PARIS: Place aux décisions concrètes : après les sombres avertissements d'Emmanuel Macron sur l'automne et l'hiver à venir, Elisabeth Borne a annoncé samedi de premières mesures pour répondre aux crises énergétique et climatique, avant de sonner lundi devant le Medef la mobilisation générale en matière d'économies d'énergie.
L'exécutif marche sur des œufs après un été tourmenté par les canicules et la flambée des prix générée par la guerre en Ukraine qui se prolonge.
Lors du Conseil des ministres de rentrée, mercredi, le chef de l'État a planté le décor en adoptant un ton sombre qui tranchait avec l'optimisme cultivé depuis son arrivée à l'Élysée en 2017.
Face à la "série de crises graves" - du conflit en Ukraine au dérèglement climatique -, il a évoqué "la fin de l'abondance" et "la fin de l'insouciance", qui vont rendre nécessaires "des efforts", voire "des sacrifices".
"Il ne s'agit pas de promettre du sang et des larmes, mais c'est important que chacun soit conscient de la gravité du moment", a abondé Elisabeth Borne, samedi, dans Le Parisien.
«Mobilisation générale»
Soucieuse d'afficher un exécutif à la manœuvre, la Première ministre a présenté de premières mesures samedi, dont le déblocage d'un "fonds vert" doté d'1,5 milliard d'euros et destiné aux collectivités locales pour "les aider dans l'accélération de leur transition écologique".
La cheffe du gouvernement a également promis que l'exécutif allait amortir "les hausses" des prix de l'énergie après la fin du bouclier tarifaire en décembre, grâce à des "dispositions spécifiques" pour les "plus fragiles".
"Ce qui se passera en France n'est pas ce qui se passe en Angleterre où le prix de l'énergie augmente d'un seul coup de 80%", a insisté dimanche le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.
Lundi, devant le Medef, Mme Borne doit également appeler les entreprises et les particuliers à la "mobilisation générale" en matière de sobriété énergétique, afin que leur consommation baisse de 10%, avant d'en faire le bilan fin septembre-début octobre.
"Sobriété choisie plutôt que rationnement subi", résume Matignon.
Si Elisabeth Borne ne reviendra pas devant les patrons sur la taxation des "superprofits", à laquelle elle ne ferme pas la porte, elle incitera à nouveau les entrepreneurs à baisser les prix ou à donner du pouvoir d'achat à leurs salariés en utilisant à plein les dispositifs existants. Elle doit également évoquer les réformes envisagées autour de l'assurance chômage.
Le message "est de dire aux entreprises : si vous ne tenez pas votre rôle au service du pouvoir d'achat des Français et des salariés, l'État prendra ses responsabilités" sur les superprofits, a fait valoir dimanche M. Véran.
Poussée par la gauche, qui envisage d'organiser un référendum d'initiative partagée sur la question, la taxation des "superprofits" fait débat au sein de la majorité.
Samedi, Mme Borne a aussi jugé "indispensable" que les "plus favorisés" donnent l'exemple, tels que les propriétaires de jets privés.
«Peur»
Ces dossiers seront également au menu du séminaire de rentrée qui rassemblera mercredi l'ensemble des ministres à l'Élysée.
Sur ce sujet comme sur d'autres, alors qu'il ne dispose pas de majorité absolue à l'Assemblée, Emmanuel Macron espère bâtir un consensus en lançant le 8 septembre le Conseil national de la refondation, une instance déjà controversée qui doit réunir élus, acteurs de terrain et société civile.
Mais les oppositions, qui ont fait leur rentrée ce week-end, doutent de sa capacité à relever ces défis alors que son bilan environnemental est jugé très insuffisant.
"Tout ce qu'il propose est trop timide", dénonce l'écologiste Julien Bayou.
Depuis la Drôme, dimanche, le leader Insoumis Jean-Luc Mélenchon a fustigé le pessimisme de M. Macron : "Nous ne partageons pas cette méthode lamentable qui consiste à jouer sur la peur, car la peur tétanise".
De son côté, la droite s'alarme de l'aggravation de l'état des finances publiques tandis que le Rassemblement national donne la priorité à la défense du pouvoir d'achat.
Dans ce contexte, Élisabeth Borne n'a pas exclu de faire adopter le budget en recourant cet automne à l'article 49.3 de la Constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote, mais engage la responsabilité du gouvernement. Car "les Français ne nous ont pas demandé l'immobilisme", a-t-elle fait valoir.