Inde: le rêve d'hégémonie hindoue empêche les minorités de dormir

Inde: le rêve d'hégémonie hindoue empêche les minorités de dormir
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Publié le Vendredi 12 août 2022

Inde: le rêve d'hégémonie hindoue empêche les minorités de dormir

  • Près de 80% de 1,4 milliard d'habitants de l'Inde sont hindous
  • Ces dernières années, l'extrême droite a accru ses campagnes appelant à faire de l'Inde une nation hindoue et à l'inscrire dans la constitution, pour se protéger des 210 millions de musulmans du pays

VARANASI: Le prêtre hindou Jairam Mishra, qui officie sur les rives du Gange, parle d'une voix douce mais, 75 ans après la naissance de l'Inde, indépendante et laïque, son message est acerbe : "nous devons, désormais, trancher toutes les mains qui s'élèvent contre l'hindouisme".

En 1947, quand l'Inde a obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne, le projet du Mahatma Gandhi, fervent hindou, était d'en faire un État laïque et multiculturel, afin que "chaque homme jouisse de l'égalité de statut, quelle que soit sa religion".

"L'État se doit d'être totalement laïque", prônait Gandhi, assassiné par un fanatique hindou, moins d'un an après.

Jairam Mishra juge cette idée inadéquate aujourd'hui.

"Si quelqu'un vous gifle une joue, Gandhi disait qu'il fallait tendre l'autre", déclare ce brahmane de Varanasi, ville sainte de l'hindouisme, dans l'Uttar Pradesh.

Cet Etat, le plus peuplé de l'Inde, est dirigé par de puissants partisans de l'"Hindutva", projet d'hégémonie hindoue.

"Les hindous hésitent même à tuer un moustique, mais les autres communautés exploitent cet état d'esprit et continueront à nous dominer si nous ne changeons pas", poursuit le religieux.

Près de 80% de 1,4 milliard d'habitants de l'Inde sont hindous.

"Nous devons changer avec l'époque", ajoute-t-il, "nous devons, désormais, trancher toutes les mains qui s'élèvent contre l'hindouisme".

Ces dernières années, l'extrême droite a accru ses campagnes appelant à faire de l'Inde une nation hindoue et à l'inscrire dans la constitution, pour se protéger des 210 millions de musulmans du pays.

Grands chantiers

Ce projet est déjà en oeuvre à en croire la rhétorique du parti nationaliste hindou, Bharatiya Janata Party (BJP), et les grands chantiers hindous qui galvanisent sa base depuis l'arrivée au pouvoir en 2014 du Premier ministre Narendra Modi, leur chef de file.

Comme ce grand temple hindou en construction, dans la ville sainte d'Ayodhya, sur le site d'une mosquée de l'ère moghole, détruite, il y a trente ans, par des fanatiques hindous. Cet événement avait déclenché des émeutes interconfessionnelles dans tout le pays où plus de 1 000 personnes avaient trouvé la mort.

Le BJP patronne l'érection d'une statue à l'effigie du roi Chhatrapati Shivaji, guerrier hindou du XVIIe siècle, haute de 210 mètres, au large de Bombay, d'un coût de 300 millions de dollars.

En décembre dernier, M. Modi a inauguré en grande pompe des travaux autour d'un important temple hindou, dans sa circonscription de Varanasi, avant la retransmission de ses ferventes ablutions dans le Gange, en direct à la télévision.

Il y avait remporté une première victoire, écrasante, aux élections nationales et ses succès dans le développement de cette cité sont reconnus même parmi ses détracteurs.

"Les infrastructures, les routes, les projets de berges et la propreté, tout s'est amélioré", admet Syed Feroz Hussain, musulman de 44 ans, employé d'un hôpital.

"Mais il y a aussi trop de violence et de meurtres liés à la religion et un sentiment constant de tension et de haine" entre les communautés, ajoute-t-il, se disant "très inquiet" pour l'avenir de ses enfants.

«Fracture croissante»

Selon le professeur Harsh V. Pant, du King's College de Londres, l'ascension du BJP a bénéficié des positions du Congrès, parti de Gandhi, qui a dirigé le pays pendant des décennies.

Tout en prêchant la laïcité, le Congrès s'est mis au service des éléments extrémistes des deux grandes religions à des fins électorales, explique-t-il.

Depuis la destruction de la mosquée d'Ayodhya, le BJP a exploité la fibre hindoue désormais "au cœur de la politique indienne", estime M. Pant.

"Tout le monde croit à son discours, y répond, a l'impression que personne d'autre n'a d'idées", ajoute-t-il, "ils sont là pour les deux ou trois prochaines décennies".

C'est du pain béni pour les suprémacistes, à l'instar de l'organisation Vishwa Hindu Parishad.

"Nous sommes une nation hindoue parce que l'identité de l'Inde est hindoue", déclare à l'AFP son leader Surendra Jain.

Selon lui, la laïcité est "une malédiction et une menace pour l'existence de l'Inde".

"Cela ne signifie pas que les autres doivent partir", poursuit-il, "ils peuvent vivre en paix mais le caractère et l'éthique de l'Inde seront toujours hindous".

M. Modi se garde de cette rhétorique polarisante dont il usait quand il dirigeait l'Etat du Gujarat, mais ses détracteurs lui reprochent de laisser les personnalités de son parti tenir des discours incendiaires.

Et ses actes, disent-ils, satisfont amplement les partisans de l'Hindutva.

A 52 ans, Nasir Jamal Khan, gardien d'une mosquée de Varanasi, confie à l'AFP  "ressentir une fracture croissante", alors que ses "ancêtres sont nés" en Inde.

Selon lui, les élus de l'Inde devraient cesser d'invoquer la religion : "je vois le Premier ministre comme un père de famille. Un père ne doit pas traiter ses enfants différemment".


Les ministres du Groupe E3 condamnent les frappes israéliennes à Doha

Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
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  • Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
  • Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas

PARIS: Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ont condamné, dans une déclaration conjointe, les frappes israéliennes ayant visé Doha le 9 septembre. Ils estiment que ces attaques constituent une violation de la souveraineté du Qatar et représentent un risque d’escalade supplémentaire dans la région.

Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza. « Nous appelons toutes les parties à intensifier leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat », ont-ils insisté.

Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas. Ils appellent les parties à « faire preuve de retenue » et à saisir l’opportunité de rétablir la paix.

Les ministres ont réaffirmé que la priorité devait rester la mise en place d’un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et l’acheminement massif d’aide humanitaire à Gaza pour enrayer la famine. Ils demandent l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes dans la ville de Gaza, dénonçant les déplacements massifs de civils, les pertes humaines et la destruction d’infrastructures vitales.

Ils exhortent par ailleurs à garantir aux Nations unies et aux ONG humanitaires un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris dans le Nord.

Enfin, le Groupe E3 a rappelé sa condamnation « sans équivoque » des crimes commis par le Hamas, qualifié de mouvement terroriste, qui doit, selon eux, « libérer immédiatement et sans condition les otages, être désarmé et écarté définitivement de la gouvernance de la bande de Gaza ».


L’ONU adopte une résolution franco-saoudienne pour la paix israélo-palestinienne sans le Hamas

L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
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  • Résolution adoptée par 142 voix pour, 10 contre — dont Israël et les États-Unis
  • Le vote précède un sommet de haut niveau co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre

​​​​​​NEW YORK : L’Assemblée générale des Nations unies a voté massivement vendredi en faveur de l’adoption de la « Déclaration de New York », une résolution visant à relancer la solution à deux États entre Israël et la Palestine, sans impliquer le Hamas.

Le texte a été approuvé par 142 pays, contre 10 votes négatifs — dont Israël et les États-Unis — et 12 abstentions. Il condamne fermement les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, exige le désarmement du groupe, la libération de tous les otages, et appelle à une action internationale collective pour mettre fin à la guerre à Gaza.

Intitulée officiellement « Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États », la résolution a été présentée conjointement par l’Arabie saoudite et la France, avec le soutien préalable de la Ligue arabe et de 17 États membres de l’ONU.

Le texte souligne la nécessité de mettre fin à l’autorité du Hamas à Gaza, avec un transfert des armes à l’Autorité palestinienne, sous supervision internationale, dans le cadre d’une feuille de route vers une paix durable. Celle-ci inclut un cessez-le-feu, la création d’un État palestinien, le désarmement du Hamas, et une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes.

L’ambassadeur de France, Jérôme Bonnafont, qui a présenté la résolution, l’a qualifiée de « feuille de route unique pour concrétiser la solution à deux États », soulignant l’engagement de l’Autorité palestinienne et des pays arabes en faveur de la paix et de la sécurité. Il a aussi insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu immédiat et de la libération des otages.

Ce vote intervient à quelques jours d’un sommet de haut niveau de l’ONU, co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre, où le président Emmanuel Macron s’est engagé à reconnaître officiellement un État palestinien.

La représentante américaine, Morgan Ortagus, s’est vivement opposée à la résolution, la qualifiant de « coup de communication malvenu et malavisé » qui récompenserait le Hamas et nuirait aux efforts diplomatiques authentiques.

Elle a dénoncé la mention du « droit au retour » dans le texte, estimant qu’il menace le caractère juif de l’État d’Israël.

« Cette résolution est un cadeau au Hamas,» a déclaré Mme Ortagus, ajoutant que le désarmement du Hamas et la libération des otages étaient la clé de la fin de la guerre. Elle a exhorté les autres nations à se joindre aux États-Unis pour s'opposer à la déclaration.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Frappes ukrainiennes sur les raffineries et forte demande: en Russie, l'essence devient chère

Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg. (AFP)
Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg. (AFP)
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  • Mercredi, le média Izvestia évoquait des "interruptions d'approvisionnement" dans "plus de dix régions" de Russie, l'un des principaux producteurs de pétrole au monde
  • A Moscou, vitrine de la Russie, pas de pénurie mais une hausse qui a propulsé le litre de sans-plomb 95 à plus de 66 roubles (0,67 euro)

MOSCOU: "Doucement mais sûrement": Oleg fait le plein d'essence à Moscou et vitupère contre la hausse des prix nourrie par une demande accrue et les frappes ukrainiennes contre les infrastructures pétrolières, secteur clé de l'économie russe que les Occidentaux veulent sanctionner.

"Tout le monde l'a remarqué", tonne Oleg, retraité de 62 ans: les prix des carburants vont crescendo à la pompe. Au 1er septembre, l'essence au détail coûtait 6,7% de plus que fin 2024, selon Rosstat, l'agence nationale des statistiques.

Ce renchérissement s'inscrit dans un contexte de hausse générale des prix, avec une inflation annuelle qui a été de 8,14% en août, à l'heure où la Russie intensifie l'offensive qu'elle a lancée en 2022 en Ukraine.

Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg.

Et depuis le début de l'été, les réseaux sociaux sont saturés de vidéos montrant des files d'attente devant les stations-service de l'Extrême-Orient russe, en Crimée - région que la Russie a annexée au détriment de Kiev en 2014 -, et dans certaines régions du sud proches de l'Ukraine, pour cause de pénurie.

Mercredi, le média Izvestia évoquait des "interruptions d'approvisionnement" dans "plus de dix régions" de Russie, l'un des principaux producteurs de pétrole au monde.

Raffineries frappées 

A Moscou, vitrine de la Russie, pas de pénurie mais une hausse qui a propulsé le litre de sans-plomb 95 à plus de 66 roubles (0,67 euro). Ce prix, qui reste bien inférieur à ceux affichés dans de nombreux pays européens, surprend le consommateur russe, habitué à ne pas payer cher l'essence et au revenu moyen moindre.

Artiom, un Moscovite qui ne souhaite pas donner son nom de famille, observe cette augmentation "depuis le début de l'année". "Pour des personnes ordinaires, 300 ou 400 roubles en plus par plein (3 à 4 euros, ndlr), cela commence à être sensible", dit-il.

Sur le site Gazeta.ru, Igor Iouchkov, analyste au Fonds national de sécurité énergétique, met en avant l'augmentation d'"environ 16%" du droit d'accise (impôt indirect) depuis le 1er janvier et la baisse de subsides versés aux compagnies pétrolières.

Car, comme l'explique à l'AFP Sergueï Teriochkine, expert en questions énergétiques, "plus les subventions sont faibles, plus la rentabilité est faible", ce qui pousse les pétroliers à "répercuter" ces pertes sur les prix au détail.

La demande a, elle, été dopée par les départs en vacances et les engins agricoles.

Restent - surtout - les frappes contre les raffineries et dépôts de pétrole que l'Ukraine a multipliées afin de toucher Moscou au portefeuille et d'entraver sa capacité à financer son offensive.

"Les frappes ont ciblé de grandes raffineries dans la partie européenne de la Russie", notamment dans les régions de Samara, Riazan, Volgograd et Rostov, énumère Alexandre Kots, journaliste russe spécialiste des questions militaires, sur Telegram.

"Ce n'est rien!" 

L'une de ces attaques, à la mi-août, a touché la raffinerie de Syzran, dans la région de Samara, selon l'état-major ukrainien. Le complexe se trouve à plus de 800 km de la frontière ukrainienne. Il est présenté par Kiev comme le "plus important du système Rosneft", géant russe des hydrocarbures.

Moscou n'a pas quantifié l'impact de ces frappes, mais dans le journal Kommersant, l'analyste Maxime Diatchenko parle d'une baisse de la production "de près de 10%" depuis le début de l'année.

"C'est rien!", assure Alexandre, un homme d'affaires moscovite, après avoir rempli le réservoir de sa berline allemande. "Une frappe, deux frappes, trois frappes, ça n'est rien pour le marché en général ou pour les prix".

"Le pays a besoin d'argent. L'augmentation du prix de l'essence, c'est une façon d'augmenter le revenu de l'Etat", estime de son côté Vladimir, un Moscovite de 50 ans.

Pour tenter de stabiliser la situation, Moscou a prolongé une interdiction d'"exporter de l’essence pour les automobiles" jusque fin octobre.

La Russie reste par ailleurs un exportateur majeur de pétrole brut, des exportations que les Occidentaux entendent étouffer pour tarir une des principales sources de financement de l'offensive russe en Ukraine, pays qui compte l'Union européenne comme principale alliée.