Tunisie: le président Saied proche d'une victoire sur sa Constitution contestée

Un panneau d'affichage représentant le président tunisien Kais Saied est accroché sur le côté d' un immeuble de la ville de Kairouan, dans le centre-est, le 26 juillet 2022 (AFP)
Un panneau d'affichage représentant le président tunisien Kais Saied est accroché sur le côté d' un immeuble de la ville de Kairouan, dans le centre-est, le 26 juillet 2022 (AFP)
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Publié le Mardi 26 juillet 2022

Tunisie: le président Saied proche d'une victoire sur sa Constitution contestée

  • Dans un discours prononcé en pleine nuit devant ses supporters, rassemblés au centre de Tunis, il a estimé que « les Tunisiens ont donné une leçon au monde, une leçon d'histoire»
  • Les premiers résultats officiels ne sont pas attendus avant l'après-midi mais selon l'institut de sondage Sigma Conseil, le «oui» l'a emporté avec 92,3% des voix

TUNIS : Le président Kais Saied a promis de passer "du désespoir à l'espoir" grâce à une nouvelle Constitution soumise à référendum dont l'adoption ne fait guère de doutes mardi, et qui renforce ses pouvoirs au point de mettre en péril la toute jeune démocratie tunisienne.

La coalition d'opposition Front du salut national (FSN), qui avait appelé à boycotter le scrutin, a accusé mardi l'autorité électorale Isie d'avoir "amplifié" et "falsifié" les chiffres sur l'affluence au scrutin, en annonçant lundi soir la participation de près de 28% de l'électorat.

Les premiers résultats officiels sont attendus au plus tôt mardi après-midi, mais l'institut de sondage indépendant Sigma Conseil a annoncé un vote à "92,3%" pour le "oui".

La Tunisie, confrontée à une crise économique, aggravée par la Covid et la guerre en Ukraine dont elle dépend pour ses importations de blé, est très divisée depuis que M. Saied, élu démocratiquement en 2019, s'est emparé de tous les pouvoirs le 25 juillet 2021, arguant d'une ingouvernabilité du pays.

Peu après les premières estimations, le Front du salut national, dont fait partie le mouvement d'inspiration islamiste Ennahdha, bête noire de M. Saied, a estimé que "75% des Tunisiens ont refusé de donner leur approbation au projet putschiste lancé il y a un an par Kais Saied".

Said Benarbia de l'ONG Commission internationale des juristes a aussi critiqué la légitimité d'un vote avec une aussi faible mobilisation. "Toute Constitution qui en résulte ne reflète pas la vision de la majorité des Tunisiens et est privée de légitimité démocratique et d'appropriation nationale", a-t-il dit à l'AFP.

Pour l'analyste Youssef Cherif, "la plupart des gens ont voté pour l'homme (Kais Saied) ou contre ses opposants, pas pour son texte".

C'est le cas de Noureddine al-Rezgui, un huissier qui travaille à Tunis: "après 10 ans de déceptions et de faillite totale dans la gestion de l'Etat et l'économie, les Tunisiens veulent se débarrasser du vieux système et prendre un nouveau tournant".

Pour lui, "le fait que le niveau de participation ne soit pas génial, c'est normal et comme dans le reste du monde, par exemple aux dernières législatives en France".

L'expert Abdellatif Hannachi a également relativisé la faible affluence, la jugeant "tout à fait respectable compte tenu de la tenue du scrutin en été, pendant les vacances et en pleine chaleur".

Klaxons et drapeaux 

Dès les estimations de Sigma Conseil sur la télévision nationale, des centaines de partisans du président sont descendus fêter "sa victoire" sur l'avenue Bourguiba, dans le centre de Tunis.

Vers 01H00 GMT, Kais Saied s'est présenté devant la foule en liesse. "La Tunisie est entrée dans une nouvelle phase", a-t-il dit, assurant que la Constitution permettrait de passer "d'une situation de désespoir à une situation d'espoir".

Les votants étaient surtout "les classes moyennes les plus lésées, les adultes qui se sentent floués économiquement, politiquement et socialement", a analysé pour l'AFP le directeur de Sigma Conseil, Hassen Zargouni.

La nouvelle Constitution accorde de vastes prérogatives au chef de l'Etat, en rupture avec le système parlementaire en place depuis 2014.

Le président qui ne peut être destitué désigne le chef du gouvernement et les ministres et peut les révoquer à sa guise. Il peut soumettre au Parlement des textes législatifs qui ont "la priorité". Une deuxième chambre représentera les régions, en contrepoids de l'Assemblée des représentants (députés) actuelle.

Sadok Belaïd, le juriste chargé par M. Saied d'élaborer une ébauche de Constitution, a désavoué le texte final, estimant qu'il pourrait "ouvrir la voie à un régime dictatorial".

«Tous les pouvoirs»

Le président Saied, 64 ans, considère cette refonte de la Constitution comme le prolongement de la "correction de cap" engagée le 25 juillet 2021 quand, arguant des blocages politico-économiques, il avait limogé son Premier ministre et gelé le Parlement avant de le dissoudre en mars.

Soulignant la reprise en main ces derniers mois du Conseil supérieur de la magistrature ou de l'Isie, les défenseurs des droits humains et l'opposition ont dénoncé l'absence de contrepouvoirs et de garde-fous dans ce texte.

Si des espaces de liberté restent garantis, la question d'un retour à une dictature comme celle de Zine el Abidine Ben Ali, déchu en 2011 lors d'une révolte populaire, pourrait se poser "dans l'après Kais Saied", a dit M. Cherif à l'AFP.

Pour nombre d'experts, l'avenir politique de M. Saied dépendra de sa capacité à relancer une économie dans une situation catastrophique avec un chômage très élevé, un pouvoir d'achat en chute libre et un nombre de pauvres qui augmente.

 

Tunisie: l'instance électorale a "falsifié" les chiffres, accuse l'opposition

Le Front du Salut national (FSN), une coalition de partis d'opposition en Tunisie, a accusé mardi l'instance électorale d'avoir "falsifié" les chiffres sur le taux de participation, soutenant que le référendum du président Kais Saied avait "échoué".

Un référendum s'est tenu lundi sur une nouvelle Constitution contestée qui octroie de vastes prérogatives au président de la République. La plupart des grands partis d'opposition dont le mouvement d'inspiration islamiste Ennahdha ont boycotté la consultation.

Selon l'Instance chargée d'organiser ce scrutin, Isie, plus de 27% des électeurs, sur 9,3 millions d'inscrits, ont voté.

"Les chiffres sortis de l'Isie sont amplifiés et ne correspondent pas à ce qui a été constaté dans les régions par des observateurs", a affirmé devant la presse, Ahmed Néjib Chebbi, dirigeant du FSN.

Cette instance électorale "n'est pas intègre et impartiale" et ses "chiffres sont falsifiés", a-t-il accusé.

"La seule référence de la légitimité dans le pays est la Constitution de 2014 et Kais Saied doit ouvrir la voie à des élections générales présidentielle et législatives" anticipées, a poursuivi M. Chebbi.

Pour lui, le faible taux de participation au référendum qui a été boycotté selon lui "par les deux tiers" du corps électoral, a prouvé "l'échec du coup d'Etat de Kais Saied".

Pour les partisans de M. Saied en revanche, le référendum a montré un large soutien au chef de l'Etat.

Tout engagement du Fonds monétaire international (FMI) envers le pouvoir actuel aboutira, selon M. Chebbi, à davantage de troubles sociaux et politiques.

Pour éviter un défaut de paiement, la Tunisie confrontée à une crise économique, a demandé un nouveau prêt du FMI.


La coalition arabe met en garde contre toute action militaire compromettant la désescalade au Yémen

Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj lors d'un rassemblement pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC) dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025. (AFP)
Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj lors d'un rassemblement pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC) dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025. (AFP)
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  • Le porte-parole de la coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a indiqué que cet avertissement fait suite à une demande du Conseil présidentiel yéménite pour prendre des mesures urgentes

DUBAÏ : La coalition arabe soutenant le gouvernement yéménite internationalement reconnu a averti samedi que tout mouvement militaire compromettant les efforts de désescalade serait traité immédiatement afin de protéger les civils, a rapporté l’Agence de presse saoudienne.

Le porte-parole de la coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a déclaré que cet avertissement fait suite à une demande du Conseil présidentiel yéménite visant à prendre des mesures urgentes pour protéger les civils dans le gouvernorat de Hadramout, face à ce qu’il a qualifié de graves violations humanitaires commises par des groupes affiliés au Conseil de transition du Sud (CTS).

Le communiqué précise que ces mesures s’inscrivent dans le cadre des efforts conjoints et continus de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis pour réduire les tensions, faciliter le retrait des forces, remettre les camps militaires et permettre aux autorités locales d’exercer leurs fonctions.

Al-Maliki a réaffirmé le soutien de la coalition au gouvernement yéménite internationalement reconnu et a appelé toutes les parties à faire preuve de retenue et à privilégier des solutions pacifiques, selon l’agence.

Le CTS a chassé ce mois-ci le gouvernement internationalement reconnu de son siège à Aden, tout en revendiquant un contrôle étendu sur le sud du pays.

L’Arabie saoudite a appelé les forces du CTS à se retirer des zones qu’elles ont prises plus tôt en décembre dans les provinces orientales de Hadramout et d’Al-Mahra.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Les Émirats arabes unis saluent les efforts de l’Arabie saoudite pour soutenir la stabilité au Yémen

Les Émirats arabes unis ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen. (WAM)
Les Émirats arabes unis ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen. (WAM)
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  • Les Émirats arabes unis ont salué le rôle constructif du Royaume dans la promotion des intérêts du peuple yéménite

DUBAÏ : Les Émirats arabes unis ont salué vendredi les efforts de l’Arabie saoudite pour soutenir la sécurité et la stabilité au Yémen, a rapporté l’agence de presse officielle WAM.

Dans un communiqué, les Émirats ont loué le rôle constructif du Royaume dans la promotion des intérêts du peuple yéménite et dans le soutien de leurs aspirations légitimes à la stabilité et à la prospérité.

Les Émirats ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen, en soulignant leur appui aux efforts contribuant à la sécurité et à la prospérité régionales.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Liban adopte le projet de loi sur le gap financier malgré l’opposition du Hezbollah et des Forces libanaises

Le Premier ministre libanais Nawaf Salam s'exprimant lors d'une conférence de presse après une réunion du Conseil des ministres à Beyrouth, le 26 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre libanais Nawaf Salam s'exprimant lors d'une conférence de presse après une réunion du Conseil des ministres à Beyrouth, le 26 décembre 2025. (AFP)
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  • Le texte vise à trancher le sort de milliards de dollars de dépôts bloqués et devenus inaccessibles pour les citoyens libanais depuis l’effondrement financier du pays

BEYROUTH : Le Conseil des ministres libanais a approuvé vendredi un projet de loi controversé visant à encadrer la relance financière et à restituer les dépôts bancaires gelés aux citoyens. Cette décision est perçue comme une étape clé dans les réformes économiques longtemps retardées et exigées par le Fonds monétaire international (FMI).

Le texte a été adopté par 13 voix pour et neuf contre, à l’issue de discussions marathon autour du projet de loi dit du « gap financier » ou de récupération des dépôts, bloqué depuis des années après l’éclatement de la crise bancaire en 2019. Les ministres de la Culture et des Affaires étrangères étaient absents de la séance.

La législation vise à déterminer le sort de milliards de dollars de dépôts devenus inaccessibles pour les Libanais durant l’effondrement financier du pays.

Le projet a été rejeté par trois ministres des Forces libanaises, trois ministres du Hezbollah et du mouvement Amal, ainsi que par la ministre de la Jeunesse et des Sports, Nora Bayrakdarian, le ministre des Télécommunications, Charles Al-Hajj, et le ministre de la Justice, Adel Nassar.

Le ministre des Finances, Yassin Jaber, a rompu avec ses alliés du Hezbollah et d’Amal en votant en faveur du texte. Il a justifié sa position par « l’intérêt financier suprême du Liban et ses engagements envers le FMI et la communauté internationale ».

Le projet de loi a suscité une vive colère parmi les déposants, qui rejettent toute tentative de leur faire porter la responsabilité de l’effondrement financier. Il a également provoqué de fortes critiques de l’Association des banques et de plusieurs blocs parlementaires, alimentant les craintes d’une bataille politique intense au Parlement, à l’approche des élections prévues dans six mois.

Le Premier ministre Nawaf Salam a confirmé que le Conseil des ministres avait approuvé le texte et l’avait transmis au Parlement pour débat et amendements avant son adoption définitive. Cherchant à apaiser les inquiétudes de l’opinion publique, il a souligné que la loi prévoit des audits judiciaires et des mécanismes de reddition des comptes.

« Les déposants dont les comptes sont inférieurs à 100 000 dollars seront intégralement remboursés, avec intérêts et sans aucune décote », a déclaré Salam. « Les grands déposants percevront également leurs premiers 100 000 dollars en totalité, le reste étant converti en obligations négociables garanties par les actifs de la Banque centrale, estimés à environ 50 milliards de dollars. »

Il a ajouté que les détenteurs d’obligations recevront un premier versement de 2 % après l’achèvement de la première tranche de remboursements.

La loi comprend également une clause de responsabilité pénale. « Toute personne ayant transféré illégalement des fonds à l’étranger ou bénéficié de profits injustifiés sera sanctionnée par une amende de 30 % », a indiqué Salam.

Il a insisté sur le fait que les réserves d’or du Liban resteront intactes. « Une disposition claire réaffirme la loi de 1986 interdisant la vente ou la mise en gage de l’or sans l’approbation du Parlement », a-t-il déclaré, balayant les spéculations sur une utilisation de ces réserves pour couvrir les pertes financières.

Reconnaissant que la loi n’est pas parfaite, Salam l’a néanmoins qualifiée de « pas équitable vers la restitution des droits ».

« La crédibilité du secteur bancaire a été gravement entamée. Cette loi vise à la restaurer en valorisant les actifs, en recapitalisant les banques et en mettant fin à la dépendance dangereuse du Liban à l’économie du cash », a-t-il expliqué. « Chaque jour de retard érode davantage les droits des citoyens. »

Si l’Association des banques n’a pas publié de réaction immédiate après le vote, elle avait auparavant affirmé, lors des discussions, que la loi détruirait les dépôts restants. Les représentants du secteur estiment que les banques auraient du mal à réunir plus de 20 milliards de dollars pour financer la première tranche de remboursements, accusant l’État de se dédouaner de ses responsabilités tout en accordant de facto une amnistie à des décennies de mauvaise gestion financière et de corruption.

Le sort du texte repose désormais sur le Parlement, où les rivalités politiques à l’approche des élections de 2025 pourraient compliquer ou retarder son adoption.

Le secteur bancaire libanais est au cœur de l’effondrement économique du pays, avec des contrôles informels des capitaux privant les déposants de leurs économies et une confiance en chute libre dans les institutions de l’État. Les donateurs internationaux, dont le FMI, conditionnent toute aide financière à des réformes profondes du secteur. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com