PARIS: A peine rentrée d'Algérie, la Première ministre Elisabeth Borne tient lundi soir une réunion d'urgence, alors que près d'un tiers des stations sont encore affectées par des pénuries de carburant en France, où la CGT a reconduit son mouvement de grève jusqu'à mardi.
En dépit d'appels répétés du gouvernement à négocier sur les salaires et à cesser les blocages, la CGT et la direction de TotalEnergies ne sont pas parvenues à s'entendre. La grève se poursuit aussi dans les deux raffineries françaises d'Esso-ExxonMobil, après une réunion avec la direction qualifiée de "non-concluante" par Christophe Aubert, délégué syndical central CGT.
Du nord au sud de la France, les mêmes scènes se reproduisent: des stations fermées, d'interminables files d'attente, des prix en hausse et le moral en berne.
Daniel, 34 ans, qui travaille dans la restauration, a sillonné le Val d'Oise avant de trouver du carburant à la station BP de Deuil-la-Barre: "2,27 euros le litre de gazole: j'aurai jamais fait autant de queue, et j'aurai jamais été aussi heureux de me faire entuber", a-t-il confié à l'AFP.
A 18H lundi, 29,4% des stations-service étaient en difficulté au niveau national (contre 29,7% à 15H dimanche), a indiqué la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.
"Si une légère amélioration est constatée dans les Hauts-de-France, passant de 54,8% hier à 48,4% aujourd’hui, et en Ile-de-France, passant de 44,9% hier à 33,9% aujourd’hui, d'autres difficultés apparaissent sur le territoire, y compris dans des zones qui ne sont pas concernées par le mouvement social en cours comme la façade Atlantique", indique le ministère dans un communiqué.
"Ne faites pas de stocks!"
Partout, la peur du manque dictait les conduites: "Avant, on s'en fichait, maintenant, dès qu'il nous manque 12 litres, on fait le plein", a expliqué Thierry, Parisien de 50 ans.
Face aux pénuries, des syndicats de soignants (infirmiers libéraux) ont réclamé lundi soir "un accès prioritaire" dans toutes les stations, pour pouvoir maintenir les soins à domicile.
"Je le redis aux Français : ne faites pas de stocks de précaution car cela aggrave la situation", a déclaré Mme Pannier-Runacher, déplorant une "surconsommation" dans les stations-service, qui a étendu les difficultés à la façade atlantique, jusqu'ici épargnée.
La ministre a en conséquence demandé aux préfets, réunis dans la matinée, de prendre des mesures "pour empêcher la constitution de stocks inutiles". Mesure appliquée dès lundi soir dans Le Var, le Vaucluse et les Alpes-de-Haute-Provence, où la vente de carburant aux particuliers est limitée à 30 litres, par arrêtés préfectoraux.
Trois jours après être intervenu depuis Prague, Emmanuel Macron a de nouveau appelé lundi les directions des groupes pétroliers et les syndicats à "la responsabilité", en soulignant que "le blocage" des dépôts de carburant n'était "pas une façon de négocier".
A 21H, Elisabeth Borne réunit quatre ministres pour "faire le point sur l'état des discussions" entre les entreprises et les syndicats.
En attendant une embellie, le gouvernement a débloqué des stocks stratégiques de carburants, et TotalEnergies importe des carburants pour compenser l'arrêt de deux de ses trois raffineries.
Ces mesures "ont permis d'augmenter les livraisons dans les zones en grandes difficultés: +50% en Ile-de-France, +35% en Hauts de France", a affirmé la ministre de la Transition énergétique.
Grève pour les salaires
Mais entre entreprises et CGT, le bras de fer se poursuit. Le syndicat demande 10% d'augmentation sur les salaires pour 2022, le géant de l'énergie ayant engrangé 10,6 milliards de dollars de bénéfice au premier semestre 2022, contre les 3,5% négociés en début d'année.
Seule concession à ce stade, TotalEnergies a proposé dimanche d'avancer des négociations salariales prévues en novembre au mois d'octobre (sans date précise), mais seulement à condition que les raffineries et dépôts actuellement bloqués reprennent le travail, un "chantage", a répondu la CGT lundi, laquelle a donc été suivie par les grévistes.
Ils ont voté la poursuite du mouvement à l'immense raffinerie de Normandie, près du Havre, dans le dépôt de carburants de Flandres, près de Dunkerque et à la "bio-raffinerie" de La Mède (Bouches-du-Rhône), a indiqué à l'AFP Thierry Defresne, secrétaire CGT du comité européen TotalEnergies. La raffinerie de Feyzin (Rhône) est également à l'arrêt en raison d'un accident technique.
Le mouvement provoque une certaine inquiétude jusqu'au sommet de l'Etat, avant une marche dimanche "contre la vie chère", à laquelle appellent les forces d'opposition de la Nupes.