GENÈVE: L'agence de l'ONU chargée du commerce et du développement a appelé lundi les banques centrales à rapidement desserrer l'étau monétaire afin d'éviter une récession planétaire.
"Nous sommes peut-être au bord d'une récession mondiale provoquée par les politiques" économiques, a déclaré la secrétaire générale de la Cnuced, Rebeca Grynspan, lors de la présentation du principal rapport annuel de cette organisation.
La Cnuced a révisé à la baisse les prévisions de croissance. "La croissance mondiale de 2,5% en 2022 va encore décélérer pour atteindre 2,2 % en 2023", a indiqué Mme Grynspan.
En mars, l'organisation avait déjà ramené sa projection de croissance économique mondiale pour 2022 de 3,6% à 2,6%.
En comparaison, l'OCDE, qui a maintenu sa prévision à 3% pour 2022, a annoncé tabler sur une croissance de 2,2% l'an prochain. Le FMI prévoit en revanche une croissance de 3,2% cette année, et de 2,9% en 2023.
"Il est de tradition qu'un taux de croissance mondial de 2,5% soit considéré comme une récession de croissance", a expliqué Richard Kozul-Wright, directeur de l'équipe en charge du rapport.
Selon la Cnuced, la hausse rapide des taux d'intérêt et le resserrement budgétaire dans les économies avancées, combinés aux crises multiples résultant de la pandémie de Covid et de la guerre en Ukraine, "ont déjà transformé la faible croissance mondiale en un ralentissement marqué".
"Il est encore temps d'éloigner le risque d'une récession", selon Mme Grynspan.
Les banques centrales américaine et européenne tentent de combattre l'inflation ces derniers mois à coup de hausse des taux directeurs, mais les craintes d'une récession provoquée par un resserrement monétaire brutal s'intensifient.
"Croire qu'elles pourront faire baisser les prix en s'appuyant sur des taux d'intérêt plus élevés sans provoquer de récession est (...) un pari imprudent", selon la Cnuced.
L'ombre de la récession plane sur les Etats-Unis, et l'Allemagne devrait être, selon l'OCDE, la première grande économie européenne à basculer en récession l'an prochain.
«Correction de trajectoire»
"La ligne de conduite actuelle nuit aux plus vulnérables, en particulier dans les pays en développement, et risque de faire basculer le monde dans une récession mondiale", affirme Mme Grynspan.
Les politiques monétaire et budgétaire prises par les économies avancées poussent le monde vers une récession mondiale et une stagnation prolongée, "infligeant des dommages pires que ceux de la crise financière de 2008 et du choc du Covid-19 en 2020", met en garde la Cnuced.
L'organisation souligne que l'inflation commence déjà à diminuer dans les économies avancées grâce à l'accord conclu sous l'égide de l'ONU entre l'Ukraine et la Russie sur les exportations de céréales ukrainiennes et réclame une "correction de trajectoire" en faveur de mesures politiques ciblant directement les flambées de prix dans les secteurs de l'énergie, de l'alimentation et d'autres domaines vitaux.
Pour combattre l'inflation, elle préconise une stratégie "plus pragmatique" faisant appel à des contrôles des prix, à des taxes, à des mesures antitrust et à une réglementation plus stricte de la spéculation sur les produits de base.
Le ralentissement de l'activité économique mondiale affecte toutes les régions mais est particulièrement alarmant pour les pays en développement.
Les pays à revenu intermédiaire d'Amérique latine, ainsi que les pays à faible revenu d'Afrique, enregistreront certains des ralentissements les plus marqués cette année. Le rapport note que les pays qui montraient des signes de surendettement avant la crise sanitaire sont parmi les plus touchés (Zambie, Suriname, Sri Lanka), les chocs climatiques menaçant encore plus la stabilité économique de certains pays déjà vulnérables (Pakistan).
Les économistes de l'ONU s'inquiètent également du fait que les flux nets de capitaux vers les pays en développement sont devenus négatifs et que quelques 90 pays en développement ont vu leur monnaie s'affaiblir par rapport au dollar cette année.
Selon les estimations, les pays en développement ont déjà dépensé 379 milliards de dollars de réserves pour défendre leur monnaie cette année.
Globalement, 46 pays en développement sont gravement exposés à des chocs économiques multiples et 48 autres sont sérieusement exposés, ce qui accroît la menace d'une crise mondiale de la dette.