LOS ANGELES : Chaque jour, Damon Ayala sillonne les rues de Los Angeles en scrutant trottoirs et caniveaux. A la moindre flaque, il est en arrêt: "Ce n'est pas une situation critique mais ça peut être une fuite dans le système d'irrigation."
Ce spécialiste travaille pour l'Agence de l'eau de la ville, qui reçoit chaque mois des centaines de signalements faisant état de gaspillage d'eau alors que la Californie, et la majeure partie de l'ouest des Etats-Unis, subit depuis des années une sécheresse chronique.
Pour les scientifiques, il ne fait pas de doute que ce phénomène, déjà constaté par le passé dans la région, est encore aggravé par le changement climatique induit par les activités humaines.
De nombreux réservoirs et cours d'eau ayant déjà atteint leurs plus bas niveaux historiques au début de l'été, les autorités ont mis en place des restrictions d'eau à Los Angeles. Les jardins ne peuvent ainsi être arrosés que deux fois dans la semaine, aux heures fraîches uniquement et jamais plus de quinze minutes.
"Par exemple, ici il y a des traces d'irrigation", tranche M. Ayala, en pointant du doigt une flaque formée sur le trottoir peu après 10h du matin.
L'expert note soigneusement l'adresse du logement soupçonné d'avoir enfreint les règles, qui risque d'avoir prochainement de ses nouvelles.
«Changer les comportements»
En vertu du plan de restriction d'eau mis en oeuvre à Los Angeles, la première infraction constatée ne se traduit que par un avertissement sans frais.
"Ca va les inciter à agir et à rectifier des choses dont ils n'avaient peut-être même pas conscience", dit Damon Ayala.
Les récidivistes se voient infliger une amende de 200 à 600 dollars mais "ce n'est pas l'argent qui nous intéresse, ça ne va pas nous donner plus d'eau. Ce que nous essayons de faire, c'est de changer les comportements pour économiser l'eau."
Les choses se corsent vraiment à la cinquième infraction: les services de l'Agence de l'eau installent alors sur l'arrivée principale un dispositif qui réduit considérablement le débit du logement fautif, ne lui laissant que le strict nécessaire.
Une mesure qui, selon M. Ayala, n'est mise en oeuvre que très rarement.
"Nous avons connu des sécheresses très sévères par le passé et les habitants de Los Angeles ont répondu présents", assure-t-il.
Célèbre dans le monde entier pour ses rues bordées de palmiers, la ville raffole également des belles pelouses bien vertes.
Mais depuis une première sécheresse prolongée entre 2012 et 2016, ces jardins ont commencé une lente transformation, le gazon cédant la place à des plantes plus adaptées.
"Plus de 50% de l'eau consommée dans le cadre d'un usage résidentiel est utilisée pour l'extérieur", explique Pamela Berstler, directrice de G3 Green Gardens Group, une ONG qui promeut de meilleures pratiques dans le paysage urbain.
Elle organise notamment des formations et des ateliers pour apprendre aux Angelins comment transformer leurs jardins pour les rendre moins gourmands en eau et plus résistants à la sécheresse.
«Un choix évident»
Gabriel Golden et Danielle Koplinkase, qui vivent dans le sud de Los Angeles, participent depuis quelques années à ce programme. "Au regard de l'impact environnemental de l'arrosage d'une pelouse avec un climat aussi aride, sans même parler d'une sécheresse, c'était un choix évident", dit le couple, qui veut donner l'exemple à ses voisins.
Dans leur jardin on trouve des plantes endémiques de la région, comme des succulentes ou le chêne de Californie, bien plus petit et rustique que son cousin européen.
Formatrice chez G3 Green Gardens Group, Marianne Simon insiste sur le fait que de tels jardins peuvent être aussi beaux que les autres tout en utilisant très peu d'eau. "Il y a des régions en Californie où vous ne pouvez arroser qu'une fois par semaine, et là-bas les jardins s'en contentent", plaide-t-elle.
Mme Simon insiste aussi sur l'importance de ne pas troquer le gazon contre une pelouse artificielle ou pire, du ciment.
"Il ne faut pas seulement raisonner en termes d'économie d'eau, mais avoir une perspective plus globale", dit-elle.
"Si vous mesurez la température dans une zone végétalisée par rapport à du gravier, c'est facilement 10°C plus frais et ça retient l'eau ce qui permet de recharger les aquifères", ajoute l'experte.
Au même moment, l'arrosage automatique se déclenche dans une maison de l'autre côté de la rue. C'est le milieu de l'après-midi et le thermomètre affiche 36°C.
"C'est triste à voir. Mais d'un autre côté, c'est une leçon", lâche Marianne Simon en désignant ce jardin à l'herbe rabougrie.