PARIS: C’est le temps de la diplomatie et non plus celui des bruits de bottes entre le Liban et Israël. On observe un optimisme nuancé quant à l’imminence d’un accord délimitant les frontières maritimes dans une zone disputée et riche en pétrole et en gaz.
Malgré tout, en se rapprochant d’une supposée conclusion, on craint l’apparition de détails non réglés et de difficultés de dernière minute concernant les priorités internes des deux parties. Quelle que soit l’évolution de la situation dans les prochaines semaines, les dimensions stratégiques et énergétiques de cette question accroissent l’importance des enjeux et la nécessité d’aboutir à un règlement de ce litige frontalier pour assurer la stabilité et fournir de nouvelles ressources pour une région éprouvée et un Liban exsangue.
L’enjeu énergétique et la médiation américaine
Depuis juin dernier, tout s’accélère dans les négociations menées par le médiateur américain, Amos Hochstein, chargé des négociations indirectes sur la frontière maritime entre le Liban et Israël. C’est sans doute lié à l’arrivée d'un navire d'extraction de gaz à proximité du champ de Karish.
Des responsables libanais et israéliens ont déclaré ces derniers jours qu'ils étaient sur le point de parvenir à un accord définitif. Récemment, le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a déclaré que son pays était bien conscient de «l'importance du marché prometteur de l'énergie en Méditerranée orientale pour la prospérité de tous les pays de la région, mais aussi pour répondre aux besoins des pays importateurs».
Des responsables libanais et israéliens ont déclaré ces derniers jours qu'ils étaient sur le point de parvenir à un accord définitif.
En effet, Chevron, la deuxième plus grande société pétrolière et gazière américaine, ainsi que plusieurs petites sociétés, produisent déjà du gaz à partir de deux gisements plus grands que Karish au large des côtes israéliennes. Cette implication prouve que les administrations américaines successives ont encouragé la croissance du commerce du gaz dans la région en aidant à négocier des accords entre des pays dont les relations étaient depuis longtemps tendues.
Depuis les années 1930, le pétrole et les hydrocarbures étaient à la tête des priorités de la politique américaine au Moyen-Orient. De surcroît, la crise ukrainienne a accéléré les efforts d'exploration et de production de gaz naturel pour aider certains pays à mettre fin à leur dépendance au gaz russe.
Le facteur du Hezbollah dans l’équation régionale
Depuis le milieu des années 1980, le Hezbollah pro-iranien (allié de Damas) s’impose comme l’acteur non étatique dominant dans le Sud libanais et de facto comme force face à Israël. Si la délimitation de la frontière terrestre après le retrait israélien du Liban en 2000 n’a pas été accomplie, permettant seulement l’installation d’une ligne bleue surveillée par la Finul (Force intérimaire des Nations unies au Liban), sur place depuis 1978, la question des frontières maritimes n’est pas en réalité pas l’apanage de l’État libanais, mais aussi du Hezbollah qui entre sur la ligne en s’appuyant sur son «noyautage» de l’État libanais avec l’étiquette «Patrie, armée et résistance».
Ces derniers mois, le Hezbollah (en «cohabitation» armée avec Israël sous l’égide de la résolution onusienne 1701) s’intéresse de près à cette question et tente de présenter l’extraction de richesses gazières par le Liban comme solution miraculeuse pour sauver le pays effondré (à la place de négociations avec le FMI). En août dernier, le lancement de drones par le Hezbollah près de la zone frontalière disputée, a été interprété comme un «message» pour soutenir le négociateur libanais!
Apparemment, les contacts officiels français avec Israël et le Hezbollah auraient permis de calmer le jeu et permettre la poursuite de la médiation américaine. Mais ceci ne signifie pas l’exclusion de l’hypothèse d’une escalade ou d’une épreuve de force dans le cas de la non-signature de l’accord attendu. Cependant, le besoin mondial de gaz incite toujours à un optimisme prudent.
Le pari européen sur l’alternative du gaz de la Méditerranée orientale
La conclusion d'un accord attendu sur la démarcation de la frontière maritime entre le Liban et Israël pourrait éventuellement conduire à une augmentation des approvisionnements en gaz naturel, ce qui serait une lueur d'espoir pour les pays européens en quête d'indépendance et vis-à-vis de la Russie.
Les gisements de gaz offshore en Méditerranée pourraient devenir l'une des nouvelles sources d'énergie, entre autres, pour de nombreux pays européens énergivores, qui se préparent à leur hiver le plus difficile compte tenu de la raréfaction de l'approvisionnement en gaz russe causée par la guerre en Ukraine.
L'augmentation de la production de gaz du champ disputé de Karish en Méditerranée ne compensera certainement pas la quantité que l'Europe recevait de la Russie, mais les experts en énergie affirment que l'accord israélo-libanais donnera un élan vital aux efforts visant à produire plus de gaz dans ce pays et cette partie du monde.