LUXEMBOURG : La politique de visas de la Serbie a concentré les critiques vendredi, lors d'une réunion des ministres européens de l'Intérieur, qui l'accusent de contribuer à une forte hausse des arrivées de migrants dans l'UE par la route des Balkans occidentaux.
Les pays de l'UE reprochent à Belgrade d'être une porte d'entrée vers l'Union européenne pour des migrants turcs, indiens, tunisiens, cubains et burundais, qui n'ont pas besoin de visa pour se rendre en Serbie.
«J'espère que la Serbie et les autres pays partenaires des Balkans occidentaux vont coopérer avec nous et aligner leur politique de visas avec l'UE», a déclaré la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson en arrivant à la réunion à Luxembourg.
Plus de 106.000 entrées irrégulières dans l'UE ont été enregistrées depuis la route des Balkans occidentaux sur neuf mois, soit une hausse de 170% par rapport à la même période de l'an dernier, selon l'agence Frontex. Toutes routes confondues, Frontex a enregistré le niveau le plus élevé d'entrées irrégulières dans l'UE depuis 2016 (228.240 sur cette période).
La route des Balkans occidentaux a été empruntée principalement par les migrants syriens et afghans comme en 2021. Mais la Commission note cette année une hausse des arrivées de Turcs, Tunisiens, Indiens, Cubains et Burundais depuis cette route.
- «Stopper ces flux» -
«Beaucoup d'entre eux doivent être renvoyés dans leurs pays d'origine mais nous devons aussi faire en sorte de stopper ces flux», a ajouté la commissaire aux Affaires intérieures.
L'Autriche et la Belgique notamment se plaignent de devoir gérer un afflux de demandeurs d'asile inédit depuis la crise de 2015-2016.
La Commission explique cette hausse en partie par le fait que les pays des Balkans occidentaux voisins de l'UE, et particulièrement la Serbie, pays candidat à l'UE depuis 2012, ont une politique de visas qui n'est pas alignée sur celle de l'UE.
En clair, ces pays dispensent de visa des ressortissants de pays tiers qui sont soumis à une obligation de visa pour entrer dans l'UE. Or ces exilés peuvent ensuite poursuivre leur route et entrer de façon irrégulière dans l'UE.
La ministre allemande de l'Intérieur Nancy Faeser a renouvelé ses critiques à l'égard de la politique de Belgrade, indiquant qu'elle consistait à exempter de visas les ressortissants d'«Etats qui ne reconnaissent pas le Kosovo».
Cette ancienne province serbe majoritairement albanaise a proclamé en 2008 son indépendance, que Belgrade ne reconnaît pas.
Les ressortissants de Serbie, comme ceux de quatre autres pays des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie, Macédoine du Nord, Monténégro), sont exemptés de visa pour se rendre dans l'UE depuis 2009-2010.
Mais l'Union européenne insiste pour que ces pays, qui sont officiellement candidats à l'UE ou aspirent à la rejoindre, s'alignent sur la politique européenne en matière de visa.
«La Serbie doit adapter sa pratique en matière de visas à celle de l'UE si elle veut progresser dans la procédure d'adhésion à l'UE», a commenté Nancy Faeser.
En réponse, la Commission pourrait décider de suspendre ce régime d'exemption de visa accordé aux ressortissants de Serbie. «Ce n'est bien sûr pas quelque chose que je peux exclure», a indiqué Ylva Johansson.
La commissaire européenne a précisé qu'elle rencontrerait des représentants des pays des Balkans occidentaux la semaine prochaine à Berlin, puis à Prague et à Tirana.
L'UE reproche par ailleurs à la Serbie de ne pas être alignée sur les sanctions prises par les 27 à l'encontre de Moscou en raison de la guerre en Ukraine.
Et Belgrade a récemment suscité l'irritation de ses partenaires européens quand son ministre des Affaires étrangères Nikola Selakovic a signé en marge de l'Assemblée générale des Nations unies un accord avec son homologue russe Sergueï Lavrov pour des «consultations» mutuelles en matière de politique étrangère.
«Cela pose de graves questions», avait réagi le 26 septembre Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. «Le processus d'adhésion à l'UE requiert un alignement avec les politiques européennes, notamment dans les affaires étrangères», avait-il rappelé.