DUBAI: Mustafa a environ un mois pour retrouver du travail à Dubaï. Sinon ce jeune Pakistanais devra quitter le riche émirat où il vit depuis 2014, à l'instar de nombreux expatriés affectés par les suppressions d'emplois dans le sillage de la Covid-19.
« On sait tous que les Emirats sont un endroit temporaire et, qu'un jour ou l'autre, il faut partir », dit à l'AFP ce graphiste de 30 ans, qui vient de perdre son emploi au sein d'une société de marketing dans l'industrie du sport.
A Dubaï, les étrangers constituent environ 90% de la population de plus de 3,3 millions de personnes. Venant de plus de 200 pays, ils exercent tous les métiers, de l'ouvrier pauvre sur les chantiers de construction au trader fringuant du quartier financier.
Les Emirats, qui ont enregistré officiellement plus que 56.000 cas d'infections au nouveau coronavirus dont 339 décès, ont pris des mesures drastiques de confinement au début de la crise.
Mais avec le ralentissement économique, de nombreux expatriés ont perdu leur emploi et se sont lancés dans une course contre la montre pour en retrouver un. En effet, travailler est une condition sine qua non pour obtenir un permis de séjour, et les étrangers sans emploi ne bénéficient pas des aides sociales de l'Etat.
Mustafa ne se sent « pas très bien » à l'idée de retourner au Pakistan, où il gagnerait « la moitié » de son salaire de Dubaï. Et, le jeune homme s'est aussi habitué à voyager à travers le monde à partir de ce hub aérien qu'est l'émirat.
« Ici, j'ai travaillé avec de grands hôtels, des aéroports, des marques de voitures de luxe, des sports extrêmes », des industries n'ayant qu'une faible importance au Pakistan, raconte-t-il.
Tourisme, restauration, finances, nouvelles technologies et autres services de luxe attirent des millions de travailleurs expatriés. Dubaï, temple du consumérisme mondialisé, pourrait aussi pâtir de leur départ, selon des analystes économiques.
« Je veux vraiment rester »
Avec un trafic aérien mondial fortement réduit, Emirates Airlines, fleuron de Dubaï et compagnie aérienne la plus importante du Moyen-Orient, a suspendu ses activités commerciales fin mars.
Elle reprend peu à peu du service mais poursuit un plan drastique de suppressions d'emplois: elle a déjà réduit son personnel de 10% en raison de la pandémie et prévoit d'en licencier 15% supplémentaires, soit environ 9.000 postes.
Sami, un steward égyptien de 32 ans, n'y a pas échappé. Polyglotte, il a parcouru le monde avec Emirates pendant six ans jusqu'à juin, quand son supérieur l'a convoqué à un « entretien de cinq minutes », en réalité un avis de licenciement.
« Nous étions nombreux, des centaines. Chacun attendant son tour pour les entretiens individuels qui se sont enchaînés toute la journée », raconte-t-il.
Le trentenaire, qui a contracté un prêt bancaire pour acheter son 4X4 et qui s'était habitué « au bon train de vie » de Dubaï, devra retourner auprès de sa famille au Caire « sans projet » en tête.
« Je veux vraiment rester à Dubaï mais il n'y a pas de travail en ce moment », confie-t-il, disant continuer à chercher un poste avec un « salaire décent ».
« Expatriés, pas immigrés »
Le marché de l'emploi dans les pays du Golfe pourrait perdre environ 13%, avec 900.000 postes supprimés aux Emirats, anticipe un rapport d'Oxford Economics.
Selon le centre d'analyse britannique, un exode des expatriés est « probable » et entraînerait une diminution de la population de 4% en Arabie saoudite et à Oman et jusqu'à 10% environ aux Emirats et au Qatar.
Cela pourrait avoir de « graves répercussions » sur des secteurs clés: pénurie de main-d’œuvre dans la restauration et l'hôtellerie, baisse de la consommation, offre excédentaire dans l'immobilier, etc.
En dépit de ces sombres perspectives, le soutien de l'Etat reste réservé aux citoyens et les étrangers sont censés « retourner dans leur pays ou aller dans un autre lorsqu'ils n'ont pas de travail », souligne Scott Livermore, de l'Oxford Economics Middle East, basé à Dubaï et auteur du rapport.
« Il s'agit d'une politique consciemment conçue pour que les étrangers restent des expatriés et ne deviennent pas des immigrés », explique l'économiste, soulignant une « probable accélération » d'une tendance à renforcer la présence des ressortissants nationaux dans le secteur privé.