TUNIS: Avant même la fin de la 8e Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (Ticad), qui s’est déroulée à Tunis du 27 au 28 août 2022, chacun se félicitait de sa réussite, à commencer par le président tunisien, Kaïs Saïed. Ce dernier s’est réjoui que l’édition tunisienne de cette rencontre «ait réussi à cristalliser des conceptions prometteuses et palpables» et «à formuler de précieuses recommandations qui fondent une nouvelle vision commune du partenariat afro-japonais».
Kaïs Saïed peut également se féliciter d’avoir obtenu que la Déclaration de Tunis ait soulevé une question qui lui tient particulièrement à cœur: la récupération de l’argent mal acquis sous le régime Ben Ali par des membres de la famille et de l’entourage de l’ancien président. Elle recommande en effet une «coopération internationale pour renforcer le mécanisme existant de récupération des avoirs volés et pour prendre les mesures nécessaires afin de prévenir ces pratiques illégales qui sapent les efforts de développement durable de l’Afrique».
De même, les Tunisiens ont eu leur part des conventions qui ont pour objet l’étude de la réalisation de projets (1).
Le Japon a également promis à la Tunisie une aide de 100 millions de dollars (1 dollar = 1 euro) qui ne sera débloquée qu’après la conclusion d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), actuellement en négociation.
Toutefois, l’objectif le plus important pour les Tunisiens est loin d’avoir été atteint: faire reconnaître la Tunisie comme une plate-forme des investissements étrangers en général et des investissements japonais en particulier vers l’Afrique subsaharienne. Pour les Japonais, elle doit encore améliorer très sensiblement son environnement des affaires afin de prétendre jouer ce rôle.
D’ailleurs, la Déclaration de Tunis – qui reflète, pour l’essentiel, les attentes et les soucis du Japon – est on ne peut plus claire au sujet de l’investissement japonais en Afrique.
Elle rappelle que «l’investissement du secteur privé est essentiel pour la croissance économique ainsi que pour le développement inclusif et durable de l’Afrique» et «qu’il reste un partenaire essentiel dans ce processus de transformation en Afrique». Par ailleurs, elle réaffirme «l’importance du renforcement de l’environnement commercial pour la promotion des investissements en Afrique» et la nécessité «d’améliorer encore l’environnement des affaires» et de réaliser des «investissements dans des infrastructures de qualité ainsi que des projets de corridors dirigés par l’Afrique dans le cadre du Programme pour le développement des infrastructures en Afrique [Pida]».
Ce message concerne en particulier la Tunisie, dont l’environnement des affaires fait l’objet de nombreuses critiques. C’est ce qu’a rappelé haut et fort aux Tunisiens M. Shinsuke Shimizu, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Japon, la veille de la Ticad 8.
Se plaignant des nombreux problèmes rencontrés par la vingtaine d’entreprises japonaises installées en Tunisie, le diplomate a réclamé l’instauration d’un «dialogue régulier» entre elles et le gouvernement tunisien en vue de parvenir à un «meilleur environnement des affaires».
De son côté, M. Hédi ben Abbes, entrepreneur et président de la Chambre tuniso-japonaise de commerce et d’industrie, a pointé du doigt une anomalie dans les relations tuniso-japonaises: l’absence d’une convention de non-double imposition entre la Tunisie et le Japon. Il a formulé le vœu de voir cette lacune comblée le plus rapidement possible.
(1) Sur les quatre-vingt-douze mémorandums d’entente conclus par les entreprises japonaises lors de Ticad 8, quatre l’ont été avec la partie tunisienne (ministères et entreprises). Ils portent sur la facilitation du partenariat public-privé, sur le développement de l’assurance en Tunisie, sur le dessalement des eaux et sur les énergies renouvelables.