ALGER: Le président français, Emmanuel Macron, est à Alger dans un contexte marqué par les tensions avec le Maroc et les retombées des effets de la crise ukrainienne.
«L'amitié avec la France n'a jamais été froissée», lance d’emblée Sid Ahmed Kébir, qui enseigne à l'École nationale supérieure des sciences politiques d'Alger (ENSSP).
L’universitaire explique que «c'est une visite très importante pour tous les acteurs économiques français qui œuvrent sur le marché algérien». Il n'est pas besoin, selon lui, «de se creuser les méninges pour comprendre que les discussions tourneront autour de trois sujets principaux: les hydrocarbures, les visas et la question sécuritaire».
Le Pr Kébir explique que, «dans le contexte de la crise énergétique, en Europe et en France notamment, après la baisse très marquée de la production d'électricité nucléaire dans ce pays, le dossier énergétique va évidemment émerger comme une problématique essentielle pour le président français, qui cherche une issue salutaire afin d’envisager un hiver paisible». Le chercheur rappelle que l'opérateur français TotalEnergies, déjà très présent en Algérie, veut rester dans la course face à des concurrents comme l'italien Eni.
Par ailleurs, il précise que, «depuis 2019, les relations algéro-françaises ont connus un léger froid, essentiellement dû aux questions liées à la problématique de l'histoire, que Macron n'a pas hésité à qualifier de “rente mémorielle”». Cela, précise-t-il, «a froissé les officiels algériens, qui n'ont pas tardé à émettre des messages clairs et intransigeants au sujet de leur refus de faire une quelconque concession à propos de ce qui touche à l'histoire».
«La visite est une manière de dire que Paris et Alger connaissent une détente et que les deux pays vont enfin reprendre des relations tout à fait normales sur fond de tensions sciemment entretenues», souligne le Pr Kébir.
En dehors de la question énergétique, certes centrale dans les liens entre les deux pays, le politologue note que les relations commerciales fonctionnent toujours, mais un peu au ralenti, notamment avec la nouvelle stratégie économique adoptée par l’Algérie, qui favorise la limitation des importations afin de réduire la fuite des capitaux, et la priorité accordée par les autorités algériennes aux entreprises qui fabriquent sur place, sur le marché algérien, des produits de grande consommation.
Le Pr Kébir estime que le président Tebboune tient «des propos intéressants sur l’économie algérienne» et qu’il «est animé par une vraie volonté d’ouverture et de diversification». Les opérateurs économiques français vont donc pouvoir discuter et se mettre d’accord sur certains dossiers, eu égard à cette nouvelle donne.
Pour l’universitaire, «cette nouvelle donne n'est autre que l'annonce des facilitations accordées aux investisseurs étrangers dans le cadre de la loi sur l’investissement» . Selon lui, les Français sauront s'adapter une fois qu’ils auront compris que l’ère de l’importation et de l'écoulement des marchandises sur le marché algérien est terminée; il est en effet grand temps, aujourd’hui, d’envisager des partenariats avec des entrepreneurs algériens afin de pouvoir monter des usines de fabrication en Algérie dans tous les domaines d’activité.
Cette visite sera certainement marquée par la problématique de l'octroi des visas. La France a sensiblement réduit ceux qui sont octroyés aux Algériens depuis plusieurs années. Selon Marc Sedille, consul général de France à Alger, en 2019, 272 000 visas ont été délivrés, 340 000 en 2018 et autour de 400 000 en 2017. En 2020, dans un contexte marqué par les effets de la crise sanitaire, seulement 73 000 ont été délivrés, et encore moins en 2021: 63 000.