Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs: entre malaise et morosité

Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux médias lors d'une conférence de presse à l'Elysée à Paris le 1er septembre 2022. (Photo, AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux médias lors d'une conférence de presse à l'Elysée à Paris le 1er septembre 2022. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Samedi 03 septembre 2022

Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs: entre malaise et morosité

  • Le contexte international avec ses crises et conflits, auquel est venue s’ajouter l’agression russe en Ukraine, ne prête pas à la joie
  • Les critiques de 2017 faites par Macron et la réforme ont fait perdurer le malaise

PARIS: Retrouvailles après deux années d’interruption imposées par la pandémie de Covid-19: l’occasion devait être festive. Mais en réalité, elle était morose, jeudi dernier au palais de L’Élysée, où le président Emmanuel Macron a inauguré la conférence des ambassadrices et ambassadeurs de France.

Le contexte international avec ses crises et conflits, auquel est venue s’ajouter l’agression russe en Ukraine, ne prête pas à la joie. Sur un autre plan, l’amertume semble toujours d’actualité entre Macron et bon nombre de membres du corps diplomatique français qui ont encore à l’esprit la critique que leur a asséné le président lors de la conférence des ambassadeurs en 2017, soulignant leur manque d’inventivité et de créativité. Ce malaise profond a été exprimé à plusieurs reprises, sous couvert d’anonymat, par les concernés, et relayé par les médias.

La critique de Macron n’était pas cependant que verbale; elle a donné à lieu à une réforme qui a été votée au mois d’avril dernier et qui aboutira à la disparition du traditionnel corps diplomatique du Quai d’Orsay.

Selon les termes de cette réforme, des fonctionnaires issus d’autres ministères ou même des personnes issues du secteur privé pourront être désignés au poste d’ambassadeur. Dans un pays comme la France, doté d’une grande «tradition diplomatique», il n’est pas étonnant que ce corps de métier s’estime être l’objet d’une injustice.

Le président a beau flatter leurs mérites et faire l’éloge de leur travail dans son discours fleuve, d’une durée de deux heures, le ressentiment semble perdurer. Mais, fidèles aux impératifs de leur métier, ils se prêtent respectueusement au jeu, suivant attentivement le président dans son déroulé des contours de la politique étrangère de la France.

Inquiétude, fractures et multiplication des crises

Le discours de cette année est fort marqué par les inquiétudes: «Ces dernières années, l’impensable est arrivé à plusieurs reprises» avec la pandémie de Covid-19  et «le retour  de la guerre sur le sol européen». Sur un ton grave, Macron affirme que «jamais l’ordre mondial n’a été aussi fracturé»; selon lui, «le moment international» vit une «accélération et une multiplication des crises».  

Évoquant une «grande bascule» géopolitique, il affirme que la France doit s’imposer «comme une puissance d’équilibres», à l’heure où l’ordre international «est bousculé par la logique impérialiste» de la Russie.

Cependant et en dépit des critiques, il assure vouloir poursuivre le dialogue avec le président russe, Vladimir Poutine.

«Qui a envie que la Turquie soit la seule puissance du monde qui continue à parler à la Russie?», soutient-il, en affirmant sa volonté de poursuivre son dialogue avec Moscou «en cohérence avec les alliés de la France».

Prônant une politique de non-ingérence, il a insisté sur la position de Paris qui est celle d’«aider l’Ukraine dans le conflit qu’elle subit, sans vouloir participer à la guerre».

La France, selon l’approche de Macron, ne doit pas «s’aligner ou se vassaliser devant quelque puissance que ce soit»; elle doit également s’appuyer sur une Europe «plus forte, plus souveraine».

La non-ingérence s’applique à l’Ukraine mais aussi à la compétition entre les États-Unis et la Chine, tout en continuant à endiguer «les puissances autoritaires et de déséquilibre» dont l’Iran et la Russie, «avec la Chine tapie derrière».

 

Diplomatie de combat

Sur la base de ce constat, le président français appelle à une «diplomatie de combat» axée sur trois piliers: «la force et l’influence», «la paix et la stabilité», et enfin «le renforcement d’un multilatéralisme efficace».

Ainsi donc la consigne est claire: diplomatie de combat que les ambassadrices et ambassadeurs doivent mettre en œuvre «en se montrant plus réactifs sur les réseaux sociaux» et développement d’une «approche plus hybride» de leur action.

Admettant que sa réforme du corps diplomatique a semé le trouble, le président soutient qu’elle permettra toutefois de donner lieu à «une diplomatie plus agile, plus experte, plus forte», signifiant clairement son maintien.

S’adressant à son tour aux ambassadrices et ambassadeurs de France, la ministre des Affaires étrangères et européennes, Catherine Colonna, a repris à son compte les principaux thèmes du discours présidentiel, soulignant la nécessité «d’une diplomatie combative».

Diplomatie menacée?

Mme Colonna sait qu’il lui incombe désormais de mettre en musique la politique étrangère du pays selon les axes et les orientations définis par le président de la République.

C’est à elle également qu’incombe l’organisation des «états généraux, de la diplomatie», idée lancée par Macron pour atténuer l’impact de sa réforme. Dure tâche qu’elle assumera bon gré mal gré, sachant qu’elle est elle-même une diplomate chevronnée, issue du corps diplomatique voué à la disparition.

Entre-temps, la mission de Colonna, celle de l’apaisement, risque d’être compliquée par l’initiative d’un certain nombre d’anciens diplomates, et non des moindres, comme l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin, qui défendent une «diplomatie forte et influente» aujourd’hui menacée, selon eux, par la réforme de Macron.


Mandat d'arrêt de la CPI contre Netanyahu: la France «doit appliquer les règles», estime Braun-Pivet

Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire.  L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI. (AFP)
Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire. L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI. (AFP)
Short Url
  • La Cour pénale internationale, à laquelle Israël n'a pas adhéré et dont les États-Unis se sont retirés, a lancé jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de Benyamin Netanyahu et du chef de la branche armée du Hamas palestinien Mohammed Deif
  • "A partir du moment où la France est signataire, adhérente du statut de Rome et reconnaît la CPI, je pense qu'elle doit appliquer les règles qui en découlent, il n'y a pas de raison d'y déroger", a expliqué Yaël Braun-Pivet sur Sud radio

PARIS: La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Renaissance) a estimé mardi qu'en tant que signataire du statut de la Cour pénale internationale, la France "doit appliquer les règles" et arrêter le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu s'il venait sur le territoire hexagonal.

"A partir du moment où la France est signataire, adhérente du statut de Rome et reconnaît la CPI, je pense qu'elle doit appliquer les règles qui en découlent, il n'y a pas de raison d'y déroger", a expliqué Yaël Braun-Pivet sur Sud radio.

La Cour pénale internationale, à laquelle Israël n'a pas adhéré et dont les États-Unis se sont retirés, a lancé jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de Benyamin Netanyahu et du chef de la branche armée du Hamas palestinien Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

"C'est toute la difficulté de la justice internationale (...), c'est quand même compliqué d'avoir une justice qui n'est pas reconnue par tous", a estimé la présidente de l'Assemblée française, défendant néanmoins "la stricte application du droit".

"En vertu de la séparation des pouvoirs, je n'ai pas d'injonction à faire au gouvernement et au pouvoir exécutif", a-t-elle précisé, "mais, en tout état de cause, il nous faut tirer les conséquences de cette adhésion à la CPI, évidemment".

Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire.

L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI.

A l'inverse, la Hongrie a invité le chef du gouvernement israélien en signe de défiance.


Budget: «pas de catastrophe annoncée» tempère Braun-Pivet face aux menaces de censure

La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré mardi ne pas envisager de "catastrophe annoncée", face aux menaces de censure qui planent sur le projet de budget de l'Etat pour 2025. (AFP)
La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré mardi ne pas envisager de "catastrophe annoncée", face aux menaces de censure qui planent sur le projet de budget de l'Etat pour 2025. (AFP)
Short Url
  • "J'entends tout et souvent n'importe quoi (...) Nos textes sont bien faits, notre Constitution et nos règles sont là, donc pas de catastrophe annoncée, pas de +shutdown+ à l'américaine (...) Il n'y a pas de scénario catastrophe"
  • Outre les oppositions, certains alliés de Michel Barnier font monter la pression pour limiter les hausses d'impôts

PARIS: La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré mardi ne pas envisager de "catastrophe annoncée", face aux menaces de censure qui planent sur le projet de budget de l'Etat pour 2025.

"J'entends tout et souvent n'importe quoi (...) Nos textes sont bien faits, notre Constitution et nos règles sont là, donc pas de catastrophe annoncée, pas de +shutdown+ à l'américaine (...) Il n'y a pas de scénario catastrophe", a déclaré Mme Braun-Pivet, invitée sur Sud Radio.

"Le gouvernement peut présenter au Parlement ce qu'on appelle une loi spéciale pour prélever les impôts à partir du 1er janvier, il peut y avoir reconduction des dépenses par décret pour pouvoir payer les fonctionnaires, les retraités, etc. (...) Je ne veux pas inquiéter nos compatriotes. Nous sommes en responsabilité réelle", a-t-elle ajouté.

Interrogée sur les pressions auxquelles est confronté le Premier ministre Michel Barnier - Marine Le Pen pour l'extrême droite puis Mathilde Panot au nom de la gauche ont fermement maintenu lundi leurs menaces de censure du gouvernement après leurs entretiens avec le locataire de Matignon - Yaël Braun-Pivet considère qu'il s'agit plutôt de "positions politiques".

"Le rôle du Premier ministre, lorsqu'il construit un budget, c'est de prendre en compte les expressions des parlementaires élus de la nation représentant les Français. (...) Il faut faire des choix et c'est justement ça qui lui incombe en tenant compte des opinions et des expressions politiques des uns et des autres".

Face à l'intention du RN de voter la censure si le budget restait "en l'état" selon Marine Le Pen, la présidente de l'Assemblée nationale a rappelé que la motion de censure est "un droit constitutionnel qui appartient aux parlementaires" et appelé à ce que "chacun se mette dans une position constructive pour le bien de notre pays".

Outre les oppositions, certains alliés de Michel Barnier font monter la pression pour limiter les hausses d'impôts.

Le chef des députés macronistes Gabriel Attal, qui était reçu mardi matin avec les autres dirigeants du "socle commun", a redit lundi ses "doutes" à ce sujet mais jugé Marine Le Pen "totalement irresponsable", en marge d'un déplacement dans l'Orne.


France: la menace de la censure s'accroît sur le gouvernement Barnier

Cette vue générale prise à Paris le 2 avril 2024, montre le Sénat français lors d'une session. (AFP)
Cette vue générale prise à Paris le 2 avril 2024, montre le Sénat français lors d'une session. (AFP)
Short Url
  • Formé le 21 septembre à l'issue de plusieurs semaines de crise politique suivant la dissolution inattendue de l'Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron, en juin, l'exécutif se sait bâti sur du sable, étant minoritaire
  • Le Premier ministre n'a visiblement pas davantage convaincu la cheffe de file des députés de la France insoumise

PARIS: Le risque de censure s'est accru lundi sur le gouvernement français: la cheffe de file de l'extrême droite Marine Le Pen et Mathilde Panot au nom de la gauche ont fermement maintenu leurs menaces en ce sens, après des entretiens avec le Premier ministre conservateur Michel Barnier.

Formé le 21 septembre à l'issue de plusieurs semaines de crise politique suivant la dissolution inattendue de l'Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron, en juin, l'exécutif se sait bâti sur du sable, étant minoritaire.

Une censure ne serait pas "le chaos", a souligné Mme Le Pen après avoir été reçue lundi par M. Barnier.

Alors que selon elle le Premier ministre a "campé sur ses positions", elle a affirmé que le RN ne "renoncer(ait) pas à défendre les Français", refusant de céder "à la petite musique (...) consistant à dire si jamais ce budget est refusé, s'il y a une censure, ça va être dramatique, ça va être le chaos".

Le RN est le parti comptant le plus grand nombre d'élus à l'Assemblée (125 sur 577 sièges).

Le Premier ministre n'a visiblement pas davantage convaincu la cheffe de file des députés de la France insoumise (gauche radicale), Mathilde Panot, qu'il a reçue ensuite.

A sa sortie de l'entretien, Mme Panot a appelé "l'ensemble des députés", y compris du RN, à voter la motion de censure. Elle a prévu de la déposer avec ses alliés du Nouveau front populaire (NFP) si le Premier ministre utilisait l'article 49.3 de la Constitution -qui lui permet de faire passer un texte sans vote- pour forcer l'adoption de son budget 2025 décrié.

Mme Panot a "acté des désaccords profonds" avec M. Banier, le budget étant selon elle "le plus violent socialement et écologiquement" de la Ve République.

Alors que la France est lourdement endettée et que le gouvernement veut faire voter de nombreuses économies, la gauche et l'extrême droite, qui s'y opposent, pourraient le faire tomber ensemble.

"Jusqu'à présent, on avait une opposition de style entre la gauche et le RN", observe le politologue du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Olivier Costa. "La gauche souhaitait censurer le gouvernement Barnier dès que possible, l'estimant illégitime, alors que l'extrême droite souhaitait le laisser œuvrer pour s'afficher en parti responsable".

Mais "pour la première fois depuis que Barnier est en poste, il y a un risque réel d'avoir une motion de censure contre lui", souligne-t-il.

- "Mort politique" -

Un raidissement attribué par nombre d'analystes aux ennuis judiciaires de Marine Le Pen, qui à l'instar de son parti est accusée de détournements de fonds publics européens, pour un préjudice de 4,5 millions d'euros.

Les réquisitions ont été lourdes à l'encontre de Mme Le Pen: cinq ans d'emprisonnement, dont deux ferme, 300.000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité avec exécution immédiate, ce qui signifie qu'elle deviendrait inéligible dès le prononcé du verdict, même en cas d'appel.

"C'est ma mort politique qui est réclamée", considère la candidate trois fois malheureuse à la présidentielle française, qu'une condamnation empêcherait de concourir à celle de 2027.

Alors que le RN refuse officiellement de lier une éventuelle censure à ses ennuis judiciaires, le chercheur Olivier Costa voit dans les déclarations à répétition de ses cadres une "stratégie d'agitation" médiatique.

"Si le gouvernement Barnier tombe, plus personne ne se souciera du procès des assistants parlementaires du RN, alors qu'ils sont actuellement sous le feu de la rampe", estime-t-il.

- "Chienlit" -

Le vote de la motion de censure pourrait intervenir dans la deuxième quinzaine de décembre, si le gouvernement a recours à l'article 49.3.

"Est-ce que le RN passera réellement à l'acte? Je ne sais pas", souligne toutefois le politologue Pascal Perrineau, professeur à Sciences Po Paris, interrogé par l'AFP. Car il y aura selon lui "un coût politique" pour ceux qui feront tomber l'exécutif.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", parce qu'"il n'existe aucune majorité alternative au socle qui soutient le gouvernement", a estimé le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot.

La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a elle évoqué le risque d'"un scénario à la grecque" pour la France, la censure du budget pouvant selon elle plonger le pays dans une crise financière.