BEYROUTH : L'ancien ministre des Affaires étrangères du Liban, Gebran Bassil, a déclaré vendredi que les sanctions américaines ne l'effrayaient pas.
« Ni les sanctions m'effraient, ni les promesses me séduisent », a écrit Gebran Bassil dans un message sur Twitter en réaction aux sanctions.
« Je ne me retournerai contre aucun Libanais et je ne sauverai pas ma personne au détriment du Liban. Je me suis habitué à l'injustice et j'ai tiré les leçons de notre histoire », a-t-il ajouté.
Le Trésor américain a imposé vendredi des sanctions à Bassil, un homme politique chrétien, gendre du président libanais Michel Aoun et allié du Hezbollah soutenu par l'Iran, l'accusant de corruption.
Le Département d'Etat américain a annoncé ces sanctions : « Par ses actes de corruption, Bassil a sapé les fondements d'un gouvernement efficace et a contribué au système de corruption et de favoritisme politique qui règne au Liban et qui a aidé et encouragé les activités de déstabilisation du Hezbollah ».
« Les dirigeants politiques libanais devraient comprendre qu'il est grand temps de mettre de côté leurs intérêts personnels et d'œuvrer pour le bien du peuple libanais ».
Depuis que les manifestants sont descendus dans la rue l'année dernière pour protester contre la corruption et la mauvaise gestion de l'État, M. Bassil a été leur cible principale. Certains observateurs suggèrent que les sanctions pourraient en partie servir de message indirect au président de la République Michel Aoun.
Les sanctions imposées à Bassil portent un coup sévère au principal allié chrétien du Hezbollah au Liban. Elles surviennent quelques semaines seulement après les sanctions imposées par les États-Unis aux anciens ministres Youssef Fenianos et Ali Hassan Khalil, ce qui a constitué un message clair aux mouvements Marada et Amal, eux aussi alliés du Hezbollah.
M. Bassil est à la tête du Mouvement patriotique libre, le principal parti politique chrétien du Liban. Fondé par Aoun, il comptait 21 députés avant que deux d'entre eux ne remettent leur démission en août, suite aux protestations renouvelées contre le gouvernement, dans le sillage des explosions du port de Beyrouth.
Soutien à Bassil
Le député maronite Hekmat Dib a souligné que « les sanctions contre Bassil sont à caractère politique. Pour nous, c'est une question interne, et Bassil n'a rien à voir avec le financement du Hezbollah ».
L'ancien ministre du Mouvement patriotique libre, Ghassan Atallah, a tweeté : « S'ils croient qu'en nous infligeant des sanctions, nous compromettrons les richesses de notre pays, une parcelle de nos territoires et notre conviction de tendre la main à n'importe quelle composante du Liban, alors ceux qui imposent des sanctions ne nous connaissent pas bien ».
Les Libanais craignent que les sanctions sur M. Bassil ne fassent obstacle à la formation, longtemps retardée, d'un nouveau gouvernement dirigé par Saad Hariri. D'ailleurs, cela a été le cas lorsque des sanctions ont été imposées à Hassan Khalil et à Youssef Fenianos.
Certains pensent également que les sanctions risquent d'affaiblir la position de Saad Hariri et que Bassil et ses alliés se montreront plus exigeants dans leurs demandes de former un gouvernement de spécialistes plutôt que de politiciens. En attendant, le gouvernement intérimaire, dirigé par Hassane Diab, continue de gérer la crise économique et financière au Liban.
Assad fustigé pour avoir blâmé le Liban
Entre-temps, le président syrien Bachar Assad a lancé une accusation selon laquelle « les milliards de dollars syriens sont bloquées dans les banques libanaises et sont la principale cause de la crise économique qui s'aggrave en Syrie ». Ces propos ont suscité une vague d'indignation au Liban.
Dans un message sur son compte Twitter, l'ancien ministre libanais Richard Kouyoumjian a répondu : « Ton régime a dérobé des centaines de milliards de dollars au peuple libanais pendant la période d'occupation syrienne du Liban. Au fait, permettez à vos compatriotes déplacés de retourner en Syrie, puisqu'ils ont coûté au Liban des dizaines de milliards de dollars et épuisé ses infrastructures".
M. Walid Joumblatt, président du Parti socialiste progressiste (PSP), a affirmé que « il semble qu'après avoir pillé, détruit et poussé à l'exode la plupart des Syriens, profité de la contrebande des produits subventionnés par le Liban, qu'après la destruction du port de Beyrouth où était entreposé le nitrate qu'il a importé pour s'en servir dans des barils explosifs contre son peuple, al-Assad compte achever le système bancaire libanais ».
Dans un communiqué, le PSP a précisé que « l'une des principales raisons de la crise économique grandissante au Liban et de l'épuisement de ses ressources financières publiques n'est autre que les canaux de corruption mis en place par le régime baasiste syrien au Liban, qui ont perduré après le retrait des troupes syriennes ».
Il a ajouté que « les propos d’Assad confirment l’existence d’un plan clair pour frapper le système bancaire libanais, qui a toujours été un refuge sûr et stable pour les frères arabes. Ses déclarations justifient, voire encouragent, la contrebande du Liban vers la Syrie, ainsi que le désir de se procurer les devises étrangères soutenues au Liban ».
Les banques libanaises, qui craignaient des sanctions internationales, ont renoncé à accepter les dépôts des Syriens.
Selon les chiffres fournis par les autorités libanaises, le montant des fonds syriens déposés dans le pays est bien inférieur aux allégations d'Assad. Selon le bulletin mensuel de la Banque du Liban, la banque centrale du Liban, les dépôts bancaires des non-résidents - y compris les Syriens, les ressortissants des pays du Golfe et les immigrés libanais et étrangers - représentent moins de 20 % du total des dépôts.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com