LILLE: "Ça fait du bien d'être là": qu'ils viennent "trouver la perle rare", "négocier de bons prix" ou juste "festoyer", des centaines de milliers de "chineurs" ont envahi samedi les rues de Lille pour le grand retour de la braderie, après deux ans d'absence.
07H00, sur "l'axe de la chine", une suite de grands boulevards réservés aux brocanteurs professionnels. Déjà nombreux dans l'aube bleutée, des chineurs équipés de lampes torches croisent des fêtards encore éméchés.
"On a commencé à 04H30. Il a fallu marcher, mais on a trouvé des stands ouverts. La braderie est de retour, on voulait jouer le jeu", s'enthousiasme Joëlle Ridolfi, 51 ans, venue de Tongres en Belgique par "passion de la chine".
Dans le chariot tiré par son mari, leurs "trouvailles": un miroir en forme de soleil et une statuette d'oiseau. Elle "aime ici la diversité des choses proposées. "Un peu cher" mais "il y a des objets spéciaux, qui valent la peine".
Horloges vernies, cheval à bascule élimé, vase Art déco... Partout dans la capitale des Flandres, des antiquités côtoient vêtements, vaisselle, ou jouets à quelques euros. 8.000 exposants, dont 600 professionnels, proposent leur marchandise sur 80 km d'étals, dans un périmètre sécurisé et entièrement vidé de ses voitures.
« Ça manquait vraiment »
Pendant 34 heures, de samedi 8H00 à dimanche 18H00, la ville est transformée en vide-grenier géant. Deux à trois millions de visiteurs sont attendus, après deux annulations successives en raison du Covid-19.
Caddies en main, beaucoup d'acheteurs étrangers se faufilent, comme Esther, 50 ans, "venue dénicher des trucs pour ses deux boutiques aux Pays-Bas".
Muen Van Minh, un Vietnamien de 18 ans, inspecte une table ornée de nacre. Il cherche "de l'art chinois, des objets anciens et rares". Sur le stand voisin, Sally Light, antiquaire londonienne de 32 ans, jette son dévolu sur une peinture abstraite.
"Ça fait du bien d'être là, ça manquait vraiment ! On a accumulé du stock pendant deux ans, on a 30 ou 40% de stock en plus", confie le brocanteur breton Didier Cloarec, 64 ans. "Ici, les ventes sont bien meilleures qu'ailleurs. Mais il y a aussi l'esprit braderie, ce côté festif, le mélange des langues".
Robes, figurines et jeux vidéo: dans les ruelles du Vieux Lille, la marchandise est moins chère. Les cuivres des fanfares se mêlent aux cliquetis des couverts installés par les restaurateurs. Des dizaines de milliers de gourmands y dégustent le traditionnel moules-frites.
« Fête populaire »
"J'ai déjà pris deux frites, aujourd'hui on se lâche", plaisante la maire socialiste Martine Aubry, attablée au stand du PS avec l'ancien ministre Patrick Kanner. Sortie "comme toujours" à 15H00, quand éclatait une courte averse, elle a déambulé sur les stands des associations et de plusieurs partis politiques, dont EELV ou le PCF.
Sans croiser le chef de file des insoumis Jean-Luc Mélenchon, venu prononcer un discours de mobilisation pour la rentrée sociale dans l'après-midi au stand de la Nupes, ni le communiste Fabien Roussel, de passage sur le stand communiste.
"C'est pas un rendez-vous politique ici, c'est le rendez-vous de la fête populaire. Je suis très contente que Jean-Luc vienne", mais "je ne vois pas pourquoi j'irais le voir. Je vais voir les Lillois", a dit Mme Aubry.
La braderie, "tout le monde l'attendait". "Cette rentrée elle est dure. Il y a l'inflation, les inquiétudes avec la guerre (...) Les gens ont besoin de se rencontrer et en plus on est vraiment dans l'air du temps, puisqu'on est le plus grand événement de seconde main, d'économie circulaire", s'est-elle réjouie.
Venue sur les conseils de son compagnon lillois, Isabelle Djama a arpenté "toutes les rues" à la recherche de "bonnes affaires". "Face à l'inflation, on cherche forcément de la qualité à moindre prix", explique-t-elle.
"On vient d'emménager à Lille alors on cherche des meubles, de la déco. Notre appartement est un peu vide, parce qu'on n'a pas un gros budget", renchérit Martial Philau, 20 ans.
"J'achète des babioles à quelques centimes, ou des produits que je ne me permets pas habituellement", confie aussi Sarah Marrer, 24 ans. Et après la chine, place à la fête sur les terrasses ouvertes jusqu'à 02H00 du matin. Voire "toute la nuit" pour certains.