PODGORICA: Le Monténégro et l'Eglise orthodoxe serbe, la religion majoritaire dans le petit pays des Balkans, ont signé mercredi un accord susceptible de provoquer de nouvelles crises autour de ce sujet clivant qui touche pour certains à l'identité nationale.
L'accord a été paraphé par le Premier ministre monténégrin Dritan Abazovic et le patriarche de l'Eglise orthodoxe serbe Porfirije (SPC) lors d'une cérémonie qui n'avait pas été annoncée alors que des dizaines de protestataires manifestaient leur hostilité au pacte.
Celui-ci prévoit en particulier de réguler la propriété des centaines de monastères et églises de la SPC au Monténégro mais une partie de l'opinion publique considère qu'il ne protège pas assez les intérêts de l'Etat.
Le sujet, très sensible dans le minuscule pays qui borde l'Adriatique devenu indépendant de la Serbie en 2006, est l'une des principales causes de la chute des deux derniers gouvernements.
Un tiers des 620.000 habitants s'identifient comme serbes et certains nationalistes dénient au Monténégro une identité séparée. La SPC est l'institution religieuse dominante au côté d'une Eglise orthodoxe monténégrine très minoritaire et non reconnue par le monde orthodoxe, mais ses adversaires l'accusent de servir les intérêts de Belgrade.
Le Monténégro a déjà conclu des accords « fondamentaux » avec plusieurs religions minoritaires -- catholique, juive et musulmane -- et Dritan Abazovic s'est félicité d'une mesure qui va selon lui réconcilier la société, notamment les éléments pro-Russes, pro-Serbes et pro-occidentaux.
« Le gouvernement est résolu à accorder à toutes les communautés religieuses des droits absolument identiques », a-t-il déclaré. Ceux qui veulent repousser le pacte « souhaitent que ce thème soit une plaie ouverte au Monténégro pour les 10, 15 années à venir ».
Mais le Parti démocratique des socialistes (DPS) du président monténégrin Milo Djukanovic, au pouvoir pendant trois décennies avant de perdre les législatives de 2020, critique un accord jugé trop favorable à l'Eglise et « contraire à la Constitution » du pays candidat à l'UE membre de l'Otan.
Milo Djukanovic, l'architecte de l'indépendance du Monténégro, se heurte depuis longtemps à la puissante Eglise orthodoxe serbe et son parti a annoncé qu'il tenterait de faire chuter le gouvernement minoritaire de Dritan Abazovic qu'il soutenait jusqu'à présent.
Le gouvernement est constitué principalement de formations pro-occidentales mais aussi d'un petit parti pro-serbe.
La question religieuse et identitaire est si sensible que le nouveau patriarche de la branche monténégrine de la SPC avait dû être héliporté pour être intronisé en septembre dernier afin d'éviter les barricades dressées par des manifestants hostiles se qualifiant de « patriotes monténégrins ».