«Till», chronique sans violence d'un lynchage emblématique de l'Amérique ségrégationniste

L'actrice américaine Danielle Deadwyler, l'acteur américain Jalyn Hall et le réalisateur nigérian Chinonye Chukwu pendant la projection spéciale de «Till» à Los Angeles au théâtre Samuel Goldwyn de Beverly Hills, Californie, le 8 octobre 2022 (Photo, AFP).
L'actrice américaine Danielle Deadwyler, l'acteur américain Jalyn Hall et le réalisateur nigérian Chinonye Chukwu pendant la projection spéciale de «Till» à Los Angeles au théâtre Samuel Goldwyn de Beverly Hills, Californie, le 8 octobre 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 09 octobre 2022

«Till», chronique sans violence d'un lynchage emblématique de l'Amérique ségrégationniste

  • Le long-métrage, qui sort dans les salles américaines vendredi, revient sur la terrible histoire d'Emmett Till, un adolescent noir de 14 ans enlevé, torturé et tué en 1955 dans l'Etat ségrégationniste du Mississippi
  • Le film raconte ce drame à travers les yeux de sa mère, Mamie, restée à Chicago

LOS ANGELES: Le film "Till", pressenti pour les prochains Oscars, réalise un tour de force: celui de retracer deux heures durant l'assassinat dans l'Amérique ségrégationniste des années 50 d'un adolescent noir, devenu symbole de la lutte pour les droits civiques, sans aucune scène de violence.

Un choix revendiqué haut et fort par sa réalisatrice Chinonye Chukwu, qui a volontairement épargné l'équipe de tournage et le public.

Lors d'une conférence de presse pour promouvoir le film, Mme Chukwu a expliqué n'avoir "aucun intérêt à montrer la violence physique infligée aux corps noirs".

"En tant que personne noire, je ne voulais pas tourner ça et je ne voulais pas regarder ça. Je ne voulais pas infliger cela au public, ni me traumatiser encore une fois", a-t-elle développé. "Nous n'avons pas besoin de ça, tout simplement."

Le long-métrage, qui sort dans les salles américaines vendredi, revient sur la terrible histoire d'Emmett Till, un adolescent noir de 14 ans enlevé, torturé et tué en 1955 dans l'Etat ségrégationniste du Mississippi.

Originaire de Chicago, le jeune garçon rendait visite à des membres de sa famille dans cet Etat du Sud et avait été accusé d'avoir tenté de peloter une femme blanche après l'avoir sifflée. Il avait ensuite été enlevé et son cadavre mutilé avait été retrouvé 72 heures plus tard dans une rivière.

Le film raconte ce drame à travers les yeux de sa mère, Mamie, restée à Chicago.

"Je savais qu'en faisant cela, cela supprimait le besoin de montrer la violence physique infligée aux corps noirs", a détaillé la réalisatrice. Lors de la première du film à New York début octobre, elle a souligné que "l'endroit où la caméra se concentre est son propre acte de résistance".

Du lynchage, le public n'apercevra donc que le moment où le jeune Emmett se fait enlever sous la menace d'un pistolet, puis un plan extérieur à la scène de torture, où quelques cris de douleur permettent de comprendre ce qu'il en est.

Travers d'Hollywood 

Ces dernières années, certains films hollywoodiens ont été accusés d'exploiter la souffrance des Afro-américains pour faire recette. Le western autour de l'esclavage "Django Unchained", réalisé par Quentin Tarantino sans renoncer aux effusions de sang dont il raffole dans le reste de sa filmographie, a par exemple fait polémique.

Certains critiques de cinéma ont également souligné la propension d'autres films sur l'esclavage comme "Harriet" ou le multi-oscarisé "12 Years a Slave" à réduire le rôle historique des Noirs américains à celui de victimes.

S'il ne filme pas le meurtre, "Till" montre en revanche le corps mutilé d'Emmett, dans son cercueil resté ouvert.

Un passage obligé selon Mme Chukwu: sa mère avait ordonné de montrer le cadavre lors des obsèques. Les photos étaient rentrées dans le versant sombre de l'histoire des Etats-Unis, et l'événement a eu une influence importante sur le mouvement pour les droits civiques.

"C'était délicat, mais je savais que je voulais faire cela avec tact, tout en restant efficace", a précisé la réalisatrice.

Elle a également fait œuvre d'économie pour filmer les scènes les plus difficiles. Comme par exemple lorsque Mamie, interprétée par l'actrice Danielle Deadwyler, identifie le cadavre.

"J'ai dit à l'équipe: +Ecoutez, on a deux prises et c'est tout, d'accord? Essayez d'être le plus parfait possible, car ce qu'on capturera, c'est ce qu'on aura, je n'inflige pas ça à Danielle plus de deux fois+."

Un psychologue a été embauché sur le tournage pour assister les acteurs et l'équipe technique.

Le film sort seulement quelques mois après la signature en mars par Joe Biden d'une loi faisant du lynchage un crime fédéral, puni par 30 ans d'emprisonnement. Un texte qui porte le nom d'Emmett Till, 66 ans après sa mort.

Présent pour la signature, le scénariste de "Till" Keith Beauchamp y voit un symbole "en demi-teinte".

"En demi-teinte parce qu'il a fallu près de cent ans pour la faire adopter", a-t-il confié à l'AFP. Mais "d'un autre côté c'était une victoire. En demi-teinte aussi car nous nous battons toujours pour que justice soit rendue à Emmett Till."

Les meurtriers de l'adolescent avaient été acquittés par un jury intégralement blanc. Protégés par ce verdict, ces deux hommes blancs avaient ensuite relaté en 1956 à un magazine comment ils l'avaient tué. Ils sont aujourd'hui décédés.


Les anciens châteaux du gouvernorat de Sabya témoignent du patrimoine architectural saoudien

Le château archéologique de Sabya, une merveille architecturale, dispose de pièces spacieuses avec de hauts plafonds et des murs épais. (SPA)
Le château archéologique de Sabya, une merveille architecturale, dispose de pièces spacieuses avec de hauts plafonds et des murs épais. (SPA)
Le château archéologique de Sabya, une merveille architecturale, dispose de pièces spacieuses avec de hauts plafonds et des murs épais. (SPA)
Le château archéologique de Sabya, une merveille architecturale, dispose de pièces spacieuses avec de hauts plafonds et des murs épais. (SPA)
Le château archéologique de Sabya, une merveille architecturale, dispose de pièces spacieuses avec de hauts plafonds et des murs épais. (SPA)
Le château archéologique de Sabya, une merveille architecturale, dispose de pièces spacieuses avec de hauts plafonds et des murs épais. (SPA)
Le château archéologique de Sabya, une merveille architecturale, dispose de pièces spacieuses avec de hauts plafonds et des murs épais. (SPA)
Le château archéologique de Sabya, une merveille architecturale, dispose de pièces spacieuses avec de hauts plafonds et des murs épais. (SPA)
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  • Les origines du château archéologique de Sabya remontent au début du 20e siècle
  • Les murs, ornés de magnifiques motifs géométriques et floraux, témoignent de l'habileté des artisans qui les ont construits

RIYAD : Le gouvernorat de Sabya, dans la région de Jazan, est un trésor de merveilles archéologiques, qui chacune raconte sa propre histoire.

Parmi elles, le château archéologique de Sabya, dont les origines remontent au début du XXe  siècle. Ce château, chargé d'histoire, est une visite incontournable pour tout amateur d'archéologie ou chercheur.

Le château est situé près de l'avenue Sabya, dans le parc du King Fahd. Il fait partie de l'actuelle ville de Sabya, qui offre une vue sur le Wadi Sabya.

Le château archéologique de Sabya, une merveille architecturale, dispose de salles spacieuses avec de hauts plafonds et des murs épais.

Les murs, ornés de magnifiques motifs géométriques et floraux, témoignent de l'habileté des artisans qui les ont construits.

Des matériaux locaux tels que la pierre volcanique, le bois et le calcaire ont été utilisés pendant la construction. Certains témoignages suggèrent que l'argile utilisée pour la fabrication des briques provenait des rives du Wadi Sabya.

L'utilisation de pierres volcaniques de tailles et de formes variées confère au château une beauté unique et captivante. Ces pierres proviennent de volcans proches de la ville, notamment le Jabal Akwa, situé à une courte distance au nord-est de Sabya.

La mosquée, située au nord du château, a également été construite avec les mêmes matériaux que le château et les autres structures de la région. Elle était destinée aux prières et aux rassemblements des chefs religieux, des dignitaires et des habitants de Sabya. Son mihrab, ou niche de prière, est toujours debout malgré quelques dégâts.

Certains rapports suggèrent la présence de vestiges d'autres bâtiments dans les environs du château, ce qui ouvre la possibilité de mener des fouilles archéologiques pour révéler plus de secrets sur ce site.

La Commission du patrimoine du Royaume travaille avec détermination à la préservation du château archéologique de Sabya, consciente qu'il s'agit de l'un des sites archéologiques les plus importants de la région de Jazan.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


La Palme d'or à Sean Baker, passage de générations dans le cinéma américain

Le réalisateur américain Sean Baker pose avec le trophée lors d'un photocall après avoir remporté la Palme d'or pour le film "Anora" lors de la cérémonie de clôture de la 77e édition du Festival de Cannes (Photo, AFP).
Le réalisateur américain Sean Baker pose avec le trophée lors d'un photocall après avoir remporté la Palme d'or pour le film "Anora" lors de la cérémonie de clôture de la 77e édition du Festival de Cannes (Photo, AFP).
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  • Le film de 2h18 rembobine efficacement les classiques du cinéma américain et dépeint l'envers du rêve américain
  • Grand favori, l'Iranien Mohammad Rasoulof repart finalement avec un prix spécial

CANNES: Passage de génération à Cannes: le créateur de "Star Wars", George Lucas, a reçu un prix d'honneur avant de remettre la Palme d'or à un représentant du nouveau cinéma indépendant américain, Sean Baker, qui a livré un plaidoyer pour le cinéma en salles.

"Nous devons lutter pour faire des films qui sortent en salles. Il faut que le monde se rappelle que voir un film sur son téléphone portable ou à la maison, ce n'est pas la manière (correcte) de voir des films", a déclaré Sean Baker en recevant son prix.

"En salles, on partage la tristesse, la peur, le rire", a-t-il ajouté sur une scène du Palais des festivals où venaient de se succéder, en forme de passage de témoin, deux légendes d'Hollywood: Francis Ford Coppola, finalement reparti bredouille avec "Megalopolis", et George Lucas, à qui il était venu remettre sa Palme d'or d'honneur.

Sean Baker, qui succède à Justine Triet et son film "Anatomie d'une chute", est un amoureux des personnages en marge, débordant d'humanité, et tourne souvent avec des acteurs débutants ou amateurs.

Détournant les mythes de "Cendrillon" ou de "Pretty Woman", "Anora" passe des bas-fonds de New York aux villas de luxe des oligarques russes, en suivant la relation entre une jeune stripteaseuse Anora et le fils d'un milliardaire.

Actrice transgenre primée

Mafieux, virées dans la communauté russophone de Coney Island, courses nocturnes dans New York, homme de main aux faux airs de Robert De Niro, le film de 2h18 rembobine efficacement les classiques du cinéma américain et dépeint l'envers du rêve américain.

Autre décision marquante du jury de Greta Gerwig, où siégaient également les acteurs Omar Sy, Lily Gladstone et Eva Green, le prix collectif attribué aux actrices de la comédie musicale de Jacques Audiard, "Emilia Perez".

Le prix fera date, puisqu'outre Selena Gomez, Zoe Saldana et Adriana Paz, est distinguée pour la première fois une actrice transgenre, Karla Sofía Gascón. L'Espagnole de 52 ans, qui a entamé sa transition de genre à 46 ans, est la révélation de ce film dont elle tient le rôle principal, celui d'un narcotrafiquant qui se sent profondément femme et change de genre.

Karla Sofía Gascón a dédié son prix à "toutes les personnes trans qui souffrent". "Je veux que ces personnes arrivent à croire comme dans +Emilia Perez+ qu'il est toujours possible de s'améliorer".

Grand favori, l'Iranien Mohammad Rasoulof repart finalement avec un prix spécial pour "Les graines du figuier sauvage", tourné en clandestinité.

Le prix est un symbole pour les artistes iraniens victimes de la répression, et une consécration pour un réalisateur qui a bravé la censure pendant des décennies avant de se résoudre à l'exil, à quelques jours du Festival. Il faisait à Cannes sa première apparition publique depuis.

Hollywood à la fête 

"Permettez-moi d'avoir une pensée pour tous les membres de mon équipe qui ne sont pas avec moi pour célébrer ce prix. Mon chef opérateur, nombre de techniciens, qui sont sous pression. Mon cœur est avant tout avec eux", a déclaré Mohammad Rasoulof.

Dans le reste du palmarès, l'acteur américain Jesse Plemons a reçu le prix d'interprétation masculine pour sa performance dans le dernier Yorgos Lanthimos, et la jeune cinéaste indienne Payal Kapadia, représentante d'un 7e art dans l'ombre de Bollywood, a reçu le Grand Prix. "All we imagine as light" était le premier film indien en compétition depuis trente ans.

Une autre réalisatrice a été primée: la Française Coralie Fargeat, primée pour son deuxième long-métrage "The Substance", un film féministe ultra-gore avec Demi Moore, qui a décoiffé la Croisette.

Les grands déçus de ce festival sont les légendes du Nouvel Hollywood, dont les oeuvres, crépusculaires, sont reparties bredouille.

C'est le cas de Francis Ford Coppola, qui briguait à 85 ans une troisième Palme d'or. Et de Paul Schrader, d'abord connu comme scénariste de Martin Scorsese avant de devenir un cinéaste établi, dont le film "Oh, Canada!", avec Richard Gere en vieil homme mourant, a déçu.

Hollywood n'en était pas moins à la fête tout au long de cette édition, marquée aussi par la présentation hors compétition des films de Kevin Costner ou de "Furiosa", dérivé de "Mad Max".


Le film saoudien « Norah » reçoit la mention spéciale à Cannes

Les acteurs et l'équipe du film, accompagnés du réalisateur Tawfik Al-Zaidi, sont montés sur scène pour recevoir le prix. (AN/ Ammar Abd Rabbo)
Les acteurs et l'équipe du film, accompagnés du réalisateur Tawfik Al-Zaidi, sont montés sur scène pour recevoir le prix. (AN/ Ammar Abd Rabbo)
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  • Les acteurs et l'équipe, accompagnés du réalisateur Tawfik Al-Zaidi, sont montés sur scène pour recevoir le prix devant une salle comble
  • Le film, entièrement tourné à AlUla, se déroule dans l'Arabie saoudite des années 1990, à une époque où le conservatisme régnait

DUBAÏ : Le film saoudien « Norah », avec l'actrice Maria Bahrawi, a reçu cette semaine la Mention spéciale, qui récompense les films pour leurs réalisations exceptionnelles, lors de la 77e édition d’Un certain regard du festival de Cannes.

Les acteurs et l'équipe, accompagnés du réalisateur Tawfik Al-Zaidi, sont montés sur scène pour recevoir le prix devant une salle comble.

Le film, entièrement tourné à AlUla, se déroule dans l'Arabie saoudite des années 1990, à une époque où le conservatisme régnait et où l'exercice professionnel de tous les arts, y compris la peinture, était mal vu. Outre Bahrawi, le film met en scène Yacoub Al-Farhan et Abdallah Al-Satian. Il raconte l'histoire de Norah et de l'artiste raté Nader, qui s'encouragent mutuellement à réaliser leur potentiel artistique dans l'Arabie saoudite rurale.

« Norah » a été projeté officiellement au festival jeudi, et devient ainsi le premier film du Royaume à être inscrit dans le calendrier officiel de l'événement.

Le film a été soutenu par le Red Sea Fund - l'un des programmes de la Red Sea Film Foundation - et a été entièrement tourné à AlUla, dans le nord-ouest de l'Arabie saoudite, avec une distribution entièrement saoudienne et une équipe composée à 40 % de Saoudiens.

La mission d'Un Certain Regard est de mettre en lumière les nouvelles tendances du cinéma et d'encourager les œuvres cinématographiques innovantes.

Présidé par l'acteur, réalisateur, scénariste et producteur canadien Xavier Dolan, le jury était composé de la scénariste et réalisatrice franco-sénégalaise Maimouna Doucoure, de la réalisatrice, scénariste et productrice marocaine Asmae El Moudir, de l'actrice germano-luxembourgeoise Vicky Krieps et du critique de cinéma, réalisateur et écrivain américain Todd McCarthy.

Le film « Black Dog » du réalisateur chinois Guan Hu a remporté le premier prix de la section Un certain regard.

Ce film, qui marque les débuts de Guan Hu à Cannes, raconte l'histoire d'un ancien détenu qui noue un lien inattendu avec l'animal en question alors qu'il s'occupe de chiens errants dans sa ville natale, située à la lisière du désert de Gobi.

Le prix du jury a été décerné à « L'histoire de Souleymane », réalisé par Boris Lojkine, marquant son retour au festival après une décennie depuis son long métrage de 2014 « Hope ».

Le film raconte le parcours d'un livreur guinéen qui doit créer un récit convaincant pour son entretien de demande d'asile à Lyon dans un délai de deux jours.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com