester contre la mise en examen d'un de leurs collègues pour homicide volontaire. Celui-ci avait abattu un multirécidiviste en cavale en Seine-Saint-Denis le 25 avril.

2009: «politique du chiffre»

Dans toute la France, plusieurs milliers de policiers dénoncent le 3 décembre une "politique du chiffre, quotas de contraventions et effectifs en baisse".

2007: changement de statut 

Le 8 décembre, plusieurs milliers d'officiers de police manifestent à Paris contre un changement de leur statut.

2001: meurtre de policiers 

Le tiers des 114 000 policiers de France, de tous grades, manifeste durant deux semaines, après le meurtre de deux policiers le 16 octobre, au Plessis-Trévise (Val-de-Marne) par un braqueur récidiviste libéré alors qu'il était en détention provisoire, et après les blessures reçues par deux autres dans une fusillade à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) le 7 novembre.

«Retours alarmants»

Ce qui nous inquiète le plus "c'est une perte de moyens et d'être saturés par le contentieux de masse que traite actuellement la sécurité publique", a déclaré Yann Bauzin, président de l'ANPJ.

"Si on vient au renfort de collègues qui sont saturés avec 300 procédures sur leur bureau, moi qui actuellement fait des enquêtes qui durent parfois plusieurs années et qui a dix dossiers sur mon bureau, il est bien évident qu'un dossier de plus, c'est 10% de mon temps qui est distrait", a-t-il détaillé.

Dans le Sud Est de la France, 80 manifestants étaient présents en Corse ou à Nice, où le député LR des Alpes-Maritimes Eric Ciotti est venu "soutenir ce mouvement de protestation".

Devant la préfecture de l'Hérault à Montpellier, il y avait 150 à 200 manifestants.

"Les premiers retours d'expérience des sites pilotes (de la réforme) dans les Pyrénées-Orientales et l'Hérault sont alarmants", y a déclaré Catherine Konstantinovitch, présidente de chambre à la cour d'appel de Montpellier et déléguée régionale de l'Union syndicale des magistrats (USM).

"L'autorité judiciaire est identifiée comme un simple gestionnaire de flux, les priorités de politique générale définies par les procureurs ne sont pas respectées et la justice a perdu ses interlocuteurs spécifiques à la police judiciaire", a-t-elle déploré.

«Haie du déshonneur»

A Strasbourg, environ 60 agents de police et une vingtaine de magistrats se sont mobilisés. Ils étaient également une cinquantaine à Brest et à Lille, où les magistrats arboraient des panneaux "touche pas à ma PJ".

Marion Cackel, juge d'instruction de la JIRS de Lille et présidente de l'association française des magistrats instructeurs, a pris la parole pour dénoncer la réforme et l'effondrement des moyens des enquêteurs depuis vingt ans, "mal-traités, sous-payés". "Il y a 17 000 OPJ en France pour 3,9 millions de nouvelles procédures par an, sans compter les stocks".

Depuis fin août, la contestation monte dans les rangs des 5 600 personnels de PJ. Elle s'est élargie le 7 octobre avec le limogeage d'Eric Arella, le patron respecté de la PJ dans la zone sud, qui a suscité un tollé.

M. Arella payait la visite houleuse, la veille, du directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, à Marseille.

Venu défendre la réforme, ce dernier avait dû traverser une "haie du déshonneur" formée de 200 enquêteurs opposés au projet. La vidéo de la traversée de cet ancien numéro 2 de la PJ est vite devenue virale sur les réseaux sociaux.

Deux jours plus tard, Gérald Darmanin a concédé quelques amendements mineurs et renvoyé la mise en œuvre du projet après le premier semestre 2023 et la reprise des discussions à la mi-décembre après un audit. Mais sans toutefois remettre en cause une réforme selon lui "courageuse et indispensable".


Agriculteurs: la Coordination rurale bloque toujours le port de Bordeaux

 La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
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  • La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place
  • Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine

BORDEAUX: La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais.

La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place.

Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine et auquel les agriculteurs comme la classe politique française s'opposent.

Il s'agit de la première visite de la ministre sur le terrain depuis le retour des paysans dans la rue, une mobilisation surtout marquée en fin de semaine par les actions des bonnets jaunes de la Coordination rurale.

A Bordeaux, ils bloquent ainsi les accès au port et au dépôt pétrolier DPA: des pneus, des câbles et un tracteur entravent l'entrée du site.

Sous une pluie battante, les agriculteurs s'abritent autour d'un feu et de deux barnums tanguant avec le vent. Une file de camions bloqués dont des camions citernes s'allonge aux abords.

Les manifestants ont tenté dans la matinée de joindre Annie Genevard, sans succès.

"On bloque tant que Mme Genevard et M. Barnier [Michel Barnier, Premier ministre] ne mettent pas en place des solutions pour la profession. Des choses structurelles, (...), on ne veut pas un peu d'argent aujourd'hui pour rentrer dans nos fermes, on veut des réformes pour vivre, avoir un salaire décent", a déclaré à l'AFP Aurélie Armand, directrice de la CR du Lot-et-Garonne.

"Le temps est avec nous parce que quand il pleut on ne peut pas travailler dans les fermes, donc c'est très bien", a-t-elle lancé, alors qu'une pluie battante balaye la Gironde avec le passage de la tempête Caetano.

Plus au sud, dans les Landes, des agriculteurs de la CR40 occupent toujours une centrale d'achat Leclerc à Mont-de-Marsan mais les autorités leur ont donné jusqu'à vendredi inclus pour libérer les lieux, a-t-on appris auprès de la préfecture.

Tassement du mouvement, avant une reprise 

La préfète du département a par ailleurs condamné "les dégradations commises par des membres de la Coordination rurale" mercredi soir sur des sites de la Mutualité sociale agricole (MSA), visée par des dépôts sauvages, et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), ciblée par un incendie "volontairement déclenché" dans son enceinte.

Sur Europe1/Cnews, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a redit que les agriculteurs avaient "parfaitement le droit de manifester", mais qu'il y avait "des lignes rouges" à ne pas dépasser: "pas d'enkystement", "pas de blocage".

A l'autre bout de la France, à Strasbourg, des membres de la CR se sont installés dans le centre avec une dizaine de tracteurs pour y distribuer 600 kilos de pommes aux passants.

"Nous, on propose un pacte avec le consommateur, c'est-à-dire lui fournir une alimentation de qualité en quantité suffisante et en contrepartie, le consommateur nous paye un prix correct", a souligné le président de la CR départementale, Paul Fritsch.

Les autorités constatent une "légère baisse" de la mobilisation à l'échelle du pays par rapport au début de la semaine, quand les syndicats majoritaires FNSEA et JA étaient aussi sur le terrain.

Ce nouvel épisode de manifestations agricoles intervient à quelques semaines d'élections professionnelles. La CR, qui préside aujourd'hui trois chambres d'agriculture, espère à cette occasion briser l'hégémonie de l'alliance FNSEA-JA et ravir "15 à 20 chambres" supplémentaires.

Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé mercredi que les prochaines manifestations emmenées par ses membres auraient lieu la semaine prochaine, "mardi, mercredi et jeudi", "pour dénoncer les entraves à l'agriculture".

FNSEA et JA avaient prévenu qu'ils se mobiliseraient jusqu'à la mi-décembre contre l'accord le Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu.

Troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne organise aussi des actions ponctuelles, contre les traités de libre-échange ou les installations énergétiques sur les terres agricoles.


Les députés approuvent en commission l'abrogation de la réforme des retraites

L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
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  • La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.
  • La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation.

PARIS : La gauche a remporté mercredi une première victoire dans son offensive pour abroger la très décriée réforme des retraites : sa proposition de ramener l'âge de départ de 64 à 62 ans a été adoptée en commission des Affaires sociales, avant son arrivée dans l'hémicycle le 28 novembre.

Le texte, présenté par le groupe LFI dans le cadre de sa niche parlementaire, a été approuvé par 35 voix (celles de la gauche et du Rassemblement national), contre 16 (venues des rangs du centre et de la droite).

La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.

Le Rassemblement national, qui avait présenté une proposition similaire fin octobre, mais que la gauche n'avait pas soutenue, a voté pour le texte de La France insoumise. « C'est le même que le nôtre et nous, nous ne sommes pas sectaires », a argumenté le député Thomas Ménagé.

La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation : celle-ci est ramenée de 43 à 42 annuités, ce qui revient à abroger également la réforme portée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine pendant le quinquennat de François Hollande.

Un amendement, présenté par les centristes du groupe Liot pour préserver la réforme Touraine, a été rejeté. Les socialistes, qui auraient préféré conserver cette réforme de 2013, ont décidé d'approuver le texte global malgré tout.

La gauche affirme qu'elle est en mesure de porter sa proposition d'abrogation jusqu'au bout : après l'examen du texte dans l'hémicycle la semaine prochaine, elle a déjà prévu de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat le 23 janvier, à l'occasion d'une niche communiste, puis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6 février, cette fois dans un créneau dédié aux écologistes.

Les représentants de la coalition gouvernementale ont mis en garde contre un texte « pas sérieux » ou « irresponsable ».

« Il faut être honnête vis-à-vis des Français : si cette réforme des retraites est abrogée, certes ils pourront partir à 60 ans, mais avec une retraite beaucoup plus basse », a ainsi argumenté la députée macroniste Stéphanie Rist.


Censure du gouvernement : Le Pen fait monter la pression avant sa rencontre avec Barnier

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
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  • "Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure"
  • Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget

PARIS: Marine Le Pen fait monter la pression sur Michel Barnier, avant leur rencontre lundi à Matignon : elle assure que son parti n'hésitera pas à censurer le gouvernement à la veille de Noël si "le pouvoir d'achat des Français est amputé" dans le projet de budget 2025.

"Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure", a affirmé mercredi la cheffe de file des députés du Rassemblement national sur RTL.

Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget de l'Etat.

Si le RN et la gauche votaient conjointement cette motion alors la coalition Barnier, fragile attelage entre LR et la macronie, serait renversée et le projet de budget rejeté.

Si elle n'a pas détaillé la liste précise de ses revendications, Marine Le Pen a en particulier jugé "inadmissible" la hausse envisagée par le gouvernement pour dégager trois milliards d'euros des taxes sur l'électricité, une mesure toutefois supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

"Taper sur les retraités, c'est inadmissible", a-t-elle aussi affirmé, insatisfaite du compromis annoncé par le LR Laurent Wauquiez. Celui-ci prévoit d'augmenter les retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. Si elles étaient suivies, celles-ci pourraient empêcher Mme Le Pen de participer à une quatrième élection présidentielle.

Face à cette menace de censure, Michel Barnier va recevoir en début de semaine prochaine, un par un, l'ensemble des présidents de groupes parlementaires, à commencer par Marine Le Pen dès lundi matin.

Ce premier tête à tête, depuis son entrée à Matignon, suffira-t-il ?

"Et-ce que M. Barnier va respecter l’engagement qu’il a pris, que les groupes d’opposition puissent reconnaître dans son budget des éléments qui leur paraissent essentiels ?", s'est interrogée la cheffe de file des députés RN.

Les demandes de notre parti étaient "de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, de ne pas alourdir sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat", a-t-elle récapitulé. "Or nous n'avons pas été entendus, nous n'avons même pas été écoutés".

Poker menteur 

Alors qu'il a déjà lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités et aux entreprises face aux critiques de sa propre majorité, le Premier ministre, confronté à la colère sociale des agriculteurs, des fonctionnaires ou des cheminots, a très peu de marge de manoeuvres.

"L'objectif est d'arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur" budgétaire, répète Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB fin 2024 contre 4,4% prévu initialement.

L'exécutif agite, à destination du RN mais aussi des socialistes, la menace du chaos.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur CNews.

"Le pire pour le pouvoir d'achat des Français, ce serait une crise financière", a alerté de son côté sur LCI sa collègue Astrid Panosyan-Bouvet (Travail).

Une question demeure: le RN bluffe-t-il ?

"Si le gouvernement tombe, il faudra attendre juin pour qu'il y ait des élections législatives parce qu'il ne peut pas y avoir de dissolution pour le moment!", a semblé nuancer le porte-parole du RN Julien Audoul.

Dans tous les cas, ce jeu de poker menteur risque de durer jusque la veille de Noël, lorsque l'Assemblée nationale aura à se prononcer définitivement sur le projet de budget 2025 de l'Etat.

Le RN n'entend, en effet, pas déposer ou voter de motion de censure sur les deux autres textes (fin de gestion de 2024 et projet de budget de la Sécurité sociale) qui pourraient être adoptés par 49.3 avant.