Elizabeth II, Gorbatchev, Godard: le «  vertige » de la disparition de figures iconiques du XXe siècle

"Elizabeth II emporte le XXe siècle dans sa tombe", a commenté le journal français L'Humanité à propos de la doyenne des têtes couronnées d'Europe. (AFP).
"Elizabeth II emporte le XXe siècle dans sa tombe", a commenté le journal français L'Humanité à propos de la doyenne des têtes couronnées d'Europe. (AFP).
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Publié le Lundi 19 septembre 2022

Elizabeth II, Gorbatchev, Godard: le «  vertige » de la disparition de figures iconiques du XXe siècle

  • Des anciennes colonies britanniques à la Russie ou la Chine, où elle fut le premier monarque britannique à avoir mis les pieds, Elizabeth II a parcouru un monde soumis aux soubresauts de l'histoire
  • La symbolique est aussi forte après la mort de Mikhaïl Gorbatchev, qui a changé la face du monde en devenant le fossoyeur involontaire de l'URSS

PARIS: Elizabeth II, Mikhaïl Gorbatchev et Jean-Luc Godard, disparus ces dernières semaines, "ont su naviguer" à travers les bouleversements pour devenir des figures majeures du XXe siècle mais aussi des passeurs vers le XXIe, analysent des experts, qui soulignent aussi le "vertige" et la confusion de l'ère actuelle.

"Elizabeth II emporte le XXe siècle dans sa tombe", a commenté le journal français L'Humanité à propos de la doyenne des têtes couronnées d'Europe. La souveraine du Royaume-Uni s'est éteinte la semaine dernière à 96 ans.

Des anciennes colonies britanniques à la Russie ou la Chine, où elle fut le premier monarque britannique à avoir mis les pieds, Elizabeth II a parcouru un monde soumis aux soubresauts de l'histoire. Elle a traversé la Seconde Guerre mondiale, vu la dissolution de l'Empire britannique et connu 15 Premiers ministres au cours de ses sept décennies de règne.

La symbolique est aussi forte après la mort de Mikhaïl Gorbatchev, qui a changé la face du monde en devenant le fossoyeur involontaire de l'URSS. Le dernier dirigeant de l'Union soviétique est décédé fin août à 91 ans en Russie.

Le Franco-Suisse Jean-Luc Godard, décédé mardi dernier à 91 ans, a lui marqué des générations de cinéphiles avec ses films cultes comme "A bout de souffle", ses innovations formelles qui en ont fait une figure de la Nouvelle Vague, et ses provocations. Il a tourné une cinquantaine de longs-métrages depuis le début des années 1960 et figuré parmi les cinéastes les plus étudiés dans le monde.

Ces dernières années, les disparitions de Nelson Mandela ou de Fidel Castro avaient aussi déclenché des commentaires sur "la fin du XXe siècle". D'autres figures du XXe sont toujours en vie: Jimmy Carter, Ali Khamenei ou le Dalaï Lama, mais aussi certains membres des Rolling Stones ou des Beatles...

Pour Gilles Gressani, directeur de la revue "Le Grand Continent", Elizabeth II, Gorbatchev et Godard sont des "figures absolument centrales et très difficiles à répéter". "Des figures iconiques, politiques, sociales qui croisent les bouleversements de celle qui pourrait être l'histoire chaude, qui se faisait dans des conflictualités et dans de grandes transformations", dit-il à l'AFP.

Selon Thomas Gomart, directeur de l'Institut français des relations internationales (IFRI), "la mort d'Elizabeth II, c'est d'une certaine manière un point final à la Seconde guerre mondiale". "La reine a participé directement à la victoire de 1945 et les Britanniques considèrent que l'Union européenne dans ses prémices, c'est l'alliance des vaincus, que le Royaume-Uni de manière identitaire forte fait partie des vainqueurs de 1945 et que la monarque, jusqu'à sa mort, incarnait cela".

« Annonciateurs »

Mais pour M. Gomart, la disparition de ces trois personnalités ne signifie pas la fin du XXe siècle, qu'il situe plutôt le 11 septembre 2001, lors des attentats d'Al-Qaïda aux Etats-Unis.

"Parce qu'en 2001, trois choses se jouent: la Chine fait son entrée dans l'OMC; le 11 septembre, c'est l'attaque sur les Etats-Unis, sur le territoire américain - sans équivalent depuis Pearl Harbor - non pas par un Etat mais de manière asymétrique, par du jihadisme, et cela a comme principale conséquence de détourner les Etats-Unis de la montée en puissance de la Chine", dit-il à l'AFP.

Surtout, il estime que la reine, Gorbatchev et Godard "sont, de manière différente, des annonciateurs du XXIe siècle", partageant un rapport à l'image très spécifique.

Concernant Elizabeth II, "il y a une modernité et une capacité à réinventer la royauté dans un pays qui fondamentalement connaît le déclin" par son "utilisation politique de l'image qui est à mon sens annonciatrice du XXIe siècle", citant "sa compréhension du rôle de la télévision qui est très précoce avec son couronnement" en 1953, premier événement majeur à avoir été diffusé internationalement à la télévision.

Il relève que Gorbatchev a compris que "le choc d'images entre ce que produisait l'URSS et ce que produisait l'Occident était devenu intenable". "C'est une compréhension qu'un système impérial, étatiste, collectiviste n'était plus adapté à la nature de la compétition internationale et aux aspirations d'une population elle-même destinataire ou recevant des images de l'Occident (...) parce qu'au fond l'URSS s'effondre lorsque les Soviétiques cessent d'y croire, plus que par des coups de boutoir extérieurs".

Il souligne aussi que Godard "a pensé la manière dont l'image est devenue le médium prédominant; il le comprend très puissamment".

« Interrègne »

Pour l'historienne du cinéma Isabelle Marinone, Jean-Luc Godard, "c'est un marqueur dans le temps, et dans le temps de l'histoire du cinéma en particulier". "C'est quelqu'un qui a pensé à la fois les images et l'histoire (...) il a toujours cassé les rythmes, les périodes, dans ses engagements, mais aussi dans la manière de se positionner par rapport à son métier de réalisateur".

"C'est peut-être le seul cinéaste à avoir pensé véritablement l'idée que le cinéma s'opposait à la télévision et qu'il fallait au fond regarder le cinéma comme un vecteur de mémoire, de souvenir, tandis que la télévision n'était là que pour fabriquer de l'oubli", dit-elle à l'AFP.

"Il y a chez Godard cet effet d'éléments qui se superposent notamment dans ses derniers films (...) des jugements de valeur qui vont être en conflit parfois avec des effets de références historiques", analyse-t-elle. "Cet ensemble très riche, mais très confus à certains moments, montre ce début de XXIe siècle: une confusion dans les registres et les genres, où on a des évènements extrêmement graves qui se produisent en même temps que des choses totalement futiles qui sont le lot quotidien de nos vies", citant la publicité ou le "narcissisme" des selfies.

Gilles Gressani souligne qu'"on va devoir se poser la question de quelle est la dimension propre de nos années". "Ce que l'on vit maintenant est un +interrègne+", estime-t-il, "c'est-à-dire cet espace entre deux ères", qui est "un moment de très grandes fractures".

"On sait de façon intime que le monde est en train de changer parce qu'il y a la crise pandémique, la guerre en Ukraine, le terrorisme, les crises économiques, la crise climatique, ça crée un sentiment de vertige et d'angoisse".

Des changements "qui n'ont pas encore produit une organisation claire", note-t-il. "C'est normal que l'on n'ait pas aujourd'hui l'équivalent de ces icônes du XXe siècle, qui le sont devenues parce qu'elles ont su naviguer à travers crises et transformations". Mais "nous pouvons agir dans ces transformations, il ne faut pas se replier dans une période de passivité", interpelle-t-il.

Jean-Luc Godard, l'homme-cinéma
Gorbatchev, un héros tragique
Par Hazem Saghieh -

«Effroi» du Festival de Cannes après la mort d'une photojournaliste palestinienne

La photojournaliste de 25 ans, Fatima Hassouna, est au centre du documentaire "Put your soul on your hand and walk" de la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi. L'Acid (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), l'une des sélections parallèles au Festival de Cannes, avait annoncé mardi 15 avril avoir retenu ce film.  "Le lendemain, (Fatima Hassouna) ainsi que plusieurs membres de sa famille, ont été tués par un missile qui a frappé leur habitation", a rappelé le Festival de Cannes dans une déclaration à l'AFP. (AFP)
La photojournaliste de 25 ans, Fatima Hassouna, est au centre du documentaire "Put your soul on your hand and walk" de la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi. L'Acid (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), l'une des sélections parallèles au Festival de Cannes, avait annoncé mardi 15 avril avoir retenu ce film. "Le lendemain, (Fatima Hassouna) ainsi que plusieurs membres de sa famille, ont été tués par un missile qui a frappé leur habitation", a rappelé le Festival de Cannes dans une déclaration à l'AFP. (AFP)
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  • La photojournaliste de 25 ans, Fatima Hassouna, est au centre du documentaire "Put your soul on your hand and walk" de la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi
  • Elle "s'était donné pour mission de témoigner, par son travail, son engagement et malgré les risques liés à la guerre dans l'enclave palestinienne, de la vie quotidienne des habitants de Gaza en 2025

PARIS: Le Festival de Cannes a exprimé mercredi "son effroi et sa profonde tristesse" après la mort d'une photojournaliste palestinienne, protagoniste d'un film qui doit être présenté cette année sur la Croisette et de plusieurs membres de sa famille, tués par un missile à Gaza.

La photojournaliste de 25 ans, Fatima Hassouna, est au centre du documentaire "Put your soul on your hand and walk" de la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi. L'Acid (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), l'une des sélections parallèles au Festival de Cannes, avait annoncé mardi 15 avril avoir retenu ce film.

"Le lendemain, (Fatima Hassouna) ainsi que plusieurs membres de sa famille, ont été tués par un missile qui a frappé leur habitation", a rappelé le Festival de Cannes dans une déclaration à l'AFP.

Elle "s'était donné pour mission de témoigner, par son travail, son engagement et malgré les risques liés à la guerre dans l'enclave palestinienne, de la vie quotidienne des habitants de Gaza en 2025. (Elle) est l'une des trop nombreuses victimes de la violence qui embrase la région depuis des mois".

"Le Festival de Cannes souhaite exprimer son effroi et sa profonde tristesse face à cette tragédie qui a ému et choqué le monde entier. Si un film est bien peu de chose face à un tel drame, (sa projection à l'Acid à Cannes le 15 mai) sera, en plus du message du film lui-même, une manière d'honorer la mémoire (de la jeune femme), victime comme tant d'autres de la guerre", a-t-il ajouté.

La réalisatrice Sepideh Farsi a rendu hommage jeudi dernier à la jeune femme, qui lui racontait, par appels vidéo, la vie à Gaza. "Je demande justice pour Fatem (ou Fatima, NDLR) et tous les Palestiniens innocents qui ont péri", a-t-elle écrit.

Reporters sans Frontières avait dénoncé sa mort, regrettant que son nom "s'ajoute aux près de 200 journalistes tués en 18 mois".

La guerre a été déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, laquelle a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 58 sont toujours retenues à Gaza, dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne.

Selon le ministère de la Santé du Hamas, 51.266 Palestiniens ont été tués à Gaza depuis le début de la guerre.


La danse des dauphins, vedette des îles Farasan

L'observation des dauphins renforce l'attrait croissant des îles Farasan pour l'écotourisme. (SPA)
L'observation des dauphins renforce l'attrait croissant des îles Farasan pour l'écotourisme. (SPA)
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  • L'observation de 5 espèces de dauphins met en évidence la biodiversité
  • Il est vital de coexister avec la vie marine, déclare un pêcheur local

RIYADH : L'observation de plus de cinq espèces de dauphins a renforcé la réputation des îles Farasan en tant que lieu de visite incontournable pour les amateurs de nature et d'animaux sauvages, a récemment rapporté l'agence de presse saoudienne.

Parmi les espèces observées, les grands dauphins et les dauphins à long bec volent la vedette. Les dauphins à long bec, connus pour leur nature enjouée, s'approchent souvent des croisières de loisir, ravissant les gens par leur charme.

Le pêcheur saoudien Mohammed Fursani, qui navigue dans ces eaux depuis longtemps, y voit un lien plus profond.


Le pianiste Igor Levit va donner un concert de plus de 16 heures à Londres

L'Allemand Igor Levit, qui est à 38 ans l'un des pianistes virtuoses de sa génération, avait déjà fait sensation en jouant "Vexations" dans son studio à Berlin pendant 20 heures d'affilée lors du confinement. L'objectif de cet événement filmé en direct était de lever des fonds pour les musiciens freelance touchés par la pandémie de Covid-19. (AFP)
L'Allemand Igor Levit, qui est à 38 ans l'un des pianistes virtuoses de sa génération, avait déjà fait sensation en jouant "Vexations" dans son studio à Berlin pendant 20 heures d'affilée lors du confinement. L'objectif de cet événement filmé en direct était de lever des fonds pour les musiciens freelance touchés par la pandémie de Covid-19. (AFP)
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  • Le centre Southbank, qui organise le concert, le présente comme "un exploit d'endurance"
  • "Vexations" du compositeur français Erik Satie (1866-1925) est une partition d'une seule page destinée à être jouée 840 fois d'affilée

LONDRES: Le pianiste Igor Levit va donner jeudi et vendredi à Londres un concert unique, prévu pour durer plus de 16 heures, en jouant en solo "Vexations" d'Erik Satie, sous la direction de l'artiste Marina Abramovic, connue pour ses performances radicales.

Le centre Southbank, qui organise le concert, le présente comme "un exploit d'endurance".

"Vexations" du compositeur français Erik Satie (1866-1925) est une partition d'une seule page destinée à être jouée 840 fois d'affilée. Elle se traduit ainsi par une performance durant entre 16 et 20 heures. Habituellement, plusieurs pianistes se succèdent pour jouer ce morceau sans interruption.

L'Allemand Igor Levit, qui est à 38 ans l'un des pianistes virtuoses de sa génération, avait déjà fait sensation en jouant "Vexations" dans son studio à Berlin pendant 20 heures d'affilée lors du confinement. L'objectif de cet événement filmé en direct était de lever des fonds pour les musiciens freelance touchés par la pandémie de Covid-19.

C'est la première fois qu'il va jouer ce morceau en intégralité en public.

Le public va être "témoin (d'un moment) de silence, d'endurance, d'immobilité et de contemplation, où le temps cesse d'exister", a commenté Marina Abramovic, artiste serbe de 78 ans. "Igor interprète +Vexations+ avec des répétitions infinies, mais une variation constante", a-t-elle ajouté.

Le rôle de Marina Abramovic, connue pour ses performances qui poussent les spectateurs dans leurs retranchements, est de "préparer le public à cette expérience unique".

Erik Satie avait lui écrit à propos du morceau à l'adresse des pianistes: "Pour jouer 840 fois de suite ce motif, il sera bon de se préparer au préalable, et dans le plus grand silence, par des immobilités sérieuses".

Dans une interview au quotidien britannique The Guardian, Igor Levit a encouragé son public à "se laisser aller". "C'est juste un espace vide, alors plongez dedans", a-t-il dit.

Les spectateurs pourront assister au concert soit pour une heure soit dans sa totalité. Il commencera jeudi à 10H00 (09H00 GMT).