PARIS : Dans un contexte de "grande bascule" géopolitique, Emmanuel Macron a affirmé jeudi les ambitions diplomatiques de son second mandat pour que la France soit "une nation forte" qui, avec l'Europe, "ne se laisse pas intimider".
Dans un discours de deux heures tenu devant les ambassadeurs français réunis à l'Elysée, le chef de l'Etat a prévenu que "d'immenses travaux" attendaient la diplomatie française.
Se posant une nouvelle fois en diplomate en chef pour les cinq années à venir, après un premier mandat où il a été très actif sur la scène mondiale, M. Macron a dressé un constat sombre.
"Ces dernières années, l'impensable est arrivé à plusieurs reprises" avec notamment les crises de la Covid-19 et de la guerre en Ukraine, a-t-il souligné d'emblée.
Selon lui, la France doit s'imposer comme une "puissance d'équilibres" à l'heure où "l'ordre international est bousculé" par "la logique impérialiste" de la Russie, la volonté de la Chine de "redéfinir les règles du jeu" et "l'affirmation de puissances autoritaires et de déséquilibre".
Toutefois, il a "assumé" de poursuivre le dialogue avec la Russie, une stratégie qui a été critiquée depuis le début de la guerre en Ukraine.
"Qui a envie que la Turquie soit la seule puissance du monde qui continue à parler à la Russie ?", a-t-il lancé, plaidant pour un dialogue avec Moscou "en cohérence avec nos alliés".
Elargissement de l'UE
La France doit s'appuyer sur ses forces mais aussi sur celles de l'Europe, a réitéré le président français.
Il a d'ailleurs "salué" le discours prononcé lundi par le chancelier allemand Olaf Scholz sur l'avenir de l'Union européenne, qui a livré en début de semaine un plaidoyer pour rendre l'UE plus efficace, notamment avec la fin d'un droit de veto, mais aussi en faveur de son élargissement jusqu'à "30 ou 36 membres".
Le chancelier allemand a également appuyé le projet d'Emmanuel Macron de Communauté politique européenne, un nouveau forum ouvert aux pays non-membres de l'UE, qui doit se réunir une première fois en octobre en République Tchèque, présidant actuellement l'UE.
Le chef de l'Etat entend en outre se battre pour que les Européens s'affirment au sein de l'Otan pour ne pas être "simplement des partenaires vassalisés" des Etats-Unis.
Faisant allusion à l'achat d'armements américains par plusieurs pays, comme l'Allemagne, il les a appelés à "une cohérence plus forte": "si chaque État européen dépense davantage, ce n'est pas pour acheter non-européen", a-t-il lancé.
Dans tous les domaines, Emmanuel Macron a demandé aux diplomates français d'adopter "une approche plus hybride" de leur action, en "associant davantage la société civile" et en étant "plus réactifs sur les réseaux sociaux", en particulier en Afrique.
«On subit trop»
Car il s'agit, selon lui, de riposter aux "narratifs russe, chinois ou turc" qui expliquent aux opinions publiques "que la France est un pays qui fait de la néo-colonisation et installe son armée sur leur sol".
"Aujourd'hui on subit trop", a-t-il regretté, alors que la France a notamment été visée par des campagnes de désinformation au Mali, sur fond de tensions diplomatiques entre Paris et Bamako.
La conférence des ambassadeurs, qui n'avait pu se tenir en 2020 et 2021 à cause de la Covid-19, a en outre permis à Emmanuel Macron à défendre sa réforme controversée de la haute fonction publique, à l'origine d'un mouvement de contestation inédit chez les diplomates.
Reconnaissant "le trouble" qu'elle a suscité, il a assuré qu'elle était "bonne pour le Quai d'Orsay" car elle allait rendre la diplomatie française "plus agile, plus experte, plus forte".
Cette réforme prévoit la "mise en extinction" des deux corps historiques de la diplomatie d'ici la fin 2023 et la création d'un nouveau corps de l'Etat. Les hauts fonctionnaires ne seront plus rattachés à une administration spécifique et pourront en changer en cours de carrière.
La ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna doit lancer prochainement des Etats généraux de la diplomatie dans le but d'"enrichir" la réforme.
Emmanuel Macron devrait multiplier les déplacements internationaux d'ici la fin de l'année, en se rendant à New York pour l'Assemblée générale de l'ONU, puis à la COP en Egypte, au G20 en Indonésie...