ADDIS ABEBA: Le Fonds de l'ONU pour l'enfance (Unicef) a condamné samedi la frappe aérienne ayant la veille "touché un jardin d'enfants" dans la région éthiopienne du Tigré, à la frontière sud-est de laquelle les combats semblent s'être intensifiés.
Il s'agit de la première confirmation internationale qu'un jardin d'enfants a été touché, comme l'affirment les autorités rebelles du Tigré, alors que le gouvernement éthiopien a assuré de son côté ne viser que des "cibles militaires".
Samedi, trois jours après la reprise des combats qui ont mis fin à cinq mois de trêve, le gouvernement a accusé les rebelles "d'intensifier leurs attaques" et annoncé se retirer de Kobo, ville de 50.000 habitants située à une quinzaine de km du Tigré et à une centaine de km du site touristique de Lalibella.
Les rebelles ont affirmé "être passés à la contre-offensive" depuis vendredi soir et avoir pris plusieurs localités - dont Kobo - situées dans les régions de l'Amhara et de l'Afar et bordant la pointe sud-est du Tigré, autour de laquelle les combats se sont concentrés jusqu'ici.
Au lendemain d'un raid sur Mekele, capitale du Tigré, l'Unicef a "condamné vigoureusement la frappe aérienne" qui "a touché un jardin d'enfants, tuant plusieurs enfants et en blessant plusieurs", a tweeté la directrice exécutive de l'organisation, Catherine Russell.
"Encore une fois, des enfants ont payé au prix fort une escalade de la violence dans le nord de l'Ethiopie", a-t-elle ajouté, affirmant que le conflit "doit cesser".
Le gouvernement éthiopien n'a pas réagi à ces déclarations onusiennes.
«Positions défensives»
Le commissaire européen chargé de la gestion des crises, Janez Lenarcic, a "condamné" cette frappe "ayant entraîné la mort de civils" et "appelé au respect du droit international humanitaire", ajoutant: "les civils ne sont pas une cible".
La ministre britannique pour l'Afrique, Vicky Ford a rappelé que "toutes les parties doivent respecter le droit international humanitaire et faire de la protection des civils leur priorité".
Un responsable de l'hôpital Ayder, le principal de la ville de Mekele, a affirmé vendredi à l'AFP que son établissement avait reçu quatre morts, dont deux enfants, et neuf blessés.
La télévision officielle du Tigré a fait état de "sept civils dont trois enfants" tués et diffusé des images de ce qui semble être une aire de jeux dévastée et un bâtiment aux murs peints de dessins de couleurs vives endommagé.
Les rebelles affirment qu'un avion a bombardé "une zone résidentielle et un jardin d'enfants", mais le gouvernement éthiopien les a accusés de mise en scène "pour affirmer que l'aviation a attaqué des civils".
Les journalistes n'ont pas accès au nord de l'Ethiopie, rendant impossible toute vérification indépendante. Le réseau mobile et internet y est également aléatoire.
La situation sur le terrain est difficile à apprécier, les zones théâtres de combats étant injoignables samedi.
Le gouvernement a accusé samedi soir les rebelles d'attaquer Kobo de "plusieurs directions". "Afin d'éviter des pertes massives à l'intérieur de la ville lors d'échanges de tirs, les forces de défense ont été contraintes de quitter la ville de Kobo et de prendre des positions défensives à sa périphérie", a-t-il annoncé.
Escalade redoutée
Il a également assuré que si son "offre de paix (...) reste valable, les héroïques forces nationales de défense se coordonnent et répondent avec leur pleine efficacité et la totalité de leurs capacités".
Les rebelles ont eux affirmé samedi soir avoir "repoussé plusieurs attaques ennemies au cours des trois derniers jours et être passés à la contre-offensive (vendredi) soir", assurant "avoir transpercé les défenses de l'ennemi".
La frappe de vendredi a marqué une escalade redoutée par la communauté internationale qui s'inquiète d'une reprise du conflit à grande échelle et de voir annihilés les maigres espoirs de négociations de paix entrevus depuis juin, mais jamais concrétisés.
Dès mercredi, de nombreux pays et organisations internationales, ONU, Etats-Unis et Union européenne en tête, avaient appelé à une cessation des hostilités et à une résolution pacifique du conflit.
Celui-ci a éclaté en novembre 2020 quand le Premier ministre Abiy Ahmed a envoyé l'armée éthiopienne au Tigré pour en déloger l'exécutif de la région, l'accusant d'avoir attaqué des bases militaires sur place après avoir contesté durant des mois l'autorité du gouvernement fédéral.
Après avoir initialement battu en retraite, les rebelles ont reconquis lors d'une contre-offensive mi-2021 l'essentiel du Tigré.
Le bilan de cette guerre meurtrière, marquée par de nombreuses exactions commises par chaque camp, est largement inconnu. Mais elle a déplacé plus de deux millions de personnes et plongé des centaines de milliers d’Ethiopiens dans des conditions proches de la famine, selon l'ONU.