PARIS: Face aux 89 députés RN et leur stratégie de respectabilité, les autres groupes parlementaires cherchent la bonne formule pour réaffirmer le clivage avec l'extrême droite à l'Assemblée.
Formant le premier groupe d'opposition, les troupes de Marine Le Pen, très mobilisées dans l'hémicycle, ont alterné entre opposition totale au projet de loi sanitaire face à la Covid et soutien à certaines mesures du paquet pouvoir d'achat.
"Pour l'instant, ils sont restés très calmes dans leurs intentions et leur expression. Et c'est ça le vrai danger, qu'on ait une totale banalisation", estime la cheffe de file des députés LREM Aurore Bergé.
"Au-delà du fait qu'ils portent une cravate et pas les autres, ils ne sont pas devenus fréquentables", juge-t-elle, en affirmant que "l'attitude vindicative" des Insoumis dans l'hémicycle profite au RN "par effet de contraste".
Par rapport aux députés RN, LFI assume de son côté une stratégie plus conflictuelle, en rejetant en bloc les premiers textes.
"Qu'une course de vitesse soit engagée (entre RN et LFI) pour être la meilleure incarnation d'une alternative (à Emmanuel Macron), c'est une évidence", considère un proche de Jean-Luc Mélenchon.
Un député socialiste ne cache pas son inquiétude. "Ce qui est en train de se construire, c'est l'arrivée du RN au pouvoir (...) C'est dur d'être pauvre dans un pays riche, c'est un vrai sujet. Le Pen parle à ces gens-là. Mélenchon manifestement moins bien".
«Ostraciser»
Les différents groupes politiques s'astreignent jusqu'ici à ne jamais soutenir les amendements portés par le RN, quitte à en déposer parfois des similaires - du "sectarisme" selon les élus d'extrême droite.
Privé de majorité absolue, l'exécutif se dit prêt à négocier des "compromis" avec tous les groupes de "l'arc républicain", dont il exclut le RN comme LFI.
La gauche reproche de son côté à la majorité une "compromission avec l'extrême droite" pour avoir laissé au RN deux postes de vice-présidents à l'Assemblée, en votant pour leurs candidats lors de l'attribution des postes clés fin juin.
"Si on leur donne du pouvoir, ils le gardent. On les trouvera moins sympathiques" après, prévient un socialiste.
Un macroniste balaie cette polémique sur les vice-présidences. "Ils y avaient droit" avec 89 élus, et "ostraciser le RN, ca n'a jamais marché".
Aurore Bergé (LREM) veut "aller chercher" le Rassemblement national sur le fond. Elle évoque sa proposition de constitutionalisation de l'interruption volontaire de grossesse et pointe des propos passés de certains députés RN comparant l'avortement à un "génocide". "Nous n'avons jamais remis en cause l'accès à l'IVG", avait tenté de déminer Marine Le Pen fin juin.
Dans l'ensemble, "Le Pen sort du lot, par contre, ses troupes sont très faibles", estime un ministre, même si le "RN est très uni et puissant en termes d'organisation".
Côté droit, les députés LR sont conscients du risque d'être "coincés entre le marteau et l'enclume", RN et Emmmanuel Macron, relève Philippe Gosselin.
"Mais on a arraché énormément de choses sur la remise carburant, sur le fioul", quand le Rassemblement national est dans "l'ambiguïté" et "l'opportunisme" avec un vote pour le premier volet pouvoir d'achat, mais une abstention sur le second en désertant l'hémicycle, pointe l'élu de droite.
A la rentrée parlementaire d'octobre, l'examen d'un projet de loi sur l'immigration, sujet de prédilection de l'extrême droite, promet des passes d'armes agitées.
Une question au gouvernement de Julien Odoul en a donné un avant-goût le 19 juillet. Le député de l'Yonne a dépeint une "France devenue un coupe-gorge", avec une "violence inouïe, sauvage et gratuite alimentée par une immigration de masse".
Ce n'est "décidément ni l'habit ni la cravate qui font le moine. On vous retrouve tels que vous êtes", lui a rétorqué le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, prompt à hausser la voix contre l'extrême droite.
"Vous mentez en permanence sur la justice laxiste", a-t-il martelé, en rappelant l'absence ou les votes contre du "Front national" lors de l'examen de projets de loi concernant la police, les magistrats ou l'augmentation de places de prison pendant la précédente législature.