PARIS: Praticien dans un hôpital de la région parisienne, en première ligne depuis janvier pour traiter les patients atteints de formes graves de la Covid-19, un anesthésiste-réanimateur livre chaque semaine, sous couvert d'anonymat, son journal de la crise sanitaire.
« Petit à petit, nous augmentons, à nouveau, nos capacités d'accueil en réanimation. En une semaine, nous avons « gagné » deux paliers de notre protocole d'accueil massif de patients. En d'autres termes, nous avons désormais plus de la moitié des lits de réanimation de l'hôpital qui sont consacrés à des patients Covid.
Nous accueillons en moyenne 2 patients par jour. Cela reste pour l'instant plus calme en termes de flux de patients qu'au pic de la première vague. Et on continue de déprogrammer tout ce qui est déprogrammable. C'est un concept particulier parce qu'on vient rarement à l'hôpital par plaisir… Mais globalement, on ne conserve que la chirurgie urgente ou carcinologique (traitement des cancers, ndlr). Tout le reste, ça attendra.
Ce qui est très inquiétant, ce sont les prévisions pour la mi-novembre et l'annonce qu'on ne cesse de nous faire que cette deuxième vague va être encore plus violente. Je ne vois pas où on va pouvoir mettre tous ces patients. Et cette fois-ci, il n'y aura pas de place en province, en Belgique ou en Allemagne pour accueillir nos malades.
Rythme infernal
On a le matériel. Le personnel, on en manque. Je ne sais pas de quoi Emmanuel Macron parlait quand il évoquait 7 000 personnes supplémentaires pour travailler en réanimation depuis la première vague. Mais on s'adapte. Les règles habituelles de temps de travail des équipes paramédicales sont « assouplies », pour ne pas dire méprisées.
Le moral était déjà bien entamé depuis quelques semaines. L'idée de reprendre un rythme infernal pendant plusieurs semaines ne nous réjouit guère.
Il est trop tôt pour tirer des conclusions sur le profil ou l'âge des patients de cette deuxième vague. Certains confrères parlent de patients plus jeunes, mais ce n'est pas ce que je vois dans mon hôpital. Nous recevons toujours surtout des patients avec des comorbidités (diabète, surpoids, maladie chronique etc.), plus fréquemment des hommes et plutôt des personnes d'âge supérieur à 60-65 ans.
Il y aussi quelques patients, hospitalisés pour autre chose, qui contractent malheureusement la Covid à l'hôpital et qui souvent sont encore dans un état plus grave que les autres.
Ce qui nous redonnera espoir, ce n'est pas la fermeture des restaurants ou le confinement. Ce sera le jour où on aura un traitement ou un vaccin et que les gens accepteront de se faire vacciner. Nous n'y sommes pas encore. »