DJEDDAH: La pression augmente sur le gouvernement turc pour expliquer le sort de plusieurs milliards de dollars levés par une taxe sismique obligatoire que les Turcs paient depuis plus de 20 années. Un tremblement de terre de magnitude 7,0 a frappé Izmir vendredi dernier, tuant au moins 110 personnes.
La taxe a été introduite après un séisme de magnitude 7,4 dans la région de Marmara en 1999 qui a fait 17 000 morts. L'argent récolté est censé être utilisé pour financer des projets de renforcement des bâtiments et préparer les villes à mieux faire face aux tremblements de terre.
Cependant, les experts et les politiciens de l'opposition affirment qu'une grande partie des recettes de la taxe n'a pas été dépensée pour des mesures de protection contre les tremblements de terre, et les demandes de compte fusent de toute part.
Les citoyens turcs ont payé jusqu'à 147,2 milliards de livres turques (17,5 milliards de dollars) en taxes sismiques depuis 1999. Le principal parti d’opposition du pays, le Parti républicain du peuple (CHP), accuse le gouvernement de détourner de plus de 71 milliards de lires qui auraient dû être utilisées pour protéger les villes contre les séismes.
Jeudi, l'éminent journaliste turc Fatih Altayli a déclaré que depuis 2011, une partie de ces impôts a peut-être été dépensée pour s'occuper d'environ 5 millions de réfugiés syriens.
La Turquie a reçu 6 milliards d'euros (7 milliards de dollars) d'aide de l'UE pour aider le pays à faire face aux vagues interminables de migrants et de réfugiés.
Une accusation réitérée par le chef du CHP, Kemal Kilicdaroglu, lors d'un discours parlementaire. En abordant le sujet de ces taxes il a lancé: «Mais lorsque il s’agit de Syriens, il y a toujours beaucoup d'argent».
Alpay Antmen, avocat et politicien du CHP, a déclaré à Arab News: «Cet argent était destiné à la transformation urbaine et pour rendre les habitations dans les zones sismiques plus résistantes. Mais les quelques 70 milliards de lires ont été dépensés à d'autres fins, et le capital a été transféré aux entrepreneurs proches du gouvernement».
Antmen a affirmé avoir soumis une demande parlementaire l'année dernière au ministre du Trésor et des Finances, Berat Albayrak, sur l'utilisation des taxes sismiques. Il a été renvoyé au ministère de l'Intérieur, qui lui a dit qu'il n'avait aucune information sur ce sujet. «Le gouvernement collecte ces impôts auprès des contribuables sous forme de taxes sismiques puis les fusionne dans le budget général», a déclaré Antmen. «Les ressources financières du gouvernement sont épuisées au point où il doit utiliser tous les outils disponibles».
L’AFAD, l’Agence turque de gestion des catastrophes et des situations d’urgence, qui relève du ministère de l’Intérieur, a été sévèrement critiquée pour sa réaction face au séisme d’Izmir. Elle aurait demandé aux gens d’envoyer un SMS s’ils ont besoin de couvertures.
Les allégations de corruption dans l'utilisation des taxes sismiques ne datent pas d’aujourd’hui. En janvier, par exemple, le président Recep Tayyip Erdogan a réagi à ces revendications en disant: « Nous l'avons dépensé là où il est censé être dépensé… nous n'avons pas le temps de rendre des comptes pour des affaires comme celle-ci».
Le CHP appelle maintenant le gouvernement à rendre des comptes en exigeant une transparence totale sur la façon dont ces taxes ont été utilisées. «Lorsque vous dépensez l'argent des contribuables, vous devez justifier ses dépenses», a déclaré Antmen. «Sans quoi la situation est inacceptable. Des dizaines de milliards de dollars ont toutefois été gaspillés pour alléger le fardeau de la dette des entrepreneurs progouvernementaux».
Le CHP a déclaré que si les revenus de la taxe sismique avaient été utilisés correctement, des millions de bâtiments à travers le pays auraient pu être renforcés pour les aider à survivre à de puissants tremblements de terre qui ne manquent pas de frapper la Turquie. Le pays est situé le long de diverses lignes de faille actives.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com