ATHÈNES: Alors que la France est encore sous le choc après l’attaque de la basilique Notre-Dame de Nice, et que les discours va-t-en guerre se multiplient – Christian Estrosi, maire de Nice ayant appelé pas plus tard que ce matin à « modifier la Constitution pour mener la guerre » - , d’autres voix s’élèvent pour rappeler que la logique du « tout sécuritaire » n’est pas la plus adaptée pour faire face à ce type de mode opératoire, désormais notoirement décrit comme du « terrorisme low-cost ».
Car au-delà de l’acte en lui-même, proprement effroyable, c’est de tout un modus operandi qu’il s’agit de tenir compte. Or celui-ci, et selon les personnes interrogées par Arab News en français, n’est pas le fait d’organisations structurées mais le fruit d’actes individuels fragiles psychologiquement et facilement impressionnable. « La rhétorique jihadiste les fait rêver. Et là où Daech les fait rêver, nous avons échoué », constate cet expert des médias du monde arabe. « C’est un constat amer, mais c’est la vérité », poursuit-il. « On n’a pas grand-chose à leur offrir, ce sont des actes qui sont le fruit d’un malaise social. Or l’islamisme se nourrit de ce malaise. Il y a tellement de jeunes qui n’ont pas leur place dans notre société » dit-il en soulignant que « les responsabilités sont multiples et partagées ». « Mais une chose est sûre, l’affaiblissement de nos services de renseignement ainsi que de la police de proximité nous a conduit là où nous sommes aujourd’hui ». Un avis partagé par Antoine de Tarlé, ancien directeur adjoint du quotidien Ouest-France pour qui la solution à court terme passe aussi par un renforcement du renseignement sur le territoire français. « Ces actes sont le fait de mouvements islamistes très minoritaires mais qui ont une influence certaine en France et dans les autres pays européens. Le fond du problème reste l’existence de communautés dans les périphéries des villes, isolées du reste de la société et qui, de plus, se voient affublées d’un système scolaire inefficace », affirme de Tarlé, qui ajoute que « l’intégration passe par l’éducation ».
Pour cela, il faut former les enseignants et les aider à faire face à la réalité à laquelle ils sont désormais confrontés au quotidien dans les écoles, explique cet ancien patron de presse. « Lorsqu’un professeur agrégé sans aucune connaissance de l’islam prend son poste en banlieue parisienne, il arrive dans des classes presque exclusivement occupées par des élèves musulmans. Or il n’a aucune connaissance de cette autre culture, qui n’est pas la sienne, de cette autre éducation, qui n’est pas la sienne ». Il faut aider les enseignants, qui font face à des défis permanents dans leurs classes, poursuit Antoine de Tarlé.
Valeurs universelles
Même son de cloche du côté de l’expert média précité. « Il ne faut plus faire preuve de laxisme dans les écoles. Lorsqu’un élève tient en classe des propos extrémistes, il ne faut pas passer outre et continuer la leçon comme si de rien n’était », explique-t-il.
Mais l’école n’est qu’une solution à long terme, qui portera peut-être ses fruits dans 20, voire 30 ans. A plus court terme et dans l’immédiat, le focus des autorités françaises devrait être le renforcement du renseignement et notamment le renseignement sur les réseaux internet et sociaux, note cet expert. C’est à cet effet que le système Pharos a été mis en place, mais son efficacité reste anecdotique selon l’expert média précité. « Pour ne rien laisser passer – et c’est précisément ce qu’il faut désormais faire – il faut que Pharos soit efficace. Or aujourd’hui, il fonctionne avec 25 personnes, alors qu’il en faudrait 2 000 au moins pour être efficace », martèle-t-il.
Il soulève également une autre problématique qui participe selon lui de la question du terrorisme en Europe. « Il y a un manque de cohérence avec le public arabe, de notre part. Nous voulons faire adhérer nos citoyens à des valeurs que nous estimons être universelles et dans le même temps, nous ne soutenons pas ces velléités lorsqu’elles émanent d’Algérie, d’Egypte ou d’Irak. Pourquoi nous laissons faire par exemple, lorsqu’il s’agit pour Kahled Drareni (journaliste algérien emprisonné, NDLR) d’aller en prison ? Nous ne soutenons pas, dans le monde arabe, des gens qui portent des valeurs qui sont les nôtres ».