WASHINGTON: La hausse simultanée des taux d'intérêt par les banques centrales afin de lutter contre l'inflation renforce le risque d'une récession mondiale en 2023, a estimé jeudi la Banque mondiale, tout en soutenant la nécessité de juguler cette hausse des prix.
Les taux directeurs des banques centrales dans le monde ont augmenté en moyenne de 2% par rapport à 2021, mais une hausse au moins équivalente pourrait être encore nécessaire afin de ramener l'inflation vers les objectifs envisagés, selon une étude réalisée par l'institution.
Or, une telle hausse risque d'entraîner un nouveau ralentissement de l'activité économique mondiale, souligne la Banque mondiale, avec une croissance de seulement 0,5% en 2023, ce qui correspondrait à une contraction de 0,4% du PIB par habitant.
"La croissance mondiale ralentit fortement et va encore ralentir à mesure que plus de pays entreront en récession. Mon inquiétude est de voir cette tendance persister avec des conséquences de long terme dévastatrices pour les pays émergents et en développement", a déclaré le président de la Banque Mondiale, David Malpass, cité dans un communiqué.
Lors de la publication de ses perspectives économiques mondiales début juin, la Banque mondiale prévoyait encore une croissance mondiale en-dessous de 3% pour 2023 et 2024, du fait des effets de la guerre en Ukraine.
L'évolution de l'environnement géopolitique et la persistance de l'inflation, qui n'est plus seulement provoquée par les prix de l'énergie et de l'alimentation, a d'ores et déjà un impact profond sur l'économie.
"Nous avons globalement revu à la baisse les prévisions de croissance de l'ensemble des pays, à l'exception des pays exportateurs de matières premières. Et nous avons baissé d'un tiers nos prévisions pour l'économie mondiale", a détaillé le chef économiste de l'organisation, Indermit Gill, lors d'une conférence de presse.
L'institution financière internationale appelle cependant les banques centrales à poursuivre leurs efforts pour réduire l'inflation, afin d'éviter les risques socio-économiques si la hausse des prix persiste.
"Il y a six mois, nos craintes concernaient un ralentissement de la reprise et une hausse temporaire des prix. Désormais nous craignons une stagflation généralisée qui réveillerait de bien mauvais souvenirs", a ajouté Indermit Gill pour justifier cette position.
Afin d'en limiter l'effet sur la croissance, la Banque mondiale appelle à une action concertée entre politique monétaire et budgétaire, mais aussi à renforcer les chaînes de logistique et éviter une fragmentation de l'économie mondiale.
M. Malpass appelle enfin les États à mener une politique de l'offre, en renforçant les investissements et améliorant la productivité.
"Cela ne passe pas nécessairement par des incitations ou des dépenses supplémentaires", a souligné M. Gill, "de simples changements de règles, comme une meilleure intégration des femmes au marché du travail, peut améliorer la productivité".
Certains États ne disposent cependant pas nécessairement des marges financières nécessaires : selon le FMI, près du quart des pays émergents et plus de 60% des pays à faible revenus font déjà face à des difficultés de refinancement de leur dette publique.
Depuis le déclenchement du conflit ukrainien, 16 pays ont fait des demandes d'aide au financement, ce qui souligne également les effets du ralentissement économique sur les finances publiques déjà fragilisées par la crise sanitaire.