CHICAGO: Le romancier Salman Rushdie n'est plus sous respirateur artificiel; il peut désormais parler et raconter des blagues, a déclaré l'agent de l’écrivain agressé vendredi dernier par un activiste pro-iranien lors d'une conférence à New York.
Hadi Matar, 24 ans, interpellé pour cette agression, a été inculpé. Les procureurs ont refusé de le libérer sous caution.
Rushdie, qui faisait l'objet d'une fatwa de mort décrétée il y a trente-trois ans par feu l'ayatollah iranien Rouhollah Khomeini, restera à l'hôpital en raison de ses graves blessures, selon Andrew Wylie, l'agent de Salman Rushdie.
Wylie avait précédemment déclaré que Rushdie était «dans un état critique», qu'il «risquait de perdre un œil» et qu'il avait des blessures au bras et au foie.
Néanmoins, la nouvelle de l'amélioration de l'état de santé de Rushdie, âgé de 75 ans, a suscité un certain espoir et a atténué la gravité de cette agression considérée comme une tentative avortée du régime extrémiste iranien, qui est accusé d'encourager le terrorisme à travers le monde.
Le suspect, Hadi Matar, a plaidé non coupable de tentatives de meurtre au second degré et d'agression au second degré. Il a été mis en examen samedi soir à la prison du comté de Chautauqua, à New York.
La libération sous caution de Matar a été refusée. Le procureur a fait valoir que Matar disposait d'un soutien international et qu’il pouvait facilement fuir le pays.
Le procureur du comté de Chautauqua, Jason Schmidt, a souligné devant la juge Marilyn Gerace que la fatwa décrétée par l'Iran en 1989 «est un élément important à prendre en considération lorsque la caution est déterminée; ses propres revenus ne comptent pas, pour moi. […] Nous voyons que l’action à laquelle nous avons assisté hier a bel et bien été justifiée par des groupes et des organisations dont l’importance dépasse largement les frontières juridictionnelles du comté de Chautauqua. […] Ainsi, même si ce tribunal devait fixer une caution d’un million de dollars [1 dollar = 0,98 euro], nous courons le risque que la somme puisse être récoltée.»
Originaire de Fairview, dans le New Jersey, Hadi Matar doit comparaître à nouveau devant le tribunal vendredi. Il est représenté par un avocat commis d'office de New York qui lui a été assigné par le tribunal.
Les voix se sont élevées pour exiger une répression du terrorisme et de la violence liés à l'Iran. Pendant ce temps, la police continue d'enquêter sur les motifs de Matar et sur ses liens éventuels avec des partisans du régime iranien.
La page Facebook et les médias sociaux de Matar affichaient des photos de Khomeini et d'autres dirigeants issus du régime iranien.
«L'agression au couteau contre Salman Rushdie ne peut être considérée comme un acte irréfléchi», affirme Ali Safavi, membre de la Commission des affaires étrangères du Conseil national de la résistance iranienne, qui siège à Paris et qui a fermement condamné l'attaque. «Trente ans auparavant, voire plus, le fondateur de la théocratie iranienne, Rouhollah Khomeini, a émis une fatwa demandant l'assassinat de Salman Rushdie. Son successeur, Ali Khamenei, a entériné cette décision et une prime de 3,5 millions de dollars a été fixée par les institutions étatiques. La leçon à tirer est la suivante: la tolérance se retourne contre nous et encourage le terrorisme.»
L'ancien président américain Bill Clinton a quant à lui écrit sur Twitter: «Salman Rushdie a fait preuve de courage tout au long de sa vie et n'a pas permis aux intimidations de le réduire au silence ou de faire taire ses ouvrages et tout ce qu'il représente. Je pense à lui et je prie pour qu'il se rétablisse.»
Salman Rushdie has lived his life courageously and refused to let intimidation silence him, his art, and what he stands for. I am keeping him in my thoughts and praying for his recovery.
— Bill Clinton (@BillClinton) August 14, 2022
L'ancienne secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a quant à elle publié sur le même réseau social: «Je suis terriblement bouleversée par l'attaque lâche dont a été victime Salman Rushdie et je prie pour son prompt rétablissement. Comme il l'a un jour écrit, “un poète se doit de nommer l'innommable, de désigner les fraudeurs, de choisir son camp, de déclencher des discussions, de façonner le monde et de l'empêcher de sombrer dans le sommeil”.»
I'm horrified by the cowardly attack on Salman Rushdie and praying for his speedy recovery.
— Hillary Clinton (@HillaryClinton) August 13, 2022
As he once wrote: “A poet's work [is] to name the unnamable, to point at frauds, to take sides, start arguments, shape the world, and stop it from going to sleep.”
Le directeur exécutif du comté de Chautauqua, P. J. Wendel, a publié une déclaration dans laquelle il a dit prier pour le rétablissement de Rushdie.
«La petite communauté sereine du comté de Chautauqua a été profondément secouée par un acte de violence qui a eu des répercussions dans l’ensemble du comté et dans l'ouest de l'État de New York. Nous sommes tristes de vivre dans une société où nous ne savons pas accepter les différences des autres, notamment dans un endroit comme notre institution, qui accueille des penseurs et des personnes capables de résoudre des problèmes du monde entier et qui viennent partager leurs histoires», a souligné M. Wendel.
«Je remercie toutes les forces d'urgence et les forces de l'ordre qui ont fait un travail formidable en réagissant à cet événement atroce. C'est grâce à leur réponse rapide qu'ils ont pu apaiser la situation et appréhender l'agresseur présumé.»
L'auteur Stephen King a déclaré sur Twitter que cette attaque l'avait abattu: «J'essaie de me remonter le moral cet après-midi. Je ne parviens pas à chasser de mon esprit l'attentat contre Salman Rushdie.»
I'm horrified by the cowardly attack on Salman Rushdie and praying for his speedy recovery.
— Hillary Clinton (@HillaryClinton) August 13, 2022
As he once wrote: “A poet's work [is] to name the unnamable, to point at frauds, to take sides, start arguments, shape the world, and stop it from going to sleep.”
Le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, a qualifié de «méprisable» le rôle que jouent les institutions étatiques iraniennes en «incitant à la violence contre Rushdie depuis plusieurs générations». Il a ajouté que les médias affiliés à l'État iranien «se sont félicités de la tentative d'assassinat dont il a fait l'objet».
«Au lendemain de cette attaque haineuse, nous nous joignons à ceux qui gardent Salman Rushdie dans leurs pensées, où qu'ils se trouvent dans le pays et dans le monde. Outre son statut de géant de la littérature, Salman Rushdie a sans cesse défendu les droits universels que sont la liberté d'expression, la liberté de religion ou de croyance et la liberté de la presse. Au moment où les forces de l'ordre poursuivent leur enquête sur cet attentat, je pense aux forces vicieuses qui cherchent à saper ces droits, notamment par les discours de haine et l'incitation à la violence qu'ils font circuler», a-t-il déclaré.
«Les États-Unis et leurs partenaires poursuivront sans relâche les efforts qui visent à faire barrage à ces menaces. Ils utiliseront tous les outils dont ils disposent. La force de Rushdie – comme celle de toutes les victimes de ces menaces à travers le monde – nous rend plus résolus et nous rappelle qu'il est impératif de faire front, en tant que communauté internationale, contre les détracteurs de ces droits universels», a-t-il ajouté.
La sénatrice républicaine Marsha Blackburn, qui a violemment critiqué l’actuel président des États-Unis, a orienté le débat vers la politique. Elle a ainsi contesté les efforts déployés par M. Biden pour parvenir à un accord avec l'Iran sur les armes nucléaires.
«L'Iran complote pour assassiner Salman Rushdie depuis 1989 et propose une prime à celui qui s'en chargera. Il a été attaqué hier sur scène. Pendant ce temps, l'administration Biden souhaite mener de nouvelles discussions avec ce régime terroriste et nuisible», a écrit Mme Blackburn sur Twitter.
L’attaque s’est produite alors que Rushdie était sur le point de s’adresser à la Chautauqua Institution, qui est à la fois un centre d’éducation à but non lucratif et une station balnéaire près de Buffalo. Il devait participer à une conférence dont le thème portait sur les États-Unis, «asile pour les écrivains et autres artistes en exil».
Selon la police, Hadi Matar avait obtenu un laissez-passer qui lui permettait d'assister à la conférence organisée dans la communauté fermée de l'institution. Cependant, tout le monde pouvait se procurer un tel laissez-passer.
Iran has been plotting for the death of Salman Rushdie since 1989 and offered a bounty to anyone who assassinates him.
— Sen. Marsha Blackburn (@MarshaBlackburn) August 13, 2022
Yesterday, he was attacked on stage.
Meanwhile, the Biden administration is open to having additional talks with this dangerous, terrorist regime.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.