JAZAN: Juste à côté de la frontière sud montagneuse de l’Arabie saoudite avec le Yémen se trouve un village qui propose une marque de café dont l’heure est venue… Avec ses 15 000 caféiers, Aal Qotail, dans le gouvernorat d'Al-Daair de la région de Jazan, est le berceau de Jabaliyah, une entreprise saoudienne dont l’objectif est d’apporter l'humble grain de café khowlani aux consommateurs de produits de luxe du monde entier.
La culture des grains de café khowlani fait depuis longtemps partie du patrimoine de cette région, mais elle n'est devenue une industrie viable que récemment grâce à un double soutien du gouvernement et du secteur privé.
Ali al-Sheneamer, cofondateur de Jabaliyah – la première marque de café d’origine exclusivement saoudienne – a déclaré à Arab News que bien qu'ils ne soient qu'une petite équipe, ils ont des plans pour se développer.
« Nous avons commencé cela il y a quelques années avec Mango Jazan. Nous pensons avoir créé une bonne marque », explique Ali al-Sheneamer, faisant référence à leur entreprise de fruits tropicaux. À présent, l’équipe a jeté son dévolu sur l’abondant potentiel caféier de la région.
« La prochaine étape est d'obtenir Jabaliyah. Et il y a plus à venir de la région de Jazan et d'autres régions d'Arabie saoudite. »
Les grains de café sont cultivés dans les montagnes enveloppées de nuages de Jazan depuis des centaines d’années. Jusqu'à présent, ce n'était qu'une petite industrie agricole au service de la consommation locale. Mais grâce au soutien du gouvernement aux agriculteurs locaux, l’agriculture de la région se développe rapidement.
« Aramco a également mené un excellent programme, éduquant les agriculteurs sur les meilleures méthodes d'irrigation et sur l’amélioration de la qualité de grains. Ainsi, nous avons vu un développement rapide dans la culture des grains de café au cours des cinq à sept dernières années » poursuit Ali al-Sheneamer.
L'équipe de Jabaliyah a parcouru les cultures locales pour obtenir un rendement de qualité supérieure dans lequel investir – un rendement qui générera des bénéfices pour leur marque mais aussi pour les agriculteurs.
« Nous voulions que les agriculteurs créent une meilleure valeur », explique Ali al-Sheneamer. « La plupart d'entre nous sommes des spécialistes du marketing. Nous sommes dans un secteur où si vous vendez un produit, vous en obtenez un retour. Si vous vendez des produits de marque, vous maximisez l’intérêt. Nous voulions donc maximiser l’intérêt des agriculteurs. »
« À ce stade, je ne veux pas aller négocier les prix avec les agriculteurs. Je veux qu'ils aient un bon rendement afin qu'ils puissent investir pour accroître leurs capacités, devenir plus professionnels, employer plus de personnes et améliorer la qualité, afin que cela puisse devenir une industrie importante qui profite à nous tous et à la communauté locale. »
Ali al-Sheneamer lui-même est issu d'une famille d'agriculteurs de la campagne de Jazan: le principe d’offrir aux producteurs un meilleur prix pour leurs produits lui tient donc à cœur.
« La plupart des habitants des villages et des petites villes sont des agriculteurs. Les producteurs de café en particulier sont entre 600 et 700 », explique-t-il.
Même s’il le souhaite, Ali al-Sheneamer ne peut pas acheter à tous les agriculteurs. Mais avec le temps, il veut aider les communautés rurales à s'adapter aux exigences de l'économie moderne, à comprendre le transport et la logistique et à les éloigner des méthodes agricoles traditionnelles.
« J'aspire à travailler avec tous – je ne serai peut-être pas en mesure de le faire – mais au moins avec les 25 à 30 meilleurs agriculteurs au cours des prochaines années, qui fourniraient le pourcentage le plus élevé de la production de grains de café de la région, poursuit-il. Nous voulons non seulement développer Jabaliyah en Arabie saoudite, mais aussi commencer à exporter cette marque dans le monde. »
Selon le ministère de l'Environnement, de l'Eau et de l'Agriculture, le Royaume compte aujourd'hui environ 125 000 caféiers, dont 76 000 produisent des grains. Pour Ali al-Sheneamer, le marché va doubler de volume au cours des deux à trois prochaines années à mesure que davantage d'arbres commenceront à produire.
« Le gouvernement a pour objectif d’augmenter le nombre de caféiers dans la région à 1 million d’ici à 2030. C’est énorme à tous les points de vue. C'est également compliqué, étant donné le terrain difficile à cultiver et la présence des montagnes, d'avoir plus d'espace pour y faire pousser des grains de café, mais cela montre que le gouvernement est déterminé à créer cette industrie et à faire reconnaître ces grains de café saoudiens, les grains de khowlani. »
Ali al-Sheneamer admet qu'il faudra du temps pour que les agriculteurs s'habituent à l'intégration commerciale moderne « pour que celui qui a grandi en voyant son père et son grand-père cultiver devienne un agriculteur plus professionnel, traitant avec des fournisseurs, des distributeurs, de l'argent – certains n’ont même pas d’établissement officiel qui puisse les aider à effectuer des transactions d’entreprise à entreprise (B2B) ».
Mais Jabaliyah s'est engagé à travailler avec les agriculteurs pour les aider à faire la transition, car les bénéfices pour l'entreprise et les communautés rurales pourraient être énormes.
Ali al-Sheneamer a réalisé un miracle similaire avec Mango Jazan. Il y a quelques années, lors d'une visite dans la région, il a remarqué une abondance de manguiers – on en compte aujourd'hui environ 400 000.
« J'ai demandé sur Twitter à la population jazanienne d'envisager de les exporter vers d'autres villes, et cela a été repris par mon partenaire Abdelrahman al-Sahily», raconte-t-il. «En trois jours, ce dernier a créé un site Internet, et les gens ont commencé à passer des commandes. Abdelrahman allait à l'aéroport et expédiait les colis dans différentes villes. C'était un travail effréné. »
Les partenaires ont rapidement pu rationaliser leurs opérations, faisant de Mango Jazan une marque bien connue. « Tout le monde attend la saison des mangues. Et elle a été récemment rachetée, ou une part majoritaire achetée, par une société cotée en bourse pour l'utiliser comme base pour commercialiser d'autres produits locaux, non seulement de Jazan mais de tout le pays », ajoute-t-il.
« C’est pourquoi nous passons maintenant des mangues – saisonnières, c’est-à-dire sur une période de deux ou trois mois – à des grains de café qui dureront toute l’année. Ensuite, nous commencerons à introduire de nouveaux produits au fur et à mesure, qu'il s'agisse de fruits, de miel ou d'autres productions locales de grande valeur et de haute qualité pour lesquels les gens sont prêts à payer et à acheter en ligne plutôt que d'aller dans l’épicerie à côté de chez eux. »
L’agriculture est une industrie en plein essor en Arabie saoudite, et Ali al-Sheneamer est heureux de voir d’autres entrepreneurs suivre l’exemple de Mango Jazan à Al-Bahah et à Al-Jouf.
« Je viens de commander en ligne de l'huile d'olive d'Al-Jouf à travers l'une des start-up qui ont suivi les traces de Mango Jazan. Je pense que les Saoudiens aimeraient aujourd'hui soutenir et encourager ces types d'entreprises pour encourager les agriculteurs locaux. »
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com