BEYROUTH: L’offre est là, mais les prix sont exorbitants. Lana, jeune professionnelle de 24 ans, est arrivée il y a quatre mois à Beyrouth, capitale du Liban, avec l’ambition de revenir dans son pays après avoir quitté le confort de la Suisse où elle a vécu pendant trois ans. Mais en cherchant un loyer, elle ne savait pas à quoi elle s’attendait.
«Deux mois avant d’arriver au Liban, j’ai commencé à chercher une maison par l'intermédiaire de courtiers. Je voulais trouver un logement au mois d’août, mais c’est la haute saison dans le pays, car c’est la période où les expatriés reviennent. Les zones que j'ai le plus visitées sont Mar Mikhayel et Achrafieh, des quartiers dont les habitants ont été évacués après l’explosion du 4 août 2020», raconte Lana à Arab News en français.
«J'ai visité les maisons des habitants de la région et me suis imaginée à leur place, j’ai vu les conditions dans lesquelles ils vivaient, et personne n’était content. Les habitants me parlaient de la situation de l'électricité et de l'eau dans leurs bâtiments. Les services de base sont à présent considérés comme un luxe dans ce pays. Il était difficile de trouver une maison avec de bonnes conditions de vie, il manque toujours quelque chose –comme de l’électricité 24/24 ou un quartier silencieux», poursuit la jeune professionnelle en gestion de musique.
Alors que les rentrées universitaires et scolaires approchent, le Liban fait face à cette nouvelle crise qu’est l'insécurité du logement. Avec l’explosion des prix en raison de l’afflux des expatriés, il est devenu de plus en plus difficile pour les Libanais résidents, dont les revenus sont en livres libanaises (la monnaie a perdu plus de 90 % de sa valeur en deux ans), de trouver un logement ou de continuer à vivre dans leurs domiciles, alors que les propriétaires demandent de plus en plus le paiement des loyers en dollars. Conséquence de cette instabilité, les prix de l'immobilier et des loyers s'envolent en raison de la forte demande. Mais à quel prix?
«Mon budget était d'environ 700 à 900 euros par mois, ce qui aurait été plus que suffisant pour trouver un logement avec accès aux services de base dans n'importe quel autre pays. Mais l’expérience a montré qu’avec un tel budget, il était possible de trouver le moins pire des appartements, mais pas la meilleure option», explique Lana. Tout n'est pas ce qu'il semble être.
«Lorsque j'ai enfin trouvé un endroit qui semblait convenir, il s'est avéré que le propriétaire n'était pas honnête, et j'ai dû vivre sans électricité ni climatisation pendant un mois. Je n'avais pas non plus d'ascenseur, ce qui était un problème, habitant au 9e étage. Chaque fois que je contactais le propriétaire, il me promettait que les choses s'amélioreraient la semaine suivante. C'est ce qu'on appelle le "Inchallah" libanais. Malheureusement, c'est devenu la mentalité de la plupart des Libanais: ils répètent constamment que "c'est le cas dans tout le pays"», confie-t-elle.
Les Libanais ne peuvent plus compter sur les banques pour contracter des prêts immobiliers. Ce défi est apparu plus récemment dans le sillage de la crise économique, qui a débuté en 2019, lorsque la faillite du pays a commencé. Les prix du carburant, de la nourriture et des matériaux augmentent de jour en jour alors que le taux de change de la monnaie nationale par rapport au dollar ne cesse de baisser. Ceux qui ont des revenus plus importants et une plus grande richesse peuvent se permettre des loyers plus élevés s'ils n'achètent pas, laissant les locataires à faible revenu, dont les jeunes étudiants, se battre pour un nombre insuffisant de locations disponibles.
Ce dilemme des jeunes espoirs du pays
Si Lana a eu la possibilité de trouver un foyer malgré plusieurs incidents, d'autres, qui ne sont pas encore passés dans le monde professionnel, ont moins de chance. De son côté, Élie-Joe, jeune étudiant en master, a fait le choix de rester chez ses parents. Il fait part de sa décision à Arab News en français.
«J’ai longtemps cherché un appartement près de Beyrouth pour être proche de l'université et des lieux de stage. J'habite à deux heures de Beyrouth, et conduire au Liban est un stress que je voulais éviter. Mais lorsque je me suis renseigné sur les endroits où je pouvais vivre, je n'ai pas trouvé de maison qui corresponde à mon budget – et quand c'était le cas, il y avait toujours un problème quelconque qui rendait la vie inconfortable», explique l’étudiant. «Au lieu de dépenser de l'argent pour le loyer, je préfère payer l'essence, malgré son prix instable. Je reste à la maison, où mes parents s'occupent de moi, en partie pour pouvoir payer mes études.»
Comme Élie-Joe, ils sont des centaines et des milliers à chercher des logements, mais tous n’ont pas le choix de pouvoir rester chez eux. Pour bien comprendre les fourchettes de prix des loyers à Beyrouth, Arab news en français a interviewé Marc, un courtier qui gère plus de 50 propriétés dans la capitale. Il explique pourquoi les loyers sont chers en ce moment dans le pays.
«Un appartement meublé qui valait auparavant 2000 euros/mois se loue maintenant pour 1200. Les propriétaires ont donc perdu un grand pourcentage de leurs frais de location. Nous ne pouvons pas nier le fait que 400 euros par exemple est un prix élevé pour la plupart des Libanais. Mais les propriétaires ne peuvent pas survivre autrement», explique l’agent de 25 ans.
«La plupart de nos clients sont des jeunes et des professionnels, venant de différents pays et régions libanaises. Ils cherchent tous à vivre plus près de Beyrouth. Il existe des propriétés meublées allant de 500 euros à 2500 euros par mois. Mais bien sûr, chacun obtient ce pour quoi il paie», poursuit Marc.
En raison des prix du carburant dans le pays et des difficultés à s'en procurer dans certaines régions, la demande est actuellement très élevée pour vivre aux alentours de Beyrouth – ce qui fait que les prix des loyers continuent d’augmenter.
«En tant que propriétaire, et en raison de la situation du pays, nous devons toujours trouver des solutions pour permettre à nos clients d'en avoir pour leur argent. Il faut avoir les bonnes connexions pour continuer à travailler dans le secteur du logement au Liban. Les solutions les plus populaires pour les clients plus riches incluent désormais l'installation de panneaux solaires pour résoudre le problème de l'électricité. Au Liban, tout dépend désormais du budget», note Marc.
Il semble que la location d'une maison au Liban reflète la réalité du système du pays. Certains propriétaires sont à l'image de ce que les politiciens libanais font au pays: ils tardent à fournir les bonnes conditions de vie à leurs locataires, vivent dans leur propre bulle luxueuse – la plupart d'entre eux vivant de la rente de leurs loyers – et feignent que tout va bien.
Alors que la population s'efforce désormais de trouver des solutions durables à ses problèmes de logement juste avant la rentrée des classes, il est difficile de ne pas se demander: à quelle autre crise les Libanais devront-ils faire face? Et jusqu'à quand?