PARIS: A l'occasion de la visite officielle du prince héritier Mohammed ben Salmane à Paris, Arab News en français s'est entretenu avec l'ancien ministre et actuel président de l'Institut du monde arabe, Jack Lang.
Question: Quelle est votre perception des relations de coopération franco-saoudiennes?
Réponse: Tout d’abord, je me réjouis de la visite du prince héritier, Mohamed ben Salmane, à Paris. C’est un événement important qui permettra, j’en suis sûr, d’ouvrir de nouvelles possibilités dans les relations bilatérales et qui consolidera les liens politiques, économiques, stratégiques et culturels entre la France et l’Arabie saoudite.
Je ne suis pas lié directement à la vie politique, je n’ai donc pas à apporter d’appréciations sur les questions qui y sont liées. Je sais qu’il y a des divergences qui peuvent surgir, ce sont des discussions qui auront lieu, sans doute, entre les dirigeants des deux pays, le président, Emmanuel Macron, et le prince héritier, Mohamed ben Salmane.
Pour ma part, je n’oublie pas qu’historiquement les deux pays fondateurs de l’Institut du monde arabe (IMA) furent l’Arabie saoudite, à l’époque du roi, Khaled ben Abdelaziz al-Saoud, et le président français, Valéry Giscard d’Estaing.
Q: Qu’en est-il de la coopération franco-saoudienne dans le cadre des projets culturels?
R: L’Arabie saoudite est un fabuleux pays qui développe de nombreux projets ambitieux à l’image du programme d’AlUla, voulu par le prince héritier, Mohamed ben Salmane, et le prince Badr ben Abdallah ben Mohammed ben Farhane al-Saoud, ministre saoudien de la Culture, et soutenu par la France via l’agence française en charge de la mise au point du plan de développement de ce site.
Personnellement, j’appartiens au comité consultatif, placé sous l’autorité personnelle du prince Badr ben Abdallah ben Mohammed ben Farhane al-Saoud, qui fait un travail exceptionnel pour la préservation du site, de son histoire et la beauté de ces lieux inouïs. À chaque fois que je me rends à AlUla, je suis frappé par l’avancement des projets archéologiques, touristiques, économiques et sociaux. Je suis aussi impressionné par le respect que les responsables d’AlUla portent à l’histoire des sites et aux populations locales qui sont totalement associées au programme, ce qui est révélateur de l’ambition du Royaume dans sa révolution culturelle.
En France, en Europe, et plus généralement en Occident, on ne sait pas assez à quel point l’Arabie saoudite entame une véritable révolution culturelle. Si l’on compare la situation d’il y a cinq ans à celle d’aujourd’hui, on constate un changement radical opéré sous l’impulsion du prince héritier dans tous les domaines de la culture: cinéma, théâtre, musées, architecture et musique.
Il y a dans ce pays un souffle et un élan culturels assez uniques. Je peux citer le premier festival du cinéma de la mer Rouge, organisé à Djeddah l’an dernier, ou encore les nombreux projets, riches et originaux, qui sont programmés à Riyad, une ville appelée à devenir une des plus grandes capitales culturelles du monde.
Il en est de même pour les autres villes et régions du pays qui connaissent une dynamique dans toutes les disciplines artistiques et créatives. Ce qui est accompli aujourd’hui en Arabie saoudite est étonnant et remarquable. Si la visite du prince héritier, Mohamed Ben Salmane, est une occasion de mieux faire connaître cette métamorphose heureuse et positive, c’est merveilleux. Je ne peux que me réjouir de cette extraordinaire effervescence culturelle qui fait de l’Arabie saoudite un pays majeur de la culture mondiale.
Q: Quelle est la place de la jeunesse dans cette révolution culturelle que vous évoquez?
R: Cette stratégie culturelle, éducative et scientifique mobilise la jeunesse qui représente l’Arabie de demain. Nombre de jeunes se reconnaissent à travers cet élan nouveau. Si on se rend aujourd’hui à Djeddah, à Riyad ou ailleurs dans le pays, on constate qu’un nouvel événement culturel a lieu chaque semaine. C’est une sorte de révolution culturelle permanente.
Personnellement, je suis de ceux qui pensent que chaque État doit choisir prioritairement la culture, la jeunesse, la science et l’éducation. Et c’est le choix opéré par les autorités saoudiennes pour construire l’avenir du pays. La France, elle-même engagée depuis longtemps sur ces sujets, se trouvera en pleine harmonie avec les réalisations saoudiennes.
Q: Qu’en est-il de la coopération entre l’Arabie saoudite et l’IMA?
R: Depuis que je préside l’IMA, j’ai noué des relations étroites avec les dirigeants culturels du Royaume. Le prince héritier a décidé d’apporter un soutien financier pour la rénovation des moucharabiehs des murs du bâtiment de l’IMA, conçus par Jean Nouvel.
Nous sommes, en ce moment, en discussion sur de nombreux projets, dont l’éventuelle création d’un Institut du monde arabe à Riyad, et surtout, le possible soutien de l’Arabie saoudite à la rénovation du musée de l’IMA qui est appelé à devenir l’un des plus importants musées d’art contemporain arabe d’Occident.