Tony Ward: «Je rêve de voir la clientèle internationale revenir au Liban»

Tony Ward et son pere Elie Ward à l'atelier de Beyrouth. Photo fournie.
Tony Ward et son pere Elie Ward à l'atelier de Beyrouth. Photo fournie.
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Publié le Lundi 08 août 2022

Tony Ward: «Je rêve de voir la clientèle internationale revenir au Liban»

  • Formé en France auprès des plus prestigieuses maisons de couture, Tony Ward n’oublie ni ses origines ni l’histoire de sa famille, qui se mélangent avec l’histoire moderne de la couture du Liban
  • D’année en année, le succès ne se dément pas, et le nom de Tony Ward est aujourd’hui associé aux plus grands festivals et aux plus prestigieux événements internationaux

Le père, Elie, est un pionnier de la haute couture libanaise. Ayant ouvert sa propre maison de couture en 1952, à l’âge de 16 ans, il habille alors, en plein âge d'or du Liban, le gratin de Beyrouth. Ses tailleurs intemporels peuplent les garde-robes de l’élite libanaise et font la joie de la bourgeoisie du pays.

Fort de cet héritage, Tony Ward, le fils, choisit de marcher sur les pas de son père et présente sa première collection en 1997. Formé en France auprès des plus prestigieuses maisons de couture, il n’oublie ni ses origines ni l’histoire de sa famille, qui se mélangent avec l’histoire moderne de la couture du Liban. Il installe sa boutique et son atelier au cœur de Beyrouth.

La tête pleine de projets et parce que «les inspirations changent, les créations évoluent, mais l’héritage demeure», Tony Ward organise une exposition anniversaire dédiée à son père pour fêter les soixante-dix ans de la maison Élie Ward en même temps que les vingt-cinq ans de la maison Tony Ward, devenue l’une des firmes les plus prestigieuses de la haute couture internationale.
C’est quelques jours après cette exposition, qui se tenait dans l’élégant siège de son atelier beyrouthin et a rencontré un vif succès, que Tony Ward s’est confié à Arab News en français.

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 Tapis rouge à Cannes pour Tony Ward. Photo fournie.

Le sens du détail, la créativité, le goût pour la beauté, Tony souligne qu’il les doit à son père. Le bruit de la machine à couture de ce dernier dans l’atelier familial a bercé son enfance. Déjà, à cette époque, il savait qu’il allait suivre ses traces. «Elie Ward était un pionnier, l’un des piliers de la confection lors de la grande époque beyrouthine», souligne-t-il fièrement. «Connu et reconnu pour la perfection de sa technique tailleur, il a toujours eu le souci de concevoir des vêtements taillés dans les règles de l’art», précise le créateur. «Et c’est aussi pour montrer l’intemporalité des vestes d’Elie Ward que j’ai voulu monter cette exposition. La femme d’aujourd’hui pourrait facilement porter ses vestes en y ajoutant une touche plus contemporaine.»
Et c’est précisément ce que l’on constate dans le documentaire intitulé Forever Forward projeté dans le cadre de l’exposition et réalisé par Zoya Ward Issa el-Khoury, la sœur de Tony, une cinéaste reconnue. Ce film retrace non seulement l’itinéraire historique de la maison Ward, mais il présente également les techniques de couture, exposant les phases d'évolution et de réflexion. On y découvre des vestes brodées signées Elie Ward agrémentées d’accessoires et de pantalons «modernes», mais aussi les coupes plus contemporaines de Tony qui a une prédilection pour les effets visuels.

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Une veste taillée Elie Ward. Fournie.

Réparties sur plusieurs étages, les robes de toutes les époques se succèdent. Des tissus virevoltants à d’autres plus solides – en résine, par exemple –, des robes «futuristes» à d’autres vêtements plus «classiques», tous les styles de la maison sont représentés. Au premier étage, une sculpture nous interpelle: elle retrace, sous la forme d’une frise chronologique, les itinéraires parallèles des deux créateurs. S’agit-il d’un ruban ou d’une pellicule qui évoque le documentaire projeté? Le visiteur peut interpréter cette œuvre à sa guise. Il découvre un peu plus loin une série de tissus dessinés par la maison et produits un peu partout dans le monde. Tony Ward a d’ailleurs longtemps peint lui-même les motifs de certains de ces tissus réalisés en Italie, qui proposent chaque saison à une nouvelle couleur ou un nouveau thème.

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Sharon Stone en Tony Ward. Photo fournie.

Tony Ward aurait pu se contenter de suivre l’école de son père, mais son ambition dépasse les frontières. Ainsi, à 18 ans, il s’envole vers Paris. Sa première expérience, chez Lanvin, est suivie d’une rencontre, celle de Claude Montana, qui contribuera à financer ses études à l’École de la chambre syndicale de la couture parisienne. Le jeune créateur aura alors la chance de vivre des années de formation auprès des plus grands, qu’il s’agisse de Karl Lagerfeld, à cette époque directeur artistique de Chloé, ou encore de Gianfranco Ferré, chez Dior. Ces expériences lui apportent la maturité et le conduisent bientôt à fonder, à Beyrouth, sa maison éponyme. D’année en année, le succès ne se dément pas, et son nom est aujourd’hui associé aux plus grands festivals aux plus prestigieux événements internationaux.
La Maison Tony Ward rayonne ainsi sur les tapis rouges, habillant des stars telles que Sharon Stone ou Beyoncé. La compagnie emploie aujourd’hui cent cinquante-trois salariés; c’est la plus grande productrice de robes de mariées du Moyen-Orient. «Environ mille mariages, dont cinq cents pour les seuls États-Unis chaque année», révèle Tony Ward.
Mais ce dernier garde la tête froide et ne se laisse pas griser par le succès. Le créateur et sa femme, Anna, photographe et partenaire de la maison de couture, forment un couple au grand cœur. En 2020, au plus fort de la crise de Covid-19, ils décident ainsi de transformer leur atelier de couture – à l’arrêt en raison de la pandémie mondiale – et fabriquent de la literie pour l’hôpital gouvernemental de Beyrouth, qui sature de malades. Anna décide également de concevoir des combinaisons de protection réutilisables à destination du personnel soignant.

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Pendant un photoshoot.

Quels conseils Tony Ward donnerait-il aux jeunes qui voudraient se lancer dans le métier? «Il y a une place pour chacun. Il faut savoir s’entraîner, gagner en expérience, commettre des erreurs, et même ne pas hésiter à se casser la figure, apprendre l’humilité et écouter ses clients», répond le créateur. «Apprendre la résilience, aussi», ajoute Tony Ward, qui précise que, au lendemain de l’explosion du port de Beyrouth, alors que son atelier est en bonne partie détruit, il a décidé de poursuivre ses commandes et de rouvrir son atelier «au milieu des débris de verre». Accompagné par sa «formidable équipe», ils sont parvenus, «dans les jours qui ont suivi», «livrer des robes de mariées», raconte-t-il.
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En outre, cet architecte de la matière s’intéresse beaucoup à l’art et la culture. «Je rêve que mon espace puisse exposer des peintres, des sculpteurs et de la culture rock, pourquoi pas?», nous confie-t-il. «Peut-être plus tard, lorsque la situation du Liban sera meilleure, même si cette première exposition constitue un premier pas», ajoute-t-il. À peine cette exposition terminée, il avoue travailler déjà sur de nouveaux projets.
Son plus grand souhait aujourd’hui? «Revoir la clientèle internationale venir au Liban», conclut sans hésiter Tony Ward.


Céline Dion se confie sur sa maladie dans un rare entretien

La chanteuse canadienne Céline Dion remet le prix de l'album de l'année sur scène lors de la 66e cérémonie annuelle des Grammy Awards à la Crypto.com Arena de Los Angeles le 4 février 2024 (Photo, AFP).
La chanteuse canadienne Céline Dion remet le prix de l'album de l'année sur scène lors de la 66e cérémonie annuelle des Grammy Awards à la Crypto.com Arena de Los Angeles le 4 février 2024 (Photo, AFP).
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  • Interrogée sur sa capacité à remonter sur scène, Céline Dion a expliqué ne pas être en mesure de répondre à cette question
  • L'artiste aux plus de 250 millions d'albums vendus a aussi commenté, dans une interview vidéo, de nombreux moments marquants de ses 40 ans de carrière

MONTRÉAL: La chanteuse canadienne Céline Dion, toujours souffrante, s'est confiée sur sa maladie en accordant son premier entretien depuis l'annonce de son diagnostic, au magazine Vogue France dont elle fait la couverture qui sort mercredi.

Diagnostiquée à l'automne 2022 d'une pathologie neurologique rare, le syndrome de la personne raide (SPR), la mégastar québécoise de 56 ans a indiqué suivre cinq jours par semaine une "thérapie athlétique, physique et vocale" durant lesquels elle travaille à la fois le corps et la voix.

"Ça va bien, mais c'est beaucoup de travail. C'est un jour à la fois", a confié la chanteuse dans un long entretien.

"Je n'ai pas combattu la maladie, elle est toujours en moi et pour toujours. On va trouver, je l'espère bien, un miracle, un moyen de la guérir avec les recherches scientifiques, mais je dois apprendre à vivre avec", a déclaré la star.

Interrogée sur sa capacité à remonter sur scène, Céline Dion a expliqué ne pas être en mesure de répondre à cette question.

"Je ne sais pas... Mon corps me le dira", a-t-elle dit dans cet entretien qui s'accompagne de plusieurs photographies de la star habillée pour l'occasion par de grands créateurs français.

L'artiste aux plus de 250 millions d'albums vendus a aussi commenté, dans une interview vidéo, de nombreux moments marquants de ses 40 ans de carrière où on l'entend chanter à plusieurs reprises quelques secondes.

Apparition brève 

Céline Dion a fait une brève apparition surprise début février à la cérémonie des Grammy Awards à Los Angeles, aux Etats-Unis, pour remettre la récompense la plus prestigieuse de la soirée, l'album de l'année, à Taylor Swift.

La star québécoise n'est plus montée sur scène depuis un concert à Newark (États-Unis) en mars 2020. Sa tournée Courage World Tour avait alors été interrompue par la pandémie de Covid-19. Et depuis 2021, elle souffre des manifestations du SPR.

Touchant environ une personne sur un million, ce syndrome entraîne des douleurs aiguës et des difficultés à se mouvoir, empêchant les activités physiquement contraignantes.

Fin janvier, Amazon Prime Video a annoncé la sortie prochaine d'un documentaire sur la chanteuse, "I Am: Céline Dion", dans lequel elle veut "sensibiliser" sur sa maladie.


En Autriche, vente du siècle pour un tableau mystère de Klimt

Un visiteur prend en photo le tableau redécouvert d'une jeune femme « Portrait de Miss Lieser » du peintre autrichien Gustav Klimt, exposé à la maison de vente aux enchères im Kinsky à Vienne, en Autriche (Photo, AFP).
Un visiteur prend en photo le tableau redécouvert d'une jeune femme « Portrait de Miss Lieser » du peintre autrichien Gustav Klimt, exposé à la maison de vente aux enchères im Kinsky à Vienne, en Autriche (Photo, AFP).
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  • Qui est cette jeune Viennoise issue de la haute bourgeoisie fortunée
  • La seule photo du tableau connue à ce jour, probablement prise en 1925 dans le cadre d'une exposition, laisserait entendre qu'il appartenait à Lilly Lieser cette année-là

VIENNE: C'est la vente du siècle en Autriche : le "Portrait de Mademoiselle Lieser" de Gustav Klimt, estimé entre 30 et 50 millions d'euros, est mis aux enchères mercredi à Vienne, malgré les zones d'ombre entourant sa provenance.

L'événement est historique à plus d'un titre, "aucune œuvre comparable" n'ayant jamais été proposée dans le pays natal de l'artiste, selon Claudia Mörth-Gasser, responsable de la section d'art moderne de la maison "im Kinsky".

"Personne ne s'attendait à ce qu'un tableau de cette importance, qui avait disparu depuis cent ans, refasse surface", dit-elle, alors que le précédent record autrichien s'élève à "seulement" 7 millions d'euros pour une peinture flamande vendue en 2010.

Le prix pourrait monter très haut, au vu de la cote actuelle de Klimt dont une toile a été adjugée en juin 2023 à Londres 86 millions d'euros, du jamais vu en Europe.

Ce portrait ressuscité et non signé fait donc sensation. D'autant qu'il est très bien conservé et n'a jamais quitté l'Autriche.

Depuis qu'il a été dévoilé en janvier, on s'est bousculé pour l'admirer lors d'expositions précédant la vente en Suisse, en Allemagne, en Grande-Bretagne, à Hong Kong.

Et bien sûr à domicile dans un magnifique palais baroque au cœur de la capitale, entouré d'esquisses du maître et d'autres œuvres de contemporains comme Egon Schiele, figurant également à la vente qui doit débuter à 17H00 (15H00 GMT).

Helene, Annie ou Margarethe? 

La toile entamée en 1917 et restée inachevée représente une jeune femme brune aux traits précis, ornée d'une grande cape richement décorée de fleurs sur un fond rouge vif.

Le peintre est mort l'année suivante et un mystère, débattu avec fougue dans la presse spécialisée, entoure toujours l'identité du modèle.

Qui est cette jeune Viennoise issue de la haute bourgeoisie fortunée, qui s'est rendue neuf fois à l'atelier du génie adulé de son temps?

Une seule chose est sûre: elle est issue de la famille Lieser, grande dynastie industrielle juive, mécène de l'avant-garde artistique.

Mais est-ce l'une des deux filles prénommées Helene et Annie de Henriette (Lilly) Lieser, richissime divorcée pionnière dans l'émancipation des femmes?

Ou celle de son beau-frère Adolf, Margarethe, comme le clame un premier catalogue complet des œuvres de Klimt, réalisé dans les années 1960?

La seule photo du tableau connue à ce jour, probablement prise en 1925 dans le cadre d'une exposition, laisserait entendre qu'il appartenait à Lilly Lieser cette année-là.

Commerçant nazi 

Selon le quotidien Der Standard, qui se base sur des correspondances archivées dans un musée autrichien, elle aurait pu le confier à un membre de son personnel avant de mourir en déportation fin 1943.

Le tableau réapparaîtrait ensuite chez un commerçant nazi avant que sa fille, puis des parents éloignés en héritent à leur tour.

Mais pour la maison Kinsky, spécialisée dans les procédures de restitution, c'est une "hypothèse parmi d'autres".

Après-guerre, la toile n'a jamais été réclamée au contraire d'autres biens, par l'une des trois descendantes des Lieser qui avaient toutes survécu.

Tenue à la confidentialité, Claudia Mörth-Gasser explique à l'AFP que son employeur a été contacté il y a deux ans pour un avis juridique par ses propriétaires, qui tiennent à rester anonymes.

Im Kinsky en a informé les actuels ayants droit des deux branches Lieser, qui vivent notamment aux Etats-Unis. Certains ont fait le déplacement pour voir la toile, avant de signer un contrat avec les propriétaires, levant ainsi un obstacle à la vente du tableau.

Rien n'a filtré sur les termes de cet accord à l'amiable et des experts émettent des critiques sur une procédure jugée trop rapide, en dépit des incertitudes sur le destin d'une œuvre à la valeur immense.

"Sa provenance n'ayant pu être entièrement clarifiée jusqu'à présent", il aurait fallu prendre le temps d'un examen plus approfondi, estime ainsi dans l'hebdomadaire Profil Monika Mayer, responsable des archives au musée du Belvédère, qui abrite le fameux "Baiser" de Klimt.

D'ailleurs la toile n'a pas été présentée aux Etats-Unis, de peur qu'elle y soit confisquée par la justice en cas de litige, comme c'est la règle pour les œuvres soupçonnées d'être des spoliations.


A Paris, une adaptation théâtrale commémore le génocide rwandais

Un devoir "d'alerte": l'artiste rwandais Dorcy Rugamba et la troupe du Théâtre de la Ville commémorent à Paris le génocide des Tutsi d'il y a 30 ans au Rwanda en présentant les fruits d'un travail commun, mené à Kigali, de réadaptation d'une pièce du dramaturge français Vercors. (AFP).
Un devoir "d'alerte": l'artiste rwandais Dorcy Rugamba et la troupe du Théâtre de la Ville commémorent à Paris le génocide des Tutsi d'il y a 30 ans au Rwanda en présentant les fruits d'un travail commun, mené à Kigali, de réadaptation d'une pièce du dramaturge français Vercors. (AFP).
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  • Pendant plusieurs semaines dans la capitale rwandaise en 2023, les comédiens ont travaillé en ateliers sur "Zoo, ou l'Assassin philanthrope", une fiction écrite en 1963 par Vercors, l'auteur du "Silence de la mer"
  • Ce dernier, en inventant une nouvelle espèce, le "tropi", tente de définir la "limite zoologique entre l’homme et l’animal", selon ses termes

PARIS: Un devoir "d'alerte": l'artiste rwandais Dorcy Rugamba et la troupe du Théâtre de la Ville commémorent à Paris le génocide des Tutsi d'il y a 30 ans au Rwanda en présentant les fruits d'un travail commun, mené à Kigali, de réadaptation d'une pièce du dramaturge français Vercors.

Pendant plusieurs semaines dans la capitale rwandaise en 2023, les comédiens ont travaillé en ateliers sur "Zoo, ou l'Assassin philanthrope", une fiction écrite en 1963 par Vercors, l'auteur du "Silence de la mer" (1902-1991) qui s'inspire des atrocités commises lors de la Deuxième guerre mondiale.

Ce dernier, en inventant une nouvelle espèce, le "tropi", tente de définir la "limite zoologique entre l’homme et l’animal", selon ses termes. S'engage alors une bataille d'experts, entre scientifiques, philosophes et théologiens, intérêts économiques et questions éthiques.

"Notre souhait était de voir comment mettre cette pièce en résonance avec la question du génocide", déclare à l'AFP Dorcy Rugamba, 54 ans qui campe, dans cette adaptation un personnage inventé et au texte ajouté, celui d'une vigie représentant la mémoire de l'humanité.

Le 7 avril 1994, au premier jour du génocide contre la minorité tutsie au Rwanda orchestré par le régime extrémiste hutu au pouvoir (plus de 800.000 morts entre avril et juillet), ses parents et six de ses frères et sœurs sont massacrés dans leur maison à Kigali. Lui, alors étudiant, ne doit sa survie qu'au fait de s'être trouvé à Butare, la deuxième ville du pays.

Selon lui, ce génocide "n’a pas d’autre matrice que l’intériorisation par les indigènes eux-mêmes des morphotypes élaborés par les ethnologues, anthropologues et naturalistes allemands puis belges pour classer en trois catégories la population rwandaise".

Dans ses travaux précédents, l'artiste qui est aussi dramaturge, a abordé le sujet sous d'autres angles: celui de "la justice, au lendemain d'un tel crime", celui du "travail de deuil " ("Rwanda 94", 1999), celui de "la chronologie et de la généalogie" du génocide ("Bloody niggers!", 2007).

« Gigantisme de l'événement »

Le travail autour de Vercors se veut, lui, un point de départ pour pousser la réflexion sur "tous les crimes contre l'humanité". Avec ce devoir de donner un "savoir", pour "permettre aux populations d'être en alerte".

Après les ateliers à Kigali, il a paru "évident" à Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville, "d'inviter et de donner la parole aux artistes rwandais" (deux autres interviennent dans la pièce), confie celui qui a revu sa mise en scène pour l'occasion (la pièce avait été montée en 2021 et 2022 dans d'autres cadres).

"Leur questionnement rejoint notre préoccupation, à savoir 'vers quoi allons-nous ?', depuis les drames passés du XXe siècle, vers d'autres drames qu'on a connus et qui perdurent", ajoute-t-il.

Le 5 mai, la pièce sera filmée et retransmise en direct à Kigali. Avant d'être jouée en novembre "si tout se passe bien", espère Dorcy Rugamba, responsable d'un centre d'art dans la capitale rwandaise.

Ce même jour, il fera aussi une lecture musicale de "Hewa Rwanda. Lettre aux absents" (paru en mars, éd. JC Lattès), un livre qui n'est "pas du tout fait pour raconter des horreurs". "Je ne suis pas le griot des tueurs", prévient-il.

Ce qui est en jeu, selon lui, c'est "le risque que les victimes disparaissent devant le gigantisme de l'événement et ne deviennent que des données numériques". Il s'agit donc de "réhabiliter leur existence"; "dire à mes enfants qui était leur grand-père, qui était leur grand-mère, quelle foi avaient-ils dans la vie ? Quelle est l'éducation qu'ils m'ont donnée ?", énumère l'artiste.

Et dans l'autre sens, "parler aux défunts, leur donner des nouvelles de ceux qui sont là, leur dire 'vous avez une descendance, nous allons bien'".