MOSCOU : Isoler la Russie est "impossible" malgré la "fièvre de sanctions" des Occidentaux, a déclaré mercredi son président Vladimir Poutine, saluant le "rôle croissant" de l'Asie vers laquelle Moscou se tourne de plus en plus.
Alors que les Occidentaux veulent plafonner le prix des hydrocarbures russes pour punir Moscou de son offensive en Ukraine, M. Poutine a aussi menacé de ne plus livrer une goutte de gaz et de pétrole si une telle mesure était prise.
Désormais indésirable pour l'Occident depuis le lancement de son intervention en Ukraine le 24 février, Moscou a accéléré un virage vers l'Asie ces derniers mois dans l'espoir d'y trouver de nouveaux marchés et fournisseurs, pour remplacer ceux perdus du fait des sanctions américaines et européennes.
C'est dans ce contexte que M. Poutine a participé mercredi à un forum économique d'une importance stratégique pour la Russie à Vladivostok (Extrême-Orient), en présence de plusieurs hauts responsables asiatiques.
"Peu importe combien certains voudraient isoler la Russie, il est impossible de le faire", a lancé M. Poutine lors d'un discours aux forts accents anti-occidentaux.
Il a notamment salué dans son discours "le rôle croissant" de la région Asie-Pacifique dans les affaires du monde, à l'opposé d'un Occident qu'il a dépeint comme sur le déclin, miné notamment par l'"inflation".
"Des changements irréversibles se sont produits dans tout le système des relations internationales", a-t-il relevé.
Sanctions: Poutine estime que le «pic» des difficultés économiques est «passé»
Le président russe Vladimir Poutine a estimé mercredi que le "pic" des difficultés économiques causées en Russie par les sanctions occidentales, prises à la suite de l'offensive en Ukraine, était "passé", malgré des "problèmes" logistiques dans certains secteurs.
"Nous pensons que le pic de la situation est passé. La situation se normalise", s'est félicité M. Poutine lors d'un forum économique à Vladivostok (Extrême-Orient russe).
Selon lui, "cela se traduit par (une amélioration) des indicateurs macroéconomiques", avec notamment "un taux de chômage au plus bas, à 3,9%" et "une inflation en baisse".
Les prix, déjà en hausse en Russie en raison de la reprise post-pandémie et de la flambée des prix des matières premières, avaient connu un embrasement à la suite de l'imposition de sanctions à la Russie pour l'entrée de ses troupes en Ukraine fin février.
En juillet, l'inflation enregistrée en Russie avait été de 15,1% sur un an, selon l'agence de statistiques Rosstat.
"La hausse des prix représente toujours une certaine menace" car "cela affecte le niveau de vie (des ménages) et l'économie" dans son ensemble, a néanmoins reconnu M. Poutine.
Il a également concédé "des problèmes" liés à l'imposition des sanctions occidentales, "en particulier dans les entreprises qui étaient approvisionnées depuis l'Europe".
Les sanctions ont en effet entraîné d'importantes perturbations logistiques dans certains secteurs, notamment automobile et technologique, qui ne parviennent plus à recevoir les pièces nécessaires pour l'assemblage de leurs produits.
Il a toutefois affirmé que le gouvernement russe "mettait en oeuvre tous (ses) programmes de développement", notamment dans l'Extrême-Orient, région peu peuplée mais proche géographiquement de l'Asie.
"La Russie est peut-être le seul pays capable d'être autosuffisant en ressources naturelles", a-t-il affirmé, au moment où, selon lui, "un à un, les emplois et les entreprises disparaissent en Europe".
«Ni pétrole, ni gaz»
En pleine guerre de l'énergie entre Moscou et les Occidentaux, M. Poutine a menacé de cesser les livraisons en cas de plafonnement des prix des hydrocarbures russes.
Après les pays du G7 appelant à plafonner le prix de vente du pétrole russe, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé de fixer une limite au prix du gaz de Moscou.
Si une telle mesure est prise, "nous ne livrerons rien du tout si c'est contraire à nos intérêts, en l'occurrence économiques. Ni gaz, ni pétrole, ni charbon (...) Rien", a mis en garde M. Poutine.
A couteaux tirés avec les dirigeants européens, M. Poutine a en revanche profité de la venue de responsables asiatiques à Vladivostok pour soigner ses contacts.
Il s'est entretenu avec le chef de la junte birmane Min Aung Hlaing, saluant les relations "positives" entre la Russie et la Birmanie, ainsi qu'avec le Premier ministre de la Mongolie, Luvsannamsrai Oyun-Erdene.
Le président russe devait rencontrer par la suite le chef du Comité permanent de l'Assemblée nationale populaire, Li Zhanshu, troisième plus haut responsable chinois.
Car c'est avec la Chine que la Russie souhaite opérer le rapprochement le plus étroit, à la fois économique et sécuritaire.
En parallèle du forum de Vladivostok, Moscou a ainsi mené ces derniers jours des exercices militaires de grande ampleur dans l'Extrême-Orient russe, en présence de militaires de plusieurs pays alliés, dont la Chine.
«Fièvre des sanctions»
Pékin, de son côté, traverse actuellement une crise diplomatique avec les Etats-Unis, notamment depuis la visite à Taïwan en août de la présidente de la Chambre américaine des représentants, Nancy Pelosi.
S'efforçant de présenter la Russie comme faisant partie d'un front commun face à l'Occident, M. Poutine a estimé que les sanctions visant Moscou étaient une menace pour l'économie mondiale.
La pandémie "a été remplacée par de nouveaux défis d'ordre global, qui menacent le monde entier. Je veux parler de la fièvre de sanctions de l'Occident", a-t-il lancé.
"La majorité absolue des Etats d'Asie-Pacifique n'accepte pas la logique destructrice des sanctions", a affirmé M. Poutine.
Le président russe a dénoncé "le refus obstiné des élites occidentales de voir les faits" et "la domination insaisissable des Etats-Unis" dans la mise en place de lourdes sanctions contre la Russie.
Face à "l'agression technologique, financière et économique de l'Occident", le président russe a dit se réjouir de "l'éloignement petit à petit" de l'économie russe du dollar, de l'euro et de la livre sterling, "des devises pas fiables", vers notamment le yuan chinois.
Mardi, le géant gazier russe Gazprom, entreprise d'Etat, avait annoncé que la Chine payerait dorénavant ses contrats en roubles et en yuans, au lieu du dollar.