ORAN : Une montée au sanctuaire chrétien de Santa Cruz, puis une plongée dans l'univers du raï, ponctuée par un bain de foule électrique: à Oran, Emmanuel Macron a croisé plusieurs mondes, témoins du passé colonial et de la vitalité de la deuxième ville d'Algérie.
A la sortie du label de musique raï Disco Maghreb, quelques Oranais se sont attroupés. D'autres filment le président de leur balcon. Le chef de l'Etat s'engouffre dans sa voiture, le cortège s'ébranle, encadré par la sécurité algérienne.
Une rue plus loin, la voiture ralentit, le président descend, serre des mains. "Monsieur Macron", "Monsieur le président", "bonjour", crie la foule qui se presse autour de lui, téléphone portable à la main pour immortaliser le moment, selon des images sur les réseaux sociaux.
"One two three Vive l'Algérie", scande-t-elle dans une ambiance festive. Le président sourit, salue de la main dans la mêlée. Puis l'ambiance s'électrise, la sécurité fait barrage derrière lui. La police algérienne lui demande de remonter dans sa voiture. Il salue une dernière fois la foule de la main.
La matinée avait commencé sur une note plus convenue. Quand le cortège présidentiel arrive au sommet de Santa Cruz, le président français découvre une vue à couper le souffle sur la baie d'Oran.
Un fort militaire de l'époque espagnole surplombe les lieux, devenus ensuite un lieu de pèlerinage durant la colonisation française.
A l'Ascension, les fidèles montaient "par milliers, en partie à genoux" vers la chapelle, dans la "ferveur et la piété méditerranéenne", raconte l'archevêque d'Alger, Jean-Paul Vesco, au président en déambulant dans une église à ciel ouvert.
Mgr Vesco raconte aussi l'attachement des pieds-noirs à ce lieu. "Ca été le point de focalisation des Européens d'Algérie", dit-il. Quand ils sont partis, à l'indépendance en 1962, ils ont reconstruit un sanctuaire de Santa Cruz à Nîmes où ont continué d'affluer, chaque année, les pèlerins.
«Malheureux toujours»
Aujourd'hui, une quarantaine de religieux vivent encore dans le diocèse d'Oran. Deux cents migrants et étudiants espagnols constituent désormais l'essentiel de la communauté chrétienne.
L'une des deux soeurs encore présentes, une petite dame discrète aux cheveux blancs, s'approche du président. Elle lui raconte sa naissance en Algérie, une vie passée dans ce pays, comme soeur et enseignante, et le retour prochain en France, à Nancy. "Vous reviendrez!", lui glisse-t-il en lui prenant la main.
"Je suis née là, j'ai grandi là, ma famille est là depuis 1841. Tout le monde est parti en 1963", dit-elle à l'AFP.
"Ca a été dur pour eux après, avec l'arrivée en France. On leur disait de retourner chez eux. Ici ça s'est très bien passé. Ici je suis chez moi. Maintenant, mes supérieurs me demandent de rentrer", dit-elle avec émotion.
A quelques pas de là, la rade tristement célèbre de Mers-el-Kebir rappelle un autre moment fort de l'histoire de France: l'attaque de la Marine française par la Royal Navy en juillet 1940 pour que les bâtiments ne tombent pas entre les mains de l'Allemagne nazie.
Une heure plus tard, changement de décor: Emmanuel Macron découvre le décor suranné du label de raï Disco Magreb, dans une boutique, où s'entassent des centaines de K7.
Dans une ambiance surchauffée vu l'étroitesse des lieux, le chef de l'Etat, en bras de chemise, verre de thé à la main, s'enquiert des titres sur une cassette de Cheb Hasni. "Il y a un seul titre en français. Malheureux toujours!", s'amuse-t-il, avant de préciser qu'il a encore un "mange-disques et un radio-cassette".
Le lieu est désormais un musée, mais le label continue de dénicher de nouveaux talents. "Ca a marqué les gens de ma génération", se souvient l'écrivain Kamel Daoud, au côté du président.